Colombie : les Farcs sont-ils finis ?

Margot Valleix
6 Juillet 2013



Pour la quatrième fois depuis le début du conflit, le gouvernement colombien et les FARC se sont engagés sur la voie des négociations, un chemin chaotique, mais qui avance petit à petit. Plus de 6 mois après le début du processus qui s’est ouvert le 19 novembre dernier à Cuba, il est temps de faire un point sur son avancement.


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Les discussions ont été engagées sans la mise en place d’un cessez-le-feu. Dès lors, la situation sur le terrain reste très tendue. Depuis le début des négociations, on dénombre en effet 99 guérilleros tués et 426 capturés contre 177 soldats et policiers morts selon le gouvernement colombien. Cependant, cela confère aux négociations une plus grande stabilité puisqu’elles ne sont plus soumises aux éventuels débordements. Les précédentes tentatives ont toutes été arrêtées à la suite d’une reprise des combats.

Le nombre de combattants en activité est estimé à 8 000, essentiellement installés dans les zones rurales. Mettre définitivement un terme à ce conflit sera ardu, les FARC sont le mouvement révolutionnaire le plus ancien d’Amérique Latine. Son organisation est extrêmement bien implantée géographiquement. Un rapport du Congrès colombien datant de 2011 estime qu’ils se sont implantés dans un tiers des municipalités. Aussi, les négociations avancent pas à pas, un point après l’autre. Le conflit ayant fait plus de 600 000 morts depuis 50 ans, le ressentiment reste vif au sein la population. Nombreux sont les opposants au processus de paix. Ce groupe, dont la figure de proue est le très populaire ancien président Alvaro Uribe, considère le processus comme un aveu de faiblesse et un affront pour les millions de victimes.

Les échanges sont tendus entre les deux camps depuis l’annonce, par le président Santos, le 27 août 2012, du nouveau processus. Le Président Santos a, pour la première fois, défilé aux côtés d’associations paysannes en avril dernier pour soutenir la paix. Pendant ce temps, le camps adverse a multiplié les déclarations pour rappeler aux civils les exactions des Forces armées avec notamment la mise en ligne, par Alvaro Uribe, de photos de policiers assassinés. Les deux hommes entretiennent deux visions diamétralement opposées concernant la résolution du conflit. Pour Alvaro Uribe, cela doit passer par la force et la victoire du gouvernement sur les Farc tandis que pour Juan Manuel Santos, cela doit se faire par la discussion. Si les critiques fusent, la voie de la réconciliation semble être privilégiée par les Colombiens, lassés après un demi-siècle de guerre civile.

Des discussions dans un climat maussade

Il est important de souligner l’avancée historique concernant la réforme agraire, cœur du conflit qui oppose depuis maintenant 50 ans la guérilla et le gouvernement. Le 26 mai, les deux rivaux ont annoncé s’être mis d’accord sur les principaux points de litige notamment sur la répartition des terres inexploitées, la délimitation des terres agricoles, la régularisation des titres de propriété (de nombreuses terres sont utilisées sans appartenir à personne) et la protection des réserves. Ce niveau de consensus n’avait jamais été atteint auparavant. Toutefois, cet accord n’est que partiel. Rien ne sera signé tant que l’accord global ne sera pas concrètement établi. Le chemin sera long avant d’aboutir à cet « accord historique ». Le prochain point étudié risque d’être sujet de grandes tensions notamment avec la population civile puisqu’il s’agit de mettre en place le cadre pour la participation politique des guérilleros. Ces derniers cherchant à échapper à toute poursuite judiciaire, les Colombiens craignent des impunités, insupportables aux yeux des victimes, directes ou non, de la guerre.

Le fait que les négociations ne se font plus sous l’égide des États-Unis, comme c'était le cas lors des précédents essais, marque aussi un changement positif. Longtemps taxée de privilégier leurs intérêts, la présence des États-Unis a toujours été mal vue par les FARCet par la population. Les négociations sont maintenant encadrées par des pays sud-américains (Cuba, Venezuela et Chili), ce qui leur confère une plus grande légitimité. Ces pays ont été confrontés à des problématiques similaires sur les questions des inégalités et des problèmes agraires. Cependant, cela peut aussi provoquer plus de tensions en raison de la proximité. On a en effet vu un regain de tensions avec le Venezuela suite à la visite du candidat perdant à la présidentielle Henrique Capriles à Juan Manuel Santos. Le Venezuela confère au processus une stabilité importante puisqu’il est l’un des seuls pays à avoir des liens conséquents avec la guérilla et dispose donc d’un moyen de pression sur elle. Son retrait mettrait sérieusement en danger toutes discussions.

C’est donc sur des fondements extrêmement fragiles que se déroulent les négociations. Elles pourraient s’arrêter brusquement pour de multiples raisons. Les points restants à aborder sont soumis à de nombreuses controverses notamment le narcotrafic, problème mondial. Si le président Santos semble avoir fait preuve d'un excès d’optimisme en annonçant la fin du conflit pour la fin de l’année, il faut noter que pour la première fois, les probabilités d’aboutir à un traité de paix sont réellement tangibles.

 

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