Chine / Japon : les îles de la discorde

20 Mai 2013



Le passage d'un sous-marin potentiellement chinois à proximité d'Okinawa attise les tensions en mer de Chine. Du Japon et de la Chine, qui gagnera la course à la souveraineté ?


Chine / Japon : les îles de la discorde
« Ce sont des actes graves ! », le premier ministre japonais Shinzo Abe fulmine après qu'un sous-marin a été détecté dans les eaux territoriales d'une des îles d'Okinawa (sud du Japon) dans la nuit de dimanche à lundi. Aucune confirmation n'a été donnée quant à la nationalité du sous-marin, mais les provocations répétées de la Chine ces derniers mois laisse penser qu'il lui appartient. Lundi 13 mai, trois navires chinois ont passé une demi-journée au large des îles de Senkaku, que l'Empire du Milieu connait sous le nom de Diaoyutai et revendique toujours depuis leur cession au Japon par les Etats-Unis en 1972. 

Shinzo Abe avait annoncé fin janvier le déploiement d'une force militaire pour protéger ces îles qu'il sait disputées. Mais il pensait sans doute que le cas des îles Ryukyu ,dans la préfecture d'Okinawa, était définitivement réglé. Or le 8 mai dernier, une tribune écrite par des universitaires est parue dans Le Quotidien du Peuple, principal quotidien d'Etat chinois, appelant à reconsidérer la question de la souveraineté de ces îles.

Des îlots déserts mais stratégiques

Pourquoi de si grandes tensions pour de petits îlots inhabités ? L'enjeu, ce sont les eaux territoriales, cette zone maritime côtière où s'étend la souveraineté d'un Etat. Depuis 1973 et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la largeur de cette zone est fixée à 12 miles marins, soit environ 22 kilomètres, calculés à partir des côtes et des îles. Etablir sa souveraineté sur les îlots de la mer de Chine orientale revient pour la Chine et le Japon à agrandir de manière considérable leurs eaux territoriales et à garantir leurs droits sur les ressources maritimes qui s'y trouvent.

© Pierre Lecornu
© Pierre Lecornu
En plus d'être très poissonneuse, la zone autour des îles Senkaku  présente des gisements importants d'hydrocarbures qui appartiennent au Japon ou à la Chine selon que l'on considère que ces îles sont japonaises ou chinoises. Pour le Japon, dont l'étroit territoire est pauvre en ressources et dont l'économie est en grande partie axée sur la mer, c'est son espace vital qui est en jeu. Pour la Chine qui tire la plupart de son hydrocarbure de l'Asie centrale, il s'agit surtout d'affirmer sa domination sur cette région du globe et de contrôler les routes commerciales.

A ces considérations économiques s'ajoutent les contentieux historiques. La Chine, les deux Corées, le Japon et même les pays d'Asie du sud-est sont de vieux ennemis. Les ressentiments datent principalement de la guerre sino-japonaise de 1894-95 et de la colonisation brutale de la Mandchourie et de la Corée par le Japon avant la seconde