Diaz, un crime d’État : l’affaire gênante

5 Juin 2013



Daniele Vicari, réalisateur italien, nous fait redécouvrir la bavure policière accomplie à Gênes lors du sommet du G8 en 2001 au sein de l'école Diaz et de la caserne de Bolzaneto . Le film va lever le voile sur ces évènements dont les preuves avaient été effacées par les autorités italiennes.


Crédits photo -- Alfredo Falvo/Le Pacte
Crédits photo -- Alfredo Falvo/Le Pacte
Juillet 2001. Le G8, groupe de discussion et de partenariat économique de huit pays parmi les plus puissants économiquement, s’ouvre à Gênes, en Italie. Durant ce sommet, un grand nombre d’altermondialistes vont manifester leur rejet du système. Durant la dernière journée de cette réunion internationale, plus de 300 policiers prennent d’assaut l’école Diaz, où dorment des centaines d’altermondialistes et de militants de Black Bloc. Ces activistes regroupent des individus pour un événement précis, dans le but d’être invisible des forces de l’ordre. Ils sont pour la plupart étudiants européens, journalistes étrangers, s’apprêtant à passer la nuit à même le sol de l’école. Contre toute attente, les policiers, voulant les déloger, se livrent à des exactions préméditées d’une violence inouïe, frappant indifféremment jeunes et vieux, hommes et femmes.

Un film documenté

Daniele Vicari réalise avec brio ce film poignant qui s’apparente par son réalisme à un documentaire. Les vidéos d’époque sont rares. Il a fait le choix de reconstituer les scènes, afin de donner plus de véracité aux images et d’accentuer l’implication du spectateur. Les plans sont millimétrés, variés et bien maitrisés. L’angle de la caméra va permettre de mettre en relief un point précis de l’action.
Dans un souci d’impartialité, le film comporte plusieurs visions de cette nuit tragique. Il va mettre en scène l’action vécue du point de vue de la police, des manifestants, puis des journalistes. Ce procédé répétitif, mais ambitieux, va donner de l’ampleur à ce film. Il va mettre en lumière ce crime d’État impuni.
Le film n’est pas entièrement en italien, Vicari a eu le génie d’engager des acteurs de pays différents, permettant de représenter ces altermondialistes venus de la planète entière pour revendiquer leur aversion au G8. Ainsi, le film passe de l’italien à l’anglais en passant par le français, le rendant réaliste.

La violence des scènes

Durant le tournage, Daniele Vicari a éprouvé des difficultés à réaliser les scènes violentes du film. Il s’est posé la question de savoir quelle était la limite dans la représentation des exactions ou de la torture. On comprend vite l’horreur de la nature humaine entre ses membres. Le réalisateur s’est exprimé au sujet de ces scènes : « Dans ces moments-là, j’ai pris conscience, au plus profond de moi, de la terrible brutalité qui s’est déchainée dans l’école. Je m’interrogeais sans cesse pour savoir jusqu’où je pouvais aller dans la description de cette violence. »
Le réalisateur ne pouvait occulter les violences de chacun des protagonistes, le film aurait sans conteste perdu de sa crédibilité. Agressivité, animosité, ardeur, brutalité, intensité, déchainement, tels sont les composants du long-métrage. Le réalisateur se devait de les montrer, et il le fait à merveille sans dépasser la limite du « gore ».

Une distribution remarquable

La décision de donner plusieurs visions du sujet va permettre aux acteurs de devenir le personnage principal d’une scène et le second rôle d’une autre. Le réalisateur a donc décidé de s’entourer d’acteurs indépendants, libres d’esprit.
Claudio Santamaria incarne un chef de police qui ne pourra malheureusement contrôler ses unités devenues de vraies furies. On retrouve avec plaisir, Jennifer Ulrich, rendue célèbre dans le film La vague (2008). Elle incarne sans excès, une jeune fille prise à partie par la police, dont elle va subir la cruauté.

À noter la présence du jeune acteur Ralph Amoussou, connu pour son rôle dans Les Mythos (2010), incarnant ici un jeune activiste dépassé par l’ampleur des évènements.
Les actes commis au sommet de Gênes n’ont pas entrainé une vague d’inculpations de policiers. En effet, difficile d’y croire, mais le Code pénal italien n’inclut pas les crimes liés à la torture. De plus, aucune poursuite ne peut être engagée aujourd’hui, la prescription judiciaire ayant pris le pas sur l’horreur commise. Enfin, le parlement italien a, par deux fois, rejeté un projet de loi demandant une enquête parlementaire, allant à l’exact contraire de la volonté de la présidence italienne, consciente de son erreur et de l’injustice qu’elle a entrainée.
Amnesty International a défini les actes commis à l’école Diaz, comme « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale ».
Diaz, un crime d’État est à voir, ne serait-ce pour le devoir de mémoire à effectuer face à cette bavure étatique. Le réalisateur ne veut cependant pas prôner le caractère politique de l’affaire, préférant mettre en avant la « démarche artistique » et non pas « une tentative d’imiter la réalité ».

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Jérémy BICHON
Rédacteur (étudiant en licence de science politique). Jeune aspirant au développement du... En savoir plus sur cet auteur