Euthanasie : la mort sur commande en Europe

1 Août 2013



La vie ou la mort, avons-nous vraiment le choix ? Euthanasie active, passive, suicide assisté ou encore accès aux soins palliatifs, quelles solutions pour les patients atteints d’une maladie incurable ? Le Journal International vous propose un tour d’horizon sur les législations européennes concernant l’aide à mourir.


Crédits photo -- Mind/GETTY
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Pour bien comprendre le débat, il est important de distinguer quelques notions. Autoriser l’euthanasie active permet au médecin d’administrer au malade une substance létale en vue de provoquer la mort immédiatement. Elle se distingue de l’euthanasie passive qui correspond au renoncement du malade des traitements médicamenteux, suivi d’un arrêt des mesures de maintien de la vie comme l’alimentation ou de l’hydratation artificielle. Le suicide assisté se comprend comme un acte actif à mourir. À l’instar de l’euthanasie active, l’assistance au suicide désigne le fait de fournir à une personne les moyens de se suicider.

Chaque pays membre de l’Union européenne est autorisé à légiférer comme il l’entend en ce qui concerne le droit à mourir tant que les solutions proposées restent dignes et respectables. Les pays du Benelux autorisent une aide active à mourir alors que d’autres pays de la vieille Europe réfléchissent encore (le Royaume-Uni, ou l’Espagne). Depuis 2009, le sénat italien interdit aux patients en fin de vie de demander l’interruption de leur alimentation au nom du « droit à mourir ». Le vote est intervenu un mois et demi après la mort d’Eluana Englaro, dans le coma depuis 17 ans dont la famille avait obtenu en justice le droit de mourir. En ce qui concerne certains pays d’Europe de l’Est comme la Pologne, l’acharnement thérapeutique, qu’ils refusent d’interdire, est véritablement la seule option envisageable.

Retour sur quelques exceptions juridiques européennes proposant une alternative à l’acharnement thérapeutique.

La « mort sur ordonnance » en Suisse

La Suisse est l’un des rares pays au monde qui autorise l’aide au suicide des personnes voulant mettre fin à leurs souffrances. Le droit suisse consacre le droit à mourir dans la dignité. Par un vote en 2001, le Conseil National suisse a confirmé que l’assistance au suicide est légale tant que celui qui aide à mourir n’est pas animé d’un « mobile égoïste ». À noter que le terme euthanasie n’existe pas dans le droit suisse puisqu’elle n’est pas tolérée.

Le malade doit répondre à des conditions juridiques et médicales pour demander une assistance médicalisée au suicide: le discernement, une demande sérieuse et répétée, et une maladie incurable, des souffrances physiques ou psychiques intolérables, un pronostic fatal ou une invalidité importante. Ces personnes, ayant émis le souhait de mettre fin à leurs jours, sont alors accueillies dans une des structures des associations suisses par des « anges de la mort » qui s’occupent de se procurer du penthotal, un barbiturique mortel à haute dose prescrit par un médecin sur ordonnance.

L’association « Dignitas » est la seule à accorder le suicide assisté aux ressortissants étrangers en Suisse. Cependant, cette option pose des problèmes notamment concernant son coût ou la nécessité d’être en capacité de faire le voyage. Prenons l’exemple de Maïa Simon, actrice française. A 67 ans, elle a mis fin à ses jours bien avant d’arriver à l’article de la mort pour être encore en pleine possession de ses moyens lors de la prise du barbiturique mortel. Autrement dit, elle a anticipé la mort pour être encore autonome au moment de s’éteindre. Atteinte d’un cancer, elle n’a cependant pas eu la possibilité d’attendre pour voir si les progrès de la médecine auraient permis de la soigner.

Souffrant d’une atrophie multi systématisée, Susan Griffiths a médiatisé sa lutte pour la légalisation du suicide assisté au Canada. À 72 ans, elle s’est finalement rendue en Suisse début 2013 pour « mourir dignement ». Cette maladie dégénérative entrainait de vives douleurs et détruisait peu à peu son corps. Pour autant, la Suisse ne tient pas à devenir une destination prisée par les « touristes de la mort ». Ils sont de plus en plus à franchir la frontière pour mourir. Certains pays sont allés plus loin en légalisant le suicide assisté et l’euthanasie comme aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg.

