Chrétiens : ces martyrs oubliés

Il y a de cela deux ans déjà, le monde s'indignait après l'attentat devant une église copte d'Alexandrie, où des fidèles s'étaient réunis pour le Nouvel An. À ce moment-là, nombre d'intellectuels s’étaient insurgés contre les martyrs chrétiens oubliés. Bernard-Henri Levy en tête, avait écrit un article deux mois avant l'événement, rappelant la souffrance des chrétiens du monde. 

Parmi les événements marquants, on peut compter celui au Pakistan. Le 24 septembre dernier une église chrétienne a été incendiée et les bâtiments adjacents pillés, dans la ville de Mardan. A cette époque, des manifestations contre le film islamophobe, L’innocence de l’Islam, ont mobilisé les foules dans toutes les grandes villes du Pakistan et les chrétiens, assimilés à l'occident par les islamistes, en ont fait les frais. Néanmoins, selon le récit du président de la Ligue interreligieuse du Pakistan, un drame supplémentaire a été évité lorsqu’un chrétien de 18 ans a été sauvé par quelques personnes, alors que la foule avait tenté de l’asperger d’essence.

Selon Andaryaas Maseeh, vice-président de l’Eglise luthérienne de Sarhadi, ni l’administration, ni la police n’ont apporté la protection qui était nécessaire aux lieux visés par les manifestants. Cela pourrait être la preuve qu'il ne s'agit pas seulement d'un ressentiment du seul peuple pakistanais à l'égard des chrétiens mais bien aussi, d'autorités consentantes. Le vice-président a également précisé qu'il y a avait eu du pillage puisque des ordinateurs ou encore des motos avaient été volés et que les manifestants avaient pris soin de jeter au feu les Écritures saintes des chrétiens avant de s’enfuir.

Rappelons également qu'au Pakistan une loi anti-blasphème a déjà permis d’écrouer un grand nombre de personnes, notamment les chrétiens. Asia Bibi est l'une d'elle. Cette mère de famille, toujours en prison dans l’attente de son procès en appel, a été condamnée à mort pour avoir bu dans un puits "réservé aux musulmans". Mais aussi, plus récemment, Rimsha Masih, jeune adolescente chrétienne, acquittée du chef d'accusation de profanation du Coran mais qui a quand même failli être lynchée par la foule et a été détenue un long moment. Il est fréquent que des personnes acquittées par la justice soient finalement victimes des balles ou des coups de foules extrémistes, désireuses de faire justice elles-mêmes.

Le cas de la Libye est tout aussi significatif. Des communautés religieuses y ont été contraintes d’abandonner la Cyrénaïque, province située entre les provinces d'Égypte et d’Afrique proconsulaire qui fait aujourd'hui partie de la Libye. Il y avait en effet eu des pressions de la part des fondamentalistes, comme le dénonce à l’Agence Fides, Mgr Giovanni Innocenzo Martinelli, Vicaire apostolique de Tripoli, qui a indiqué que, "dans l’est de la Libye, la situation [était] critique". Selon ses dires, des manifestations étaient prévues le 20 février prochain. Mais le vicaire s’est vu fortement inciter à quitter l’église à compter du 13 février et de se mettre à l’abri.

Comme l'explique le Vicaire apostolique de Tripoli, au cours de ces derniers jours, plusieurs communautés ont été contraintes de fuir. Telle que la Congrégation de la Sainte Famille de Spolète qui a abandonné Derna où elle se trouvait depuis près d’un siècle ; un prêtre salésien polonais a quitté cette même ville après avoir subi des mauvais traitements de la part d’un certain nombre de fondamentalistes. A Barce, les Sœurs franciscaines de l’Enfant Jésus quitteront leur maison dans les prochains jours.

Mgr Martinelli a néanmoins ajouté être désolé de réduire les activités dans cette zone alors qu'un lien d’amitié s'est construit avec le peuple libyen lequel ressent malheureusement la présence des fondamentalistes. "Ces derniers ne représentent pas l’identité du peuple libyen mais est l’une des expressions de la société libyenne d’aujourd’hui", a-t-il précisé. 

En Inde, le triste constat de 2012 est celui-ci : 131 cas de graves violences contre les chrétiens en Inde en 2012. Ce nombre a été révélé par l’étude dirigée par Richard Howell, Christian Persecution Report, menée pour le compte de l’Evangelical Fellowship of India de la Nouvelle Delhi, et par le président de l’Indian Christian Voice, Abraham Mathai, dans une conférence de presse tenue à Mumbai (Bombay). Le nombre a diminué face aux 140 cas relevés l’année précédente, même si la liste n’est pas exhaustive et que de nombreuses agressions ne sont pas signalées. La plupart de ces agressions contre les chrétiens sont le fait de fanatiques hindous.

Le pire est certainement la Corée du Nord qui serait le pays dans lequel les chrétiens seraient le plus persécutés, selon l’Index Mondial de Persécution 2013. La Corée n'est pas connue pour être le territoire de la liberté d'expression, mais il semble qu'il ne soit pas non plus un territoire de la liberté de culte. Les chrétiens nord-coréens sont d’ailleurs considérés comme de dangereux opposants au régime.

Depuis plus de 50 ans, un des derniers régimes autoritaires communistes, actuellement dirigé par Kim Jong-Un, s’attache à éradiquer la foi chrétienne. Les chrétiens sont emprisonnés ou exécutés immédiatement. Le pays avait pourtant signé la Charte universelle des droits de l’Homme. Il semblerait malgré tout que des centaines de milliers de personnes y soient emprisonnées dans des conditions inhumaines. Le régime de la Corée du Nord est toutefois trop opaque pour savoir avec certitude les conditions de vie des chrétiens. Néanmoins, alors que tous les prêtres ou missionnaires étrangers ont été expulsés, quelques témoignages de Nord-coréens prouvent que la foi est toujours présente, ancrée dans le cœur d’un groupe de fidèles, sans doute de plus en plus petit.

La liste est longue et elle n'est pas finie, car beaucoup d'autres pays persécutent leurs chrétiens. Alors que de nombreuses organisations se battent contre les persécutions, l'antisémitisme, les préjugés, les chrétiens sont toujours martyrisés sans que cela ne fasse vraiment l’objet d’une quelconque médiatisation. Diffuser ce problème et alerter les consciences, c’est déjà se donner les moyens de le voir diminuer.