Découverte de l'un des chaînons manquants de l'évolution

Maxime Feutry du SciencePost
16 Mai 2015



Un nouvel organisme microbien a été récemment découvert au fond de l’océan arctique. Il pourrait s’agir du « chaînon manquant » permettant d’expliquer comment les cellules simples (bactéries) ont pu évoluer vers les formes de cellules plus complexes qui constituent aujourd’hui les plantes et les animaux.


Crédit Reuters
Crédit Reuters
Des chercheurs de l’université d’Uppsala (Suède) ont découvert une nouvelle forme de vie microbienne dans les tréfonds de l’Océan Arctique, près de la source hydrothermale de « Loki’s Castle » qui se situe entre le Groenland et le nord de la Norvège. Baptisé Lokiarchaeota, ce micro-organisme, dont la structure génétique était jusqu’alors inconnue, pourrait être le chaînon manquant permettant d’expliquer le passage des formes de vie simples (bactéries…) aux organismes plus complexes (plantes, animaux).

En effet, les biologistes classent majoritairement les organismes vivants selon deux catégories distinctes. D’un côté nous avons les procaryotes qui sont des structures vivantes constituées de cellules simples dépourvues de noyaux. De l’autre, nous avons les eucaryotes, qui regroupent tous les organismes unis ou pluricellulaires, dont les cellules sont constituées d’un noyau pourvu d’une membrane et de divers organites intracellulaires.

Or, si les scientifiques estiment que les eucaryotes seraient apparus il y a environ 2 milliards d’années à partir des procaryotes, les mécanismes ayant amené à cette évolution restent pour le moins mystérieux. Pour autant, dans les années 70, un progrès notable dans la compréhension de ce processus a pu être réalisé grâce au biologiste Carl Woese qui réussit à mettre au jour un nouveau groupe du vivant appelé les archées. Bien que ces dernières appartiennent officiellement à la catégorie des procaryotes, elles possèdent néanmoins un métabolisme unique et de nombreuses caractéristiques biochimiques qui permettent de les rapprocher des eucaryotes. 

Ainsi, depuis cette découverte, la thèse majoritairement admise par les scientifiques est que les eucaryotes seraient issues de symbioses progressives entre différents procaryotes, voire entre des bactéries et des archées. « Il est couramment admis que les cellules eucaryotes sont apparues suite à la fusion d’un procaryote avec certaines bactéries, qui sont devenues les organites », explique ainsi Lionel Guy, de l’Université d’Uppsala, relayé par le site letemps.fr. « Mais les acteurs et les étapes de cette fusion demeurent méconnus », poursuit-il.

Loki, notre plus proche cousine procaryote ?

Le nouveau micro-organisme récemment découvert a permis justement d’apporter de nouveaux éléments dans la compréhension de la transition qui s’est établie entre les organismes procaryotes et eucaryotes. En effet, Lokiarchaeota se présente comme étant un type tout à fait particulier d’archébacterie puisqu’il s’agit du procaryote présentant le plus de similarités génétiques avec les organismes eucaryotes. Il possède notamment de nombreux gènes qui interviennent dans le codage des protéines permettant le mouvement des cellules chez les organismes complexes. En d’autres termes, Loki serait « notre plus proche cousin non eucaryote », déclare Lionel Guy.

À l’aide de l’ensemble des caractéristiques génétiques recueillies, puis en replaçant Lokiarchaeta dans les arbres phylogénétiques aux cotés des procaryotes, les chercheurs sont ainsi arrivés à la conclusion que les eucaryotes ont certainement vu le jour à partir de cet organisme vivant. « Ainsi donc les archées et les eucaryotes sont des groupes cousins, partageant un ancêtre commun », précise Thijs J. G. Ettema, principal auteur de l’étude publiée dans la revue Nature.

Des résultats à affiner

La prudence reste néanmoins de mise puisque de nombreuses incertitudes demeurent. Tout d’abord, rien n’indique que les gènes communs à Lokiarchaeta et aux eucaryotes aient la même fonction chez chacun de ces organismes. Il conviendrait dans ce cas de comprendre pourquoi cette similitude génétique existe malgré tout. De plus, il se pourrait que l’écart évolutif entre les procaryotes et les eucaryotes soit beaucoup plus important que ce que cette découverte laisse penser. 

Par ailleurs, la lenteur avec laquelle Lokiarchaeota se divise est peu compatible avec les recherches menées à partir de cultures en laboratoire. C’est notamment pour toutes ces raisons que les chercheurs vont dorénavant s’employer à trouver des « Loki -like » dans d’autres endroits de la planète. « Nous pourrons peut-être trouver des “Loki” qui ont une ascendance plus récente avec les eucaryotes », explique Thijs J. G. Ettema, relayé par le site Slate. « Nous pourrons tenter de reconstruire leurs génomes et trouver des pièces supplémentaires au puzzle complexe de la vie et de son origine. »

Article publié à l'origine sur SciencePost , partenaire du Journal International
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