Quitte à mourir à petit feu exterminés par les propriétaires terriens qui leur bloquent l’accès à la nourriture, à l’eau potable ou aux soins, 170 Indiens Guarani-Kaiowá ont décrété leur « mort collective ». Dans une lettre adressée au Conseil Indigéniste Missionnaire (CIMI), aux autorités judiciaires et à la présidence du Brésil, ils expliquent qu’une décision récente de la justice sur un conflit agraire de longue date les oblige à abandonner une zone située près de plusieurs fermes à Iguatemi, à quelque 500 kilomètres de Campo Grande, la capitale du Mato Grosso do Sul.
Depuis des années, ces Indiens attendent la démarcation du « territoire de leurs ancêtres » occupé par les paysans et protégé par des milices privées. Sous la menace d’une nouvelle expulsion ordonnée par la justice brésilienne, ils tentent ainsi d’interpeller l’opinion brésilienne et internationale. Une façon de lutter contre cet « acte de génocide et d’extermination historique des peuples indigènes ».
Conscients qu’ils n’obtiendront pas d’accès légal à leur terre, ils se disent prêts à être « décimés et à entrer dans le cimetière de leurs ancêtres ». Pour le CIMI, , cette détermination des Guarani-Kaiowá s’inscrit « dans un contexte de lutte pour la terre, que ce soit face aux menaces quotidiennes des pistoleiros engagés par les grands propriétaires terriens ou d’éventuelles forces de l’ordre qui seraient envoyées par la justice fédérale pour faire appliquer ces décisions ».
Terres et enjeux économiques
La situation entre les deux opposants historiques s’est fortement dégradée et les suicides se multiplient au sein de la communauté installée sur les rives du rio Hovy. Entre 2003 et 2010, le CIMI en a dénombré plus de 550. Plusieurs facteurs expliquent ce désastre humain : confinement, éloignement des terres et vie dans des campements précaires pour la plupart situés au bord des routes.
Deuxième population autochtone du pays, les Guarani-Kaiowá, affaiblis par la perte presque totale de leurs territoires au fil du siècle dernier, subissent les intimidations quotidiennes des propriétaires fonciers qui empêchent toute revendication sur des terres qui comptent parmi les plus productives du Brésil, en termes d’élevage, de biocarburants, de soja et de canne à sucre.
Le Brésil étant désormais un des principaux exportateurs mondiaux de ces denrées, l’extension des terres utilisables pour l’agriculture augmente de façon exponentielle. Privés de leurs terres et subissant la destruction progressive de la forêt amazonienne, beaucoup de Guarani-Kaiowá doivent travailler dans les usines dans des conditions de travail extrêmes.
Un avenir incertain
Pendant ce temps, le processus de ratification des terres est presque toujours annulé par décision de justice. Depuis 1991, seulement huit territoires ont été homologués et attribués à ces tribus indigènes au Brésil. Les lobbys de propriétaires fonciers ont une influence très forte sur les décisions de justice. Ainsi, certains décrets récents assouplissent les règles de l’occupation des terres indiennes pour développer des projets hydroélectriques, de communication, de transport et d’installation militaires.
Sur les réseaux sociaux, les initiatives de solidarité se multiplient. A part quelques exceptions comme la journaliste Eliane Brum dans le magazine Epoca, la presse ne relaie que peu les informations. Quelques manifestations ont eu lieu à Brasilia ou à Rio de Janeiro, mais le mouvement de contestation peine à prendre de l’ampleur.
A la fin du mois d’octobre, Dilma Rousseff a pourtant suspendu l’ordre d’expulsion des Guarani-Kaiowá. Une maigre victoire pour la CIMI et les autres ONG pour qui la nouvelle identification et démarcation obtenue ne permettront pas d’établir une nouvelle définition des territoires autochtones. La décision tarde, et les Guarani-Kaiowá, eux, n’attendront plus longtemps pour rejoindre leurs ancêtres.