En quête de sens ou l'altermondialisme enthousiaste

22 Mars 2015



À la croisée du documentaire altermondialiste et du road-movie, En quête de sens, réalisé par deux amis, est né du besoin de questionner nos sociétés contemporaines et notre mode de pensée occidentale moderne. Rencontre avec Marc de la Ménardière, co-auteur du projet.


Marc et Satish Kumar, Crédit Nathanaël Coste
Marc et Satish Kumar, Crédit Nathanaël Coste
Avant de partir en Inde avec son ami d'enfance Nathanaël Coste, Marc de la Ménardière était business developer pour une multinationale à New York. Son travail : faire vendre de l'eau en bouteille française et lui donner l'image d'un produit de luxe. Une vie plutôt opposée à celle de son ami, devenu réalisateur et producteur de films sur l'environnement. En 2008, quand Marc se retrouve le pied cassé, cloué au lit pendant deux mois à la suite d'un accident, Nathanaël lui donne quelques documentaires à regarder. C'est le début d'un déclic, d'une prise de conscience. Marc quitte New York et accompagne Nathanaël sur les routes du monde, à la recherche de sens et de nouvelles réponses.

À la suite de ces voyages, de périodes de montage et de recherches de financement, En quête de sens  aboutit à un film d'une heure vingt, et remporte un  succès inattendu. Plus qu'un documentaire, c'est un concentré ultime de rencontres souvent spontanées avec des interlocuteurs aussi divers qu'inspirants. Astrophysiciens, sociologues, responsables d'ONG, chamanes et activistes, tous s'expriment et se rejoignent pour donner quelques pistes de compréhension de notre monde complexe. Une idée en ressort : la société occidentale est malade et l'interdépendance entre les disciplines est nécessaire pour comprendre le monde, l'expérience humaine. Pour eux, le modèle d'économie actuel, s'il a fait ses preuves pendant un temps, ne fonctionne plus. Explications de Marc de la Ménardière.

Combien de temps vous a pris ce projet avec Nathanaël ?

On a enregistré les premiers rushs en novembre 2009. On est d’abord partis deux mois et demi en Inde, ensuite au Mexique, puis aux États-Unis. On est rentrés à un moment, puis repartis, en Amérique latine notamment. Quand on est rentrés définitivement, ça a pris un peu plus de temps que prévu pour s’occuper du montage et trouver des producteurs, mais aussi pour savoir ce qu’on voulait, donner la meilleure forme au projet. 

Comment ça s’est passé à New York quand tu as voulu tout plaquer pour partir ?

Ça a mis un peu de temps mais j’étais déjà à la fin d’un contrat, et je n’avais plus aucune motivation pour repartir sur une autre mission. J'avais vraiment envie de faire autre chose. À New York parfois, je me posais déjà quelques questions sur tout ce système. J'ai aussi vécu six mois en Bolivie avant d'arriver aux États-Unis donc j'avais déjà eu une prise de conscience sur cette idée de lien à la nature qui était coupé. Mais on oublie ensuite, on cherche à faire de l'argent, etc.

Le film a été financé par 963 internautes. Tu penses que ça témoigne d’un besoin de voir émerger des projets plus enthousiastes ?

Oui, sûrement. On a d'ailleurs été très surpris : on voulait récolter 12 000 euros pour distribuer le film, on en a reçu 40 000 ! Il y a un proverbe bouddhiste qui dit : «Si tu as identifié un problème, commence par proposer la solution ». C’est vraiment le message de notre film. On trouve beaucoup de documentaires qui informent, qui dénoncent. Ils sont d'ailleurs utiles, mais complètement anxiogènes, voire parfois moralisateurs. La plupart du temps, ils donnent l’impression que nous sommes impuissants face à ce qui se passe sous nos yeux, face aux problèmes écologiques, à la destruction de la nature, etc. Nous, on a voulu montrer ce qu’il se passait avec plus de légèreté et d'enthousiasme, en montrant qu’il y avait des solutions, que des choses se passaient réellement et que tout le monde pouvait agir.

Comment avez-vous rencontré tous ces interlocuteurs alors que vous partiez en improvisant totalement ?

On a eu beaucoup de chance au début. Tout est parti d’un séminaire en Inde, où nous avions rencontré l'activiste environnementale Vandana Shiva. À partir de là, on a eu l’occasion de rencontrer de nombreuses autres personnalités. Ces rencontres nous ont amené à réorienter le film et à s’éloigner de tout principe cartésien. D'ailleurs, Descartes avait faux sur toute la ligne finalement, quand il réduisait le monde à une grande machine, en cloisonnant tout. Ces raisonnements mènent à la destruction. Nous avons voulu dénoncer cette intelligence mécaniste, cette séparation des choses qui amène à une approche totalement matérialiste. Avec Vandana Shiva, nous voulions mettre en avant cette idée d'unité du vivant, de multiples possibilités, comme quoi toutes les choses sont reliées entre elles. 

Vous avez donné la parole à des gens et à des spécialistes très différents. Était-ce dans le but de toucher un public très large, ou par besoin d’adopter des angles différents ?

Avant tout, on a voulu montrer que le monde dans lequel on vit est très complexe, mais que toutes les disciplines sont complémentaires. C’est le principe de la pensée complète, qui induit de ne pas dissocier mais plutôt de trouver une solution au carrefour de toutes ces choses. Nous avons essayé de construire le film autour de cette idée d’interdépendance, de complémentarité en montrant qu'ailleurs dans le monde, il y a d'autres façons de raisonner. D'où la nécessité de parler à tous ces gens, qui se rejoignent tous vers les mêmes conclusions finalement.

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