Aujourd'hui, l'eau est plus que jamais une ressource stratégique. Ce n'est pas sa rareté qui pose problème mais tous les enjeux liés à sa répartition et à sa distribution. En Afrique, ce n'est pas tant l'eau qui manque que les infrastructures destinées à assurer à la population l'accès à une eau saine et potable. Au Ghana, l'action du gouvernement commence à porter ses fruits puisque depuis les années 90, la part de la population bénéficiant d'un accès à une eau traitée est passée de 53 % à 88 % selon un rapport de la Banque mondiale. Ceci est un progrès mais les populations rurales restent défavorisées par rapport à celles des grandes villes et un pourcentage non négligeable de personnes demeure sans accès à l'eau potable.
Au Ghana, l'eau en sachet se vend comme des petits pains
Il existe donc une demande pour de l'eau hors des circuits de distributions traditionnels. Certains ont les moyens de boire de l'eau minérale en bouteille. Les autres doivent acheter de l'eau en sachet, plus connue sous le nom de « Pure Water ». En effet, là où la bouteille d'eau minérale est vendue jusqu'à 2 Cedi (50 centimes d'euro), le sachet d'eau ne revient qu'à 0,10 Cedi (3 centimes d'euro). Il est alors compréhensible que dans un pays où le salaire moyen s'élève à 348 Cedi (93 euros), une grande majorité préfère se procurer ces poches de « Pure Water » dont il suffit de déchirer un coin d'un coup de dent pour profiter d'un demi-litre d'eau fraîche. À Accra, la capitale, et dans toutes les grandes villes, on peut trouver partout et à toute heure un vendeur d'eau en sachet. Pour une somme modique, on se désaltère.
Des normes d'hygiène peu appliquées
L'eau en sachet apparaît alors comme nécessaire pour pallier les insuffisances du réseau de distribution d'eau. Mais là où ce dernier est soumis au contrôle du Ghana Water Company Limited (GWCL), la compagnie des eaux du Ghana, le commerce et la production de « Pure Water » sont beaucoup moins réglementés. De nombreuses sociétés se partagent le marché et la concurrence tire les prix vers le bas. Pour conserver une marge de profit, ces dernières font des économies sur la production même des sachets. Quand ils ne contiennent pas de l'eau du robinet, alors vendue des dizaines de fois plus chère que par le réseau du GWCL, ils sont souvent remplis avec de l'eau issue de forages illégaux, peu ou pas traitée. Des enquêtes relèvent des installations vétustes, des locaux insalubres, des pratiques non conformes aux normes d'hygiène et des conditions de stockage qui rendent l'eau impropre à la consommation.
Pour répondre à ce problème, le gouvernement ghanéen met en place des contrôles. Des inspecteurs sont chargés de veiller au respect des normes d'hygiène et de conditionnement de l'eau. Cependant, ces derniers sont loin d'être assez nombreux et seules quelques entreprises sur les centaines qui produisent de l'eau en sachet font l'objet de visites régulières. De plus, les inspecteurs sont peu formés et manquent de matériel adapté. Le gouvernement se trouve alors impuissant à prévenir la vente, hors de toute cadre légal, d'une multitude de marques de « Pure Water » qui n'a souvent de pure que le nom.
En avril 2013, une épidémie de choléra a frappé Accra et provoqué treize morts et six cents hospitalisations. Cette maladie est transmise par l'eau et les autorités sanitaires attribuent sa propagation au manque de respect des normes d'hygiène dans la capitale, ainsi qu'à la consommation d'eau en sachet, souvent non traitée et porteuse de maladies.