Cracovie, un concentré d’histoire

Interrail, sur les traces du rideau de fer

15 Juillet 2013



Trois semaines, six villes. Après Prague, la deuxième étape de mon tour d’Europe de l’Est avec Interrail sera en Pologne, à Cracovie. À quelques kilomètres de l’horreur nazie d’Auschwitz et de la cité communiste de Nowa Huta, la deuxième ville polonaise est un concentré d’histoire.


Crédit Photo -- Laurène Perrusel-Morin
Crédit Photo -- Laurène Perrusel-Morin
Interrail est l’occasion pour les étudiants baroudeurs de découvrir l’Europe en payant un ticket leur assurant un certain nombre de jours de voyages gratuits. J’ai profité de cette opportunité pour partir, avec une amie et seulement deux sacs à dos, faire un tour partiel de l’Europe centrale. Un voyage sur les traces de l’histoire du Vieux Continent qui nous a permis d’appréhender les différences entre des pays bien vite regroupés sous le terme de « pays d’Europe de l’Est ».

Le réveil de Cracovie

Arrivée à Cracovie. Il est six heures du matin. Des cernes sous les yeux après une nuit dans le train, nous nous dirigeons vers le centre-ville, encore désert. Nous nous installons à la terrasse d’un café et observons la ville qui s’éveille. Peu à peu, des passants investissent les lieux. Une mariée aux cheveux d’un rouge écarlate passe près de nous. Plus loin, un enfant s’amuse à marcher au bord d’une fontaine.

10 heures. Un clairon résonne dans la ville. Nous levons la tête et remarquons l’instrument qui dépasse d’une des fenêtres de la plus haute tour de l’église Notre-Dame. Le clairon résonne toutes les heures pleines depuis cette « Tour de la Fanfare » en direction des quatre points cardinaux. La sonnerie s’arrête brutalement, comme si elle était inachevée. Cette mélodie aurait été conservée en mémoire d’un héraut transpercé par une flèche tartare alors qu’il donnait l’alerte à la ville au XIIIe siècle.

La deuxième capitale

Espérant rester éveillées plusieurs heures, nous partons pour un « Free Walking Tour » matinal. Notre guide parle anglais avec un accent polonais à couper au couteau. « Quelle est la capitale de la Pologne ? » nous demande-t-il, provocateur. « Varsovie ? Qui vous a appris ces bêtises ? Non, n’y mettez pas les pieds, tout se passe ici, à Cracovie ! » Cracovie était en effet avant Varsovie la capitale de la Pologne. Malgré le chômage, elle est aujourd’hui une ville dynamique et étudiante.

Notre guide nous mène dans les petites rues de sa ville, en nous montrant les nombreux bâtiments historiques que celle-ci compte. Comme Prague, Cracovie a échappé aux destructions de la guerre grâce à l’admiration qui lui vouait Hitler. Elle dispose de nombreux espaces verts : le centre-ville, aussi appelé Vieille Ville, est encerclé par un parc très vert et fleuri en raison de la météo capricieuse de la ville.

Nous nous arrêtons en face d’un portrait de Jean-Paul II, premier pape non italien depuis 455 ans lorsqu’il fut élu en 1978. Dès notre arrivée, j’ai été frappée par les nombreux religieux qui se promènent en habit dans la ville. Notre guide nous explique que la religion fut vécue sous l’ère communiste comme un acte de résistance. Le fait que Jean-Paul II ait été élu pape a été un symbole important pour tout le pays. Aujourd’hui encore, il est par exemple marquant que les tombes des cimetières soient toujours très fleuries.

Sur les traces de l’histoire nazie

Nous écourtons la visite, qui avait déjà duré plus de deux heures, et partons pour une promenade dans Kazimierz, le quartier juif. Les bâtiments sont délabrés, mais abritent pour la plupart des cafés et restaurants branchés au rez-de-chaussée. Une vieille dame nous croit perdues et nous prend par le bras en nous parlant en polonais. Nous ne comprenons pas un mot, mais lui répondons par des sourires. Nous nous arrêtons sur une place ensoleillée pour manger au rythme de la musique klezmer. C’est l’occasion pour nous de découvrir les « pierogis », spécialité polonaise : de grosses ravioles fourrées au saumon, aux épinards, voire à la pomme de terre ou au canard.