Prévenir le suicide sous conditions

Donner la mort à une personne qui souffre d’une maladie incurable pour prévenir un acte suicidaire. Les pays du Benelux dépénalisent complètement l’euthanasie active. Donnant la primauté à la volonté du patient lors de l’établissement du constat de fin de vie, il est libre d’intégrer un protocole létal pour quitter la vie.

Aux Pays-Bas, avec la loi du 1er avril 2002, l’euthanasie active est autorisée. Pour ce faire, le patient doit en faire la demande explicite en pleine possession de ses moyens. Il est impératif que le patient souffre de manière « insupportable et interminable » à cause d’une maladie diagnostiquée comme incurable par un médecin. Un deuxième avis est nécessaire pour valider la décision du premier.

En septembre 2002, la Belgique a suivit la voie ouverte par les Pays-Bas et a dépénalisé l’euthanasie active sous réserve de trois conditions. D’abord, le patient doit se trouver dans une situation médicale sans issue. Majeur, « capable et conscient », le patient incurable doit formuler sa demande de manière « volontaire, réfléchie et répétée » sans contrainte extérieure. Le Luxembourg est le troisième pays européen à légaliser l’euthanasie. Le dispositif est inscrit dans une loi, promulguée en mars 2009, qui concerne toujours les malades incurables et reste interdit aux mineurs. Le patient peut exprimer sa volonté dans « un testament de vie ». Celui-ci enregistré par la direction de la Santé, doit être confirmé par le patient tous les 5 ans.

Le « testament de vie » : des directives anticipées

Par une déclaration écrite, toute personne majeure peut préciser ses souhaits quant à la fin de sa vie. Elle est faite en prévention où le moment venu cette personne soit dans l’incapacité d’exprimer sa volonté. C’est en 2006 que la Belgique a mis en place une base de « testaments de vie ». À la disposition des médecins, le but est de leur permettre de connaître les dernières volontés d’un malade qui n’est plus en capacité de donner son avis sur son sort.

Outre-Rhin, une loi a été votée en 2009 pour donner un cadre aux directives anticipées permettant de préciser les conditions de validité d’une telle démarche. Un Allemand peut écrire ses dernières volontés, mais de façon très précise c’est-à-dire en faisant état de situations médicales claires et de traitements concrets. Une simple signature au bas de la page suffit pour que les médecins soient obligés de respecter les directives du patient. Cependant, la personne ne peut demander à travers cette directive un recours à l’euthanasie active.

Encadrer les dérives

À ne pas s’y méprendre, les pays autorisant l’euthanasie active ont mis en place un système de contrôle très poussé dans les cas de demande du patient d’écourter sa vie. Les lois sont faites pour encadrer les dérives. Il y a des règles à respecter et comme pour toute infraction, des sanctions en cas de violation des interdits.

Déclencher une procédure telle que l’euthanasie ne peut se faire seulement pour des personnes atteintes d’une maladie incurable. Il est important de noter que l’administration de la mort n’intervient jamais à la suite d’une demande de la famille.

Un accès aux soins palliatifs : une solution alternative ?

« Les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, par le traitement de la douleur et la prise en charge des autres problèmes physiques, psychosociaux et spirituels ». C’est ainsi que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMC) définit les soins palliatifs.

En Belgique, développée dans un premier temps sans appui financier des pouvoirs publics, la première association de soins palliatifs voit le jour en 1989. Il a fallu attendre 1991 pour que le mouvement belge soit reconnu légalement et qu’il puisse bénéficier d’un budget pour les structures et les équipes réservées aux soins palliatifs. Le début des années 2000 est marqué par le développement de l’accès aux soins palliatifs à domicile ou en maison de repos et de soins. Aujourd’hui, le patient peut même intégrer des structures spécialisées comme des unités résidentielles et des centres de jour.

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