La date de vendredi a échauffé bien des esprits. Le 21 décembre 2012 devait être la fin du monde. On pourrait presque dire qu'on en a l'habitude, puisque les prévisions de fin du monde sont devenues assez récurrentes ces dernières années. Il y en a certaines qui sont liées à des dates symboliques, comme le passage à l'an 2000; d'autres sont promises par des groupes ou individus plus ou moins sérieux; certaines se fondent sur d'anciennes croyances, ce qui fut le cas pour le 21 décembre qui devait correspondre à la fin d'une ère selon la tradition maya.
Il faut immédiatement avoir en tête que la civilisation maya a disparu depuis fort longtemps, qu'elle avait une vision du monde bien différente de la nôtre et qu'il est donc maladroit de croire que les Mayas avaient en tête une fin du monde à l'hollywoodienne. Il semble en fait qu’il s’agisse de la fin d'un cycle (et non pas la fin du monde). L'idée de cycle est une chose très répandue dans les traditions anciennes. On a les fameux âges d'or, d'argent, d'airain et de fer dans les civilisations antiques européennes qui forment un cycle humain ; les hindous donnent eux le nom de Manvantara à ces cycles qu'ils divisent également en quatre âges.
Mais, ces traditions ont une vision contraire à celle que nous avons actuellement. Les quatre âges successifs à l'intérieur d'un cycle, quelle que soit la civilisation, représentent une régression de l'humanité : on part d'une civilisation brillante pour arriver à une civilisation décadente. Contrairement à cette vision, nous sommes plus ou moins persuadés d'être le fleuron de l'humanité aujourd'hui. Cela s'explique peut-être par une différence de point de vue puisque les anciennes traditions donnent la préférence à la spiritualité, à ce qui relève de l'esprit, alors que nous sommes clairement dans une culture matérialiste.
Le syndrome de la fin du monde
Pourtant, malgré le sentiment que nous avons d'être à la pointe du progrès, les hypothétiques "fins du monde" donnent lieu à des réactions de plus en plus étranges. Ces dernières traduiraient un véritable mal-être de la part de nos contemporains qui pressentiraient, inconsciemment, un essoufflement de notre civilisation.
Il est vrai qu'aujourd'hui, de réels moyens d’autodestruction existent, du fait de notre technologie et de notre surarmement par exemple, ce qui n'était pas le cas du temps des civilisations qui nous ont précédés même si les fins de civilisations paraissent toujours apocalyptiques (les invasions barbares de la fin de l'Empire Romain, les destructions de civilisations sud-amérindiennes par les Conquistadors...). Serait-ce un rejet de ce matérialisme qui semblait décrier par les anciennes traditions, avec une économie qui dirige plus ou moins le sort de nos sociétés alors qu'elle était reléguée au second plan jusqu’alors. Les différentes crises financières qui secouent la planète inquiètent aussi car elles montrent les failles d'un système économique et bancaire qui semblent pouvoir s'effondrer très rapidement. Tout cela est bien confus et inspirent beaucoup les domaines artistiques, notamment le cinéma.
La part de l'imaginaire
Avec 2012, on a vu fleurir un nombre de fictions assez important sur des fins du monde gigantesques et spectaculaires. On peut se poser la question de l'influence qu'ont ces fictions sur les réactions, les peurs face à l'idée d'une fin du monde. Comme nous l'avons dit précédemment, la situation mondiale actuelle n'est pas forcément des plus rassurantes. Alors, est-il bon d'entretenir l'émulation par des suggestions qui favorisent le développement de l'imaginaire.
L'art est souvent vu comme une représentation de la vie ou la projection de convictions, quelle que soit sa nature. Le cinéma est un art très abouti matériellement puisqu'il met en scène de façon très réelle la pensée, l'idée de son créateur. A tel point que certaines personnes face à des fictions trop réalistes perdent tout sens de la vie réelle en voulant reproduire des scènes violentes de films (sur un plan sanguinaire ou sexuel) ou en voulant réaliser à leur tour des scènes, comme dans le cas de l'affaire Magnotta. Alors, le cinéma peut-il exacerber sans limite l'imaginaire ? C'est un débat qui semble avoir du mal à être clairement posé.
Les fins existent, sans pour autant être apocalyptiques. Fins que nous ne comprenons peut-être pas dans leur sens originel. Ces prophéties servent peut-être de fondements pour réfléchir sur l'état de notre propre société – si nous ne nous laissons pas emporter par les débordements de l'imagination. Avant de prendre peur de croiser le Kraken en mer, peut-être faut-il s'inquiéter de savoir gouverner et mener le navire à bon port !