Un des points forts de notre voyage nous attend pour notre deuxième jour en Pologne : la visite d’Auschwitz, situé à seulement quelques kilomètres de Cracovie. Conscientes du respect dû aux victimes de ce lieu, nous décidons de ne pas prendre de photos inappropriées. Nous serons notamment choquées par les touristes qui prennent des clichés devant les chambres à gaz et les dortoirs où étaient entassés les prisonniers. Heureusement, le musée n’a pas été transformé en usine économique. Aucun souvenir n’est vendu, si ce n’est des livres traitant de l’histoire juive.

On ne peut s’empêcher d’être ému devant les salles dans lesquelles sont exposés les objets volés aux prisonniers. Dans la première d’entre elles, on trouve des cheveux dérobés sur des cadavres par d’autres prisonniers chargés de cette tâche. Les nattes et cheveux longs, entassés sur plusieurs mètres carrés, ne représentent qu’une petite partie de ce qui a été volé. Dans d’autres salles, on trouve des lunettes, des brosses, de la vaisselle… Tous ces objets sont porteurs d’une histoire et sont plus parlants que des photographies. Les valises d’enfants sur lesquelles sont encore inscrits les noms de leurs propriétaires qui espéraient les récupérer sont bouleversantes. Le camp d’extermination, à quelques kilomètres du camp de concentration, choque par sa taille. La puissance destructrice de l’empire nazi ne pourrait être mieux symbolisée.

Crédit Photo -- Laurène Perrusel-Morin
Crédit Photo -- Laurène Perrusel-Morin

Nowa Huta, cité communiste

La dernière page de l’histoire que nous découvrons en Pologne est celle de l’époque communiste. Nous nous rendons à Nowa Huta, ancienne cité communiste créée de toutes pièces par Staline. Une impression de fin du monde s’échappe de cette ville, devenue un quartier de Cracovie en raison de l’urbanisation croissante. Tous ses habitants ont des cheveux blancs, et malgré le soleil qui brille ce jour-là sur la ville, je garde un souvenir de grisaille de cet endroit. Même les bâtiments sont tristes : ils semblent ne pas avoir été lavés depuis l’époque stalinienne. Nous nous en échappons bien vite.

Nous repartons le lendemain matin. Nous nous frottons une dernière fois à la communication glaciale des Polonais en tentant de demander à quelle heure part le train pour Bratislava. « Reservation sit », se borne à nous répondre la guichetière sans décrocher un sourire et sans comprendre le principe du pass Interrail. Nous nous enfuyons finalement, la tête pleine d’histoires européennes, afin de prendre notre train pour la toute petite Slovaquie.

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Laurène Perrussel-Morin
Ex-correspondante du Journal International à Berlin puis à Istanbul. Etudiante à Sciences Po Lyon... En savoir plus sur cet auteur



1.Posté par Maciej Poltorak le 12/08/2013 20:15
Merci pour votre article. Quelques précisions méritent d'être néanmoins apporter : Cracovie a échappé à sa destruction par les nazis parce qu'elle ne s'est pas soulevé comme Varsovie. Peut être qu'Hitler lui vouait une quelconque admiration mais auquel cas je suis curieux de votre source. Staline avait ordonné sa destruction mais c'est un général russe qui a finalement choisi d'outrepasser la consigne.
Je vous conseille de venir à la Toussaint pour découvrir l'importance pour les PolonaisEs d'honorer leur mort. Les cimetières se transforment en champs de bougies. C'est absolument magnifique.
Enfin oui les employéES des chemins de fer sont désagréables au possible comme beaucoup de fonctionnaires en Pologne. Le libéralisme bat son plein et les employés du secteur public profitent peut être moins du "miracle polonais". Une bonne manière d'emporter leur sympathie et de faciliter la communication est de connaitre quelques mots en polonais - cela marche dans tous les autres pays du monde.
Et si vous décidez de revenir à Cracovie, vous trouverez quelques informations de plus sur la ville, ici http://www.vanupied.com/cracovie/ et là http://pinterest.com/maciej/krakow-cracovie/

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