Chaque année, l'industrie de la mode est rythmée par les « fashion week », anglicisme de « semaine des défilés », qui ont lieu de façon bi-annuelle. De New-York à Milan, en passant par Londres et Paris, c'est l'occasion pour les stylistes et les maisons de couture de dévoiler leurs dernières collections. L'objectif de ces semaines de défilés est de définir les tendances de la saison à venir (automne-hiver, printemps-été). Cet événement à échelle internationale qui s'étale sur une période approximative d'un mois, à pour habitude de commencer par la Fashion Week de New York et de prendre fin à Paris, qui n'est autre que le berceau de la haute-couture.
La France est réputée pour son talent en matière de création, et ce depuis des décennies. Coco Chanel, Jean Paul Gaultier, Yves Saint Laurent, Christian Dior sont autant de figures représentatives du génie à la française. Qualifié de « capitale de la mode », Paris imagine, crée et influence. Mais la ville lumière, à elle seule, peut-elle réellement être représentative d'un talent national ? Cette réflexion a conduit Olivier Nkounga, directeur de l'agence bordelaise City Event, à vouloir faire d'une ville de province, une nouvelle capitale de la mode.
Les petits plats dans les grands
Annoncé depuis janvier dernier, l'évènement avait pour objectif d'animer la ville, dite « en sommeil » dans un premier temps, en favorisant le partage, la rencontre et l'échange entre professionnels et passionnés. De révéler les talents locaux, aussi bien en matière de mode, d'art que de musique. Mais également d'inscrire Bordeaux comme ville influente dans le monde de la mode, aux côtés de grandes pointures comme Paris, Londres ou encore Milan. Ce projet novateur annonçait un programme séduisant avec la mise en place d'une quarantaine de défilés de haute-couture, prêt-à-porter, street-wear, lingerie et de jeunes créateurs, dans des lieux prestigieux de la ville : Palais de la Bourse, musée des douanes, péniche royale. Il promettait également la présence d'invités prestigieux, à la renommée internationale, comme Rebecca Ayoko, ancienne égérie d'Yves Saint Laurent ou encore l'équipe des Girondins de Bordeaux.
Aussi, la fashion week bordelaise a essayé de satisfaire son public en lui proposant d'admirer le travail de créateurs internationaux. En effet, il nous a été permis d'apprécier la collection haute-couture de LIZZI, une marque franco-brésilienne qui souhaite mettre en avant l'artisanat et le savoir-faire unique et traditionnel à travers une collection « made in Brazil ». Authencité rime avec tendance dans cette collection aux couleurs pastel qui n'est pas sans rappeler les teintes vues sur les défilés de Gucci et Chloé.
L'événement bordelais a également eu la chance de recevoir Silvia Terziu, créatrice haute-couture qui a eu l'opportunité de travailler avec Marc Jacobs et qui a conçu, entre autres, une robe pour l'intransigeante Lady Gaga. La collection présentée fait preuve de minimalisme et de délicatesse. Fluidité, transparence et broderie sont les maîtres-mots de ces créations qui s'apparentent aux tendances vues chez Valentino, Dolce & Gabbana ou encore Alexander McQueen. Elin Lejelind, créatrice haute-couture suédoise a également honoré cet événement de par sa présence. La présentation de sa collection intitulée « Notorious », s'inspirant du film d'Alfred Hitchcock, s'est articulée en deux temps : la partie sombre durant laquelle nous avons pu découvrir – entre autres – une robe bi-matière jouant avec LE tissu tendance de la saison à venir, à savoir le velours. Un manteau qui revisite le col roulé et couvre le cou avec style. Modèle qui rappelle la griffe de Jean-Charles de Castelbajac et sa collection automne-hiver 2015 présentée à la fashion week de Paris. Dans un second temps, le blanc était mis en avant à travers la sobriété des robes. Un minimalisme qui sera la tendance phare de l'hiver prochain et que nous avons déjà pu apercevoir sur les podiums de la maison Martin Margiela ou encore dans la collection de Victoria Beckham. En bref, la fashion week n'a pas lésiné sur les moyens en invitant des créateurs internationaux à présenter leurs collections dans ces prestigieux lieux bordelais. Pourtant, cela n'a pas suffi à faire de cet événement un rendez-vous incontournable...
Un projet trop ambitieux ?
Dans les faits, bien que l'organisation de la fashion week ait tenté de varier les genres de défilés, multiplier les show musicaux et les performances artistiques (cracheur de feu, peinture spontanée, danse, show coiffure...), le bilan n'en reste pas moins désolant. En effet, une partie non-négligeable des sièges sont restés désespérément vides et l'ambiance générale à la limite du maussade. Le prix des places (de 30€ à 550€ le pass 4 jours VIP) est une des raisons qui ont forcé les plus curieux à tourner les talons. N'aurait-il pas été judicieux de proposer des tarifs plus abordables pour une première édition qui a encore tout à prouver ? Sans compter le manque de rigueur dans l'organisation et dans la communication de l'événement : blancs à répétitions, trop longues attentes entre les défilés, manque de communication à l'extérieur afin d'assurer le rabattage...
C'est avec embarras et consternation que l'on a pu apprendre ce samedi 10 mai que La Bordeaux Fashion Week était prématurément arrivée à son terme. Effectivement, les portes du Palais de la Bourse sont restées closes suite à l'interdiction formulée par le préfet de la région, Michel Delpuech, en raison de « très nombreuses infractions », à savoir : travail dissimulé, non possession d'une licence d'organisateur de spectacle, absence d'agrément préfectoral pour l'engagement d'enfants mannequins, contrats de travail non-conforme pour l'embauche d'hôtesses... Il ne serait donc pas fortuit d'affirmer que ce n'est pas cette année que La Bordeaux Fashion Week pourra égaler les défilés de Paris ou Milan, comme l'organisation se plaisait à l'annoncer. Malgré cela, on peut admirer l'effort et le projet originel qui était ambitieux... Voire peut-être trop ambitieux ?
Vous pouvez vivre ou revivre ces quelques défilés à travers les photos exclusives réalisées par Thierry Poumeyrol, jeune talentueux photographe : https://www.facebook.com/plus.dechoco?fref=ts