Corée du Nord : la diplomatie de la guerre

30 Mars 2013



L’interruption de la communication militaire entre la Corée du Nord et sa voisine du Sud, associée à la multiplication des essais nucléaires, constituent de nouvelles provocations du régime nord-coréen à l’encontre de la communauté internationale.


Jon Chol Jin, The Associated Press
Jon Chol Jin, The Associated Press
L’accession « au trône » de Kim Jong Un, considéré comme un jeune leader assez modéré et ouvert, ne s’est pas accompagnée d’une évolution de la politique étrangère du pays. Il semble déterminé à prolonger et radicaliser la politique de provocation et de défis, pratiquée par ses prédécesseurs. Il a ainsi tout récemment menacé les États-Unis d’une frappe nucléaire, et a rompu le pacte de non-agression avec la Corée du Sud, en vigueur depuis 1991.

Ceci a provoqué une escalade des tensions dans une région déjà sécuritairement vulnérable. En réaction, les États-Unis ont renforcé leur présence militaire, en installant des missiles nucléaires. Alors, y a-t-il un risque de guerre nucléaire ou n’est-ce qu’une simple provocation de plus de la part de la Corée du Nord ? 
L’analyse de la politique étrangère nord-coréenne révèle que le régime en place n’est pas prêt à déclencher une guerre dévastatrice - qui aurait pour conséquence sa propre destruction. Il s’agit davantage d’une stratégie visant à instrumentaliser le programme nucléaire du pays afin de permettre aux dirigeants d’affronter des enjeux internes et internationaux.

Renforcement de la légitimité du régime

La politique agressive de la Corée du Nord répond à plusieurs problématiques internes touchant à la légitimité même d’un régime malmené par des difficultés politiques et économiques, qui déchirent le tissu social du pays depuis plus de 20 ans. Le pays subit aussi les multiples sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU du fait de son programme nucléaire. Économiquement, la Corée du Nord continue à subir les effets pervers du déficit de son système économique et commercial. Sa croissance ne dépasse guère 0,5% par la faute d’une agriculture sous-développée, incapable de subvenir aux besoins de la population.

A vrai dire, les dirigeants nord-coréens craignent une révolte contre le régime et son nouveau leader, d’où l’importance du programme nucléaire. L’enjeu réside dans la nécessité de maintenir le pays en état de menace permanente venant du monde occidental, en l’occurrence des Etats-Unis et du voisin sud-coréen. Le but étant de renforcer le sentiment nationaliste, pour occulter les énormes difficultés économiques. En outre, il s’agit de convaincre la population d’une prospérité inexistante ailleurs. Le régime cherche à pointer du doigt la manipulation étrangère et à projeter une image de puissance nucléaire importante. Ce faisant, la légitimité de Kim Jong Un s’en trouve renforcée. Néanmoins, cette provocation ne risque-t-elle pas de recueillir l’effet inverse, voire d’attirer le courroux des grandes puissances occidentales et donc l’anéantissement du pays ?

Intensification de la pression sur la Communauté internationale

D’aucuns estiment que Pyongyang se sent de plus en plus visé par les manœuvres menées par les Etats-Unis et la Corée du Sud, comme l’indique la réaction des responsables nord-coréens, qui n’ont pas hésité pas à déclarer que « toutes ces manœuvres guerrières n'[étaient] rien d’autre que de pures provocations destinées à étouffer quasiment la République populaire de la Corée du Nord par la force des armes » . 

À ce titre, la Corée du Nord cherche, à travers ses essais nucléaires, le renforcement de son auto-défense via la dissuasion nucléaire. Ce qui justifie que les responsables du pays demeurent déterminer à « prendre des mesures concrètes visant à étendre et renforcer nos forces militaires d’autodéfense y compris la dissuasion nucléaire » .

Corée du Nord : la diplomatie de la guerre
Néanmoins, d’autres enjeux stratégiques plus importants motivent un tel comportement. Le dernier test nucléaire s’inscrit dans la démarche stratégique de la Corée du Nord, entamée depuis les années 70. Celle-ci a toujours considéré le développement de son programme nucléaire comme une carte stratégique permettant d’exercer une pression sur les États-Unis et le monde occidental. Les enjeux dépassent la simple attaque ou défense : posséder l’arme nucléaire, ce serait peser sur la scène internationale.

En fait, le régime nord-coréen, convaincu de sa protection par son allié chinois, tente d’instrumentaliser ses essais nucléaires pour sortir de l’isolement international qui lui est imposé par le Conseil de sécurité, en se mettant dans une position de force dans les négociations.

En suspendant le traité de paix avec la Corée du Sud, la Corée du Nord souhaite renégocier un traité de paix qui lui serait favorable dans la région, c'est-à-dire qui lui garantirait une sécurité durable face aux États-Unis et à la Corée du Sud, sans doute, plus forte économiquement et militairement. De plus, le régime nord-coréen utilise la carte nucléaire comme stratégie du chantage pour acquérir des aides économiques et financières. 
Il apparaît évident que la Corée du Nord n’est pas prête à entamer une guerre destructrice qui lui sera fatale. Elle cherche plutôt à satisfaire des enjeux stratégiques très importants, quitte à déstabiliser une région déjà très sensible.

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Mehdi RAIS
Doctorant en Relations et Droit Internationaux à l'Université de Rabat (Maroc) et membre du Centre... En savoir plus sur cet auteur