Dolce & Gabbana : bientôt en prison ?

Kasia Opydo, traduit par Nathalie Macq
4 Mai 2014



On dirait que l’orange sera la nouvelle couleur à la mode pour le duo de créateurs de mode Dolce & Gabbana. En effet, depuis juin dernier et après plusieurs enquêtes, la Cour d’appel a déclaré les deux amis coupables d’évasion fiscale.


Domenico Dolce et Stefano Gabbana | Source : www.ilfattoquotidiano.it
Domenico Dolce et Stefano Gabbana | Source : www.ilfattoquotidiano.it
Domenico Dolce est né près de Palerme en Sicile, en 1958, et Stefano Gabbana quatre ans plus tard à Milan. Dolce étudie le stylisme et travaille dans l’entreprise familiale de prêt-à-porter. Gabbana, lui, est graphiste. Ils se rencontrent dans un atelier de mode à Milan, dans lequel ils occupent tous les deux le poste d’assistant. Peu de temps après, ils se mettent en couple et commencent leur propre business, dans la mode, en 1982. Région natale de Dolce et lieu de villégiature favori du petit Gabbana, c’est en Sicile qu’ils s’installent et puisent leur inspiration pour leurs créations. Bien que, depuis 2005, ils ne soient plus en couple, les deux Italiens poursuivent leur business ensemble.

En 1982, ils créent leur label, qui deviendra plus tard Dolce & Gabbana. Ils présentent leur première collection femmes en 1985 à Milan, ville dans laquelle ils ouvriront leur première boutique. Deux ans plus tard, ils lancent leur première ligne de justaucorps, et en 1989, ils dessinent des sous-vêtements et des maillots de bain. Dolce & Gabbana commencent alors à exporter leurs produits au Japon ainsi que dans d’autres pays tels que les États-Unis où ils auront leur propre salle d’exposition en 1990. C’est en 1992, la même année que leur première collection homme, que le duo met en vente son premier parfum, sous le nom de Dolce & Gabbana. Ils sont les heureux gagnants de nombreuses récompenses telles que le prix Woolmark (prestigieux prix international de mode) en 1991, le prix de « la meilleure fragrance féminine de l’année » en 1993, et reçoivent l’Oscar des parfums masculins en 1996. Vers la fin des années 90, leurs ventes représentent environ 500 millions de dollars ; et rien qu’ en 2003, leur salaire atteint 633,2 millions de dollars.

C’est en 2004 que les problèmes surviennent, quand les compères vendent leur marque Dolce & Gabbana à l’entreprise de design Gado Srl, située aux Luxembourg. Quatre ans plus tard, en 2008, les autorités italiennes considèrent ce geste comme un moyen d’éviter de payer des taxes d’entreprise en Italie. En mai 2013, le procureur Gaetano Ruta exige l’incarcération de Dolce, Gabbana et Cristina Ruella (membre du conseil de l’entreprise) pour une durée de un an et demi. Alors que leur comptable, Luciano Patelli, a lui été condamné à 3 ans d’emprisonnement. Les couturiers sont accusés d’avoir évité jusqu’à 600 millions de dollars de taxes. Dolce & Gabbana ont toujours nié les faits. Les sommes qui leur étaient demandées étaient disproportionnées. « Nous avons été condamnés pour ne pas avoir payé nos taxes, dont le montant représentait le double de ce que l'on gagnait à l'époque » prétend le duo. Dans les jours qui ont suivi, Luciano Patelli s’est défendu d’une quelconque tromperie : « Notre but est de fixer des limites légales à nos faits et gestes, et je suis convaincu que cela a toujours été notre ligne de conduite, cela fait partie de mon fonctionnement, tout est transparent et retranscrit sur papier. Je trouve les termes employés par le procureur véritablement injustes, j’ai été traité d’incitateur au crime, mais ce n’est pas le cas. Après la restructuration de l’entreprise, le besoin immédiat et urgent d’économiser de l’argent en réduisant leur part d'impôts m’a été expliqué dès le départ, et c’est tout à fait normal », ajoute-il.

Bien que les co-fondateurs de D&G n’aient cessé de nier les faits, ils ont finalement été condamnés pour fraude fiscale le 19 juin 2013 ; Domenico Dolce et Stefano Gabbana écopent d’un an et huit mois de prison ferme. Pour protester contre cette "mise au pilori" dont ils seraient victimes suite à ce problème d’évasion fiscale, la marque a fermé ses neuf boutiques milanaises. Les deux stars de la mode ont publié un communiqué expliquant les raisons de cette révolte : « Malgré notre passion et nos responsabilités qui nous poussent à poursuivre notre travail avec le même dévouement et le même dynamisme, nous sommes fatigués de ces diffamations et injures constantes qui nous privent de notre sérénité au travail et nous détournent de notre véritable tâche de stylistes. Nous sommes vraiment chanceux de travailler avec des personnes dotées de talents exceptionnels, techniques et professionnels d’une part, et personnels d’autre part ; ils croient en nous mais cette situation les éloigne de leurs priorités. La fermeture de nos boutiques à Milan est un symbole de notre mépris.»

Les portes des magasins fermés en signe de contestation portaient le message « Fermé pour indignation », accompagné d'un article de journal dans lequel le conseiller municipal Franco D’Alfonso  déclare que la marque D&G n’est pas la bienvenue dans les lieux publics de Milan en septembre. Les deux cent cinquante employés continuaient à être payés pendant les jours de fermeture. Toutes les boutiques ont ouvert à nouveau quelques jours plus tard.

Crédit photo : Getty
Crédit photo : Getty
Hier, la Cour d’appel italienne a confirmé la décision de juin dernier, condamnant Domenico Dolce et Stefano Gabbana à un an et six mois d’emprisonnement (la sentence a été réduite de 20 à 18 mois en raison de la prescription de certains éléments de l’affaire). Les avocats des stylistes ont déclaré qu’ils iront devant la Cour de Cassation Italienne pour faire appel.

Au cours des dernières années, d’autres affaires d’évasions fiscales dans le monde de la mode se sont trouvées au coeur de la justice italienne. Par exemple, l’entreprise Armani a dû payer 373 millions de dollars pour régler les problèmes causés par sa filiale suisse. Comme Dolce & Gabbana, Prada a également eu à faire aux autorités et a accepté de déplacer ses sociétés écrans depuis les Pays Bas et le Luxembourg (deux régions à faible imposition sur le revenu) en Italie ; en plus, il a dû payer 580 millions de dollars de rappel d’impôts. Malgré cela, Miuccia Prada et Patrizio Bertelli font encore l’objet d’enquêtes. Toutes ces affaires soulèvent le problème du fisc italien qui s’occuperait peut-être un peu trop des entreprises liées à la mode, à moins que ce ne soit ces dernières qui n’auraient pas été assez malignes pour échapper aux impôts.
 

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