États-Unis : les deux jours qui ont marqué l’histoire de l’université du Missouri

Thomas Nogris
11 Janvier 2016



Début novembre 2015, dans un climat de tension raciale, le président de l’université du Missouri, Tim Wolfe, démissionnait suite à la menace de grève des Missouri Tigers, l’équipe de football de l’université. Retour sur un fait divers qui illustre le problème de racisme ordinaire qui peut régner dans les universités nord-américaines.


L’histoire a fait la une de la majorité des journaux américains. Et pour cause, une grève d’étudiants-athlètes, c’est bel et bien du jamais vu dans un pays où ces superstars très protégées jouent principalement le rôle de vitrine de marque pour leur établissement.

Racisme ordinaire et vaines protestations

Dans un récent article, le média américain CNN a établi un historique des actes racistes recensés à l’université du Missouri depuis ces deux dernières années. On peut mentionner par exemple des jets de coton sur des étudiants noirs en 2010, avec toute la symbolique qui y est attachée, de surcroît dans un État traditionnellement lié à l’histoire de l'esclavagisme.

Ont également été rapportées, entre autres, des insultes racistes adressées au président d’une association d’étudiants, ou encore une croix gammée dessinée sur le mur d’une résidence universitaire. Un problème chronique donc, dans un État déjà largement sujet aux tensions raciales, comme l’ont démontré les émeutes du mouvement Black Lives Matter à Ferguson en août 2014, suite à la mort du jeune Mike Brown, tué dans des circonstances troubles par un policier.

Ce fait marque l’origine de la mobilisation de nombreux étudiants, rassemblés depuis septembre 2015  pour réclamer la mise en place de mesures destinées à lutter contre la prolifération de ces incidents. Ce mouvement resté infécond avait conduit les manifestants à réclamer la tête du Président du l’Université, Tim Wolfe. En témoignait la grève de la faim commencée le 3 novembre dernier par un étudiant noir, Jonathan Butler.

38 heures et puis s’en va

Le 8 novembre 2015 est une date charnière : les joueurs de l’équipe de football de l’université du Missouri, les Tigers, entrent alors en scène. Majoritairement noirs, les athlètes menaçaient d’arrêter de pratiquer toute activité liée au football jusqu’à la démission de Tim Wolfe. Soutenus par leur coach et le staff de l’équipe, les joueurs se rassemblaient alors sous la bannière  du mouvement Concerned Student 1950. La date n'est pas anodine, car c'est en 1950 que les Afro-américains ont été pour la première fois autorisés à étudier à l’université du Missouri.

Plus que la tête de Tim Wolfe, les membres de l’équipe et de l’association réclamaient aussi la mise en place de mesures préventives contre les actes de racisme, ainsi que de la diversité ethnique au sein de la direction de l’établissement.

C’est ainsi que le 10 novembre 2015, et seulement 38 petites heures après le début d’une grève qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses pour l’Université, Tim Wolfe annonce sa démission, au cours d'une conférence de presse.

Un acte de défiance révélateur d’un problème de société

La première des conclusions à tirer de ces derniers événements est que la population des étudiants-athlètes d’une Université jouit d’une influence incalculable, conséquence des recettes financières considérables qu’ils rapportent à leur établissement, à leur stature d’image de marque de leur université et de manière générale à l’industrie qui gravite autour d’eux. A Missouri, les Tigers ont généré plus de 14 millions de dollars de recettes en 2014. C’est cette stature qui a pu donner un tel poids aux revendications des Tigers. Et ce, malgré la proposition de loi du Républicain Rick Brattin initialement destinée à retirer les bourses d'études à tout athlète gréviste. Cette proposition formulée mi-décembre auprès de la chambre des représentants du Missouri a été retirée depuis.

Autre conclusion à tirer : les étudiants ordinaires, ceux qui ne sont pas sportifs de haut niveau, sont très peu entendus. Pour preuve, il a fallu attendre la grève des Tigers pour une médiatisation de la situation et une réaction de la part de la direction universitaire. Ce fait divers illustre à lui seul un problème auquel sont trop souvent confrontées les minorités, non seulement à l’Université, mais dans toutes les strates de la société américaines.

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