Danemark : un référendum pour l'Europe ?

7 Octobre 2013



Comme le Royaume-Uni, le Danemark est souvent perçu comme le second « mouton noir » de l’Union européenne, le pays ne participant pas pleinement aux politiques phares de l’UE. Le leader de l’opposition, Rasmussen, a remis sur la table le projet d’un référendum visant à mettre fin au risque d’isolement du Danemark au sein de l’UE.


Lars Løkke Rasmussen et Helle Thorning-Schmidt | Crédits photo : Claus Bech
Lars Løkke Rasmussen et Helle Thorning-Schmidt | Crédits photo : Claus Bech
Le Danemark occupe bien une place particulière au sein de l’Union européenne. Le pays bénéficie en effet d’options de retraits ou opt-outs, ce qui l’autorise à ne pas participer à certaines politiques communes en vigueur au sein de l’Union. Actuellement, six pays disposent d’opt-outs : le Danemark, la Suède, le Royaume-Uni, l’Irlande, la République Tchèque et la Pologne. Le plus souvent, les pays cherchent à obtenir ces clauses d’exemptions dans des domaines touchant de près leur souveraineté.

Concernant le Danemark, le pays a obtenu quatre opt-outs suite au rejet du Traité de Maastricht par la population danoise en 1992 lors d’un premier référendum. Les options de retrait ont été consignées au sein de l’accord d’Edimbourg et ont permis au Danemark de se désengager de l’Union Economique et Monétaire (UEM), la politique commune de sécurité et défense, la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que la citoyenneté de l’Union européenne. La mise en place de ces opt-outs a, par la suite, permis l’adoption du Traité suite à un second référendum cette fois-ci, positif, en 1993.

VERS UNE SUPPRESSION DES OPT-OUTS EN MATIERE DE DEFENSE ET JUSTICE

Le 12 août 2013, Lars Løkke Rasmussen, leader du parti d’opposition Venstre et ancien Premier ministre a avancé l’idée que le Danemark devait renoncer à deux de ses opt-outs dans les domaines de la politique commune de sécurité et défense et de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, faisant ainsi monter la pression sur le gouvernement actuel. Lors de son discours prononcé en Norvège, l’ancien Premier ministre a ainsi déclaré qu’il était grand temps de supprimer ces opt-outs, ajoutant que « les effets négatifs des opt-outs sont tels qu’il serait irresponsable de continuer ainsi. Le pré-requis pour un vote est qu’il y ait un large soutien au Parlement et c’est exactement ce que j’offre maintenant ». Rasmussen souhaiterait voir un référendum s’organiser début 2014 lors de la consultation populaire sur l’Office européen des brevets ou en mai 2014, lors des prochaines élections européennes.

En mettant en avant les effets négatifs des options de retrait, Rasmussen rejoint l’opinion défendue par le ministre de la Justice Morten Bødskov, membre du parti social-démocrate. Pour ce dernier, le Danemark se retrouve affaibli dans sa position en dehors de la coopération policière et judiciaire : le pays ne fait notamment pas partie d’Europol, l’office européen assurant la coopération policière, et se retrouve donc isolé. Cette position minoritaire est d’autant plus remarquable que la tendance actuelle au sein des pays membres de l’UE est au renforcement de la coopération policière.

L’EUROSCEPTICISME DE LA POPULATION DANOISE

Ces critiques contre la position spécifique du Danemark, un pied dans l’UE et un pied au dehors, ne sont pas nouvelles. Ainsi, le gouvernement danois avait prévu début 2012 d’organiser un référendum sur la question de la suppression ou non des deux opt-outs en matière de défense et justice : or, la Premier ministre Helle Thorning-Schmidt est revenu sur cette idée en juin dernier, du fait de la trop grande « anxiété et incertitude » de la population concernant l’UE. En ce sens, Nick Hækkerup, ministre des Affaires européennes, a refusé de soutenir toute proposition de référendum, bien qu’à titre personnel il déclare approuver l’idée de mettre « éventuellement » un terme aux opt-outs en question.

En effet, si l’idée d’un référendum concernant les opt-outs ne semble pas poser problème au sein de la classe politique, un certain consensus étant même de mise, et la majorité des députés approuvant l’idée, il n’en est pas de même au sein de la population. Les Danois sont eurosceptiques et à l’heure actuelle, un tel référendum risquerait fort de rencontrer une réponse négative. Il est vrai que la population danoise reste attachée à sa position spécifique au sein de l’UE, et notamment à l’indépendance du pays en matière de justice : seul l’opt-out en matière de défense pourrait éventuellement passer à la trappe si un référendum avait lieu à l’heure actuelle. Le gouvernement ne souhaite donc pas, pour le moment, prendre le risque d’être confronté à un discrédit de la part de l’électorat.

De manière plus générale, il est vrai que la crise financière et économique n’a pas aidé à assurer une bonne image de l’UE auprès des Danois. Bien au contraire, cela a renforcé l’attachement du pays à sa monnaie ainsi que le rejet de l’intégration européenne.

LA PEUR D’ETRE LE MAUVAIS ELEVE DE L’UE

Malgré l’euroscepticisme inhérent au Danemark, la classe politique au pouvoir reste vigilante et ne souhaite pas que le pays soit perçu comme un mauvais élève au sein de l’UE. Ainsi, Nicolai Wammen, ancien ministre des Affaires européennes, avait déclaré en mai 2013 que le pays cherchait à être le plus possible au cœur de l’Union, notamment en souhaitant une coopération rapprochée avec l’UE et en abandonnant les fameuses clauses d’exemption dans les domaines de la justice et de la défense. Contrairement à l’opinion publique, Wammen défend ainsi l’idée selon laquelle l’Union européenne sert les intérêts du Danemark, rajoutant en ce sens que le pays ne suivrait pas la voie du Royaume-Uni : cette déclaration faisait écho aux prétentions britanniques de quitter l’UE.

Ainsi, bien que faisant partie de la frange eurosceptique des États membres de l’UE, le Danemark refuse de s’enliser dans une position d’isolement et tient donc à rassurer ses partenaires européens de son engagement dans les politiques européennes. Toutefois, s’il y a une question sensible, c’est bien celle de l’euro : si le pays est sans doute prêt à travailler sur la question de l’abandon des opt-outs en matière de défense et justice, il paraît peu probable que la classe politique actuelle se risque sur ce terrain. En effet, même si la Banque centrale danoise affirme que l’adoption de l’euro servirait les intérêts du pays, il paraît improbable que la population danoise suive cet avis dans un avenir proche. Le Danemark conserve ainsi sa position spécifique, tout en prenant garde à ne pas être mis de côté.

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Coralie DOIGE
Correspondante pour le Journal International et fraîchement diplômée de droit et sciences... En savoir plus sur cet auteur