Christian Bouche-Villeneuve, réalisateur mais aussi éditeur, photographe, pionnier de l'installation multimédia, et intellectuel, est né en 1921 à Paris. Français, il a changé son nom pour devenir Chris Marker. Connu sous ce nom d'emprunt, il est pour autant défini comme "le plus célèbre des cinéastes inconnus". Si son nom résonne dans vos oreilles pour la toute première fois, c'est parce que, malgré l'influence de son travail et la reconnaissance qu'il en a tiré, Marker a toujours souhaité rester dans l'ombre, refusant d'être interviewé ou photographié, conservant ainsi, une certaine forme d'anonymat.
Plus d'un an et demi après son décès, le 29 juillet 2012, la White Chapel Gallery lui consacre une grande rétrospective, la première en son honneur depuis sa mort.
« Cinéaste mais aussi écrivain et photographe, Chris Marker a été pionnier dans l'art de « l'essai cinématographique »
Si d'une part, elle permet de faire mémoire sur l'œuvre très influente de l'artiste, elle est aussi l'occasion de découvrir les autres facettes de son travail.
Écrivain, photographe, philosophe dans ses réflexions, Marker est connu du grand public comme un cinéaste, pionnier dans l'art de "l'essai cinématographique", agissant dans l'ombre de son art, caché derrière des grands noms de courts et moyens métrages tels que La Jetée, Sans Soleil, Le Fond de l'Air est Rouge, Le Tombeau d'Alexandre etc. Son chef d'œuvre de 1962, La Jetée, aurait notamment influencé la réalisation du film de Terry Gilliam, L'armée des douze singes (Twelve Monkeys,1995).
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« Entre le documentaire et la réflexion personnelle, les œuvres de Marker sont de savants mélanges de techniques visuelles qui ont révolutionnées le genre cinématographique »
Avec La Jetée, Marker arrive à captiver durant vingt-six minutes le spectateur qui se trouve confronté à un film conceptuel qui est en fait un savant assemblage de photographies, accompagné d'une voix off et de bruits qui, tous réunis, permettent ainsi un ensemble cohérent et aussi fluide qu'un film classique.
A cheval entre le documentaire et la réflexion personnelle, ces "essais cinématographiques" d'un nouveau genre ont fait de Marker une des figures les plus influentes dans le milieu de la technique visuelle et cinématographique.
« Lyrique mais tranchant, politique sans trop l'être, un Chris Marker multifacettes »
Au-delà de son travail cinématographique donc, Marker a été un artiste aux multiples facettes, prolifique, déployant son talent dans le domaine de la photographie, puis de l'écriture, de l'édition pour enfin avoir fait figure de pionnier dans l'installation multimédia.
Lyrique mais tranchant, politique sans trop l'être, c'est donc ces différents visages de la personnalité de l'artiste que les curateurs de l'exposition ont souhaité mettre en avant.
Choisissant non seulement de projeter certains des films majeurs de Marker, les curateurs de l'exposition invitent aussi le visiteur à découvrir des photographies, représentant la France de mai 68, des installations multimédia, mettant en scène Monsieur Chat, ou encore des citations à l'allure philosophique à plusieurs endroits de l'exposition.
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« Voix-off, atmosphère angoissante, on ne sait plus vraiment discerner la science-fiction et la réalité... »
Au rez-de-chaussée, quelques photos, des pages issues de carnets de bord de l'artiste, puis soudainement, un petit couloir étroit et sombre nous amène à découvrir une salle totalement plongée dans le noir, simplement éclairée par la lumière produite par les quelques quinze ou vingt télévisions empilées les unes sur les autres, affichant des messages et projetant simultanément des images.
Enfin, à l'étage de l'exposition est projeté La Jetée, réalisation majeure de l'œuvre de Chris Marker. Assemblages d'images en noir et blanc, voix-off, atmosphère angoissante, on ne sait plus vraiment discerner la science fiction et la réalité. Et finalement, un moyen-métrage mais pas seulement, une réflexion, perturbante, qui ne cessera de triturer l'intellect du visiteur durant le reste de la journée, au moins.
"Chris Marker, A Grin Without A Cat", à découvrir à la White Chapel Gallery de Londres jusqu'au 22 juin 2014.