C'est une guerre de titan qui se profile en Colombie entre Eiréné déesse de la paix et Astrée déesse de la justice, sauf que le combat n'a rien d'une mythologie grecque mais est bien réel et consacrera un Juan Manuel Santos prometteur de la paix ou son réactionnaire Alvaro Uribe fervent défenseur du rétablissement de la justice.
La réélection de Santos : un réel espoir pour le dénouement de la guerre civile
Alors que son principal adversaire et prédécesseur Alvaro Uribe prône délibérément le conflit avec les FARC, l'actuel président s'est clairement démarqué de la politique hostile menée par le chef conservateur du centre démocratique. Les relations entre les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) et le gouvernement tendent à s’apaiser et n'ont jamais été aussi proche d'un consensus. Des négociations de paix sont en cours entre ces deux franges politiques depuis novembre 2012 à Cuba.
La défaite de Santos aux prochaines élections marquerait un coup d’arrêt à la possibilité d'en finir avec une guerre civile vieille de soixante-quatre ans. Les vicissitudes pacifiques que colporte le gouvernement rendent le président davantage populaire auprès d'une population en mal de sécurité. Les élections législatives du 16 mars dernier confortent sa place de leader pour les présidentielles puisque la coalition gouvernementale de centre droit a obtenu la majorité relative, avec quarante-cinq sièges sur cent-deux, contre vingt-et-un sièges pour le partis d'Uribe.
La paix au nom du business
Le président Santos justifie les accords de paix avec les FARC par les débouchés économiques que cela pourrait engendrer. La guerre civile coûte énormément à l'Etat, une manne d'argent conséquente qui est autant de manque à gagner pour développer la prospérité sociale, thème phare déroulé durant sa dernière campagne présidentielle. La fin du conflit permettrait de lutter plus efficacement contre la misère (32,7% de la population vit sous le seuil de pauvreté d'après la Banque mondiale) et de combattre les narcotrafiquants, le pays étant réputé pour être la plaque tournante du commerce de drogue mondial.
De plus, la Colombie, en annihilant toute forme de violence politique, sociale et frontalière ferait de l’Amérique du Sud un continent en paix, gage de qualité pour attirer les investisseurs étrangers et promouvoir les échanges commerciales.
Attention à la paix à tout prix
La question de l'impunité des crimes commis par les FARC est un sujet sensible à La Havane et pourrait bien faire l'avantage d'un Alvaro Uribe prêt à tout pour mettre des bâtons dans les roues au dialogue entrepris entre le gouvernement et les FARC. En accusant le président de trahison, le chef de l'opposition entend bien toucher le maximum d’électeurs pour les rassembler sous son aile politique. Les victimes des malversations de la guérilla veulent être indemnisées et souhaitent la sanction des responsables. Or, il s'avère que les négociations entamées à Cuba ont débouché sur un certain nombre de compromis peu ou prou contestés. Si les accords vont bon train sur la participation politique des guérilleros et sur la répartition des terres, les sanctions encourues au sujet des crimes orchestrés par les FARC est beaucoup plus épineux. Déjà en 2005 le gouvernement avait été vivement critiqué après le vote de la loi dite « justice et paix » stipulant une peine de prison de huit ans maximal pour les troupes paramilitaires d’extrême droite.
Aujourd'hui encore, le gouvernement tend à être de plus en plus indulgent auprès de ceux qui ont causé des dizaines de milliers de morts depuis le début de la guerre civile, afin de privilégier la paix. Une prise de position qui passe mal au yeux de la communauté internationale étant donné la valeur imprescriptible qui doit être donné à ces crimes de guerre. Ainsi l'opposition d'Uribe se veut le fer de lance de la restauration d'une justice et pourrait bien venir contrecarrer les affaires du gouvernement aussi bien que ceux des FARC. Le peuple Colombien est confronté à un dilemme déroutant : la justice ou la paix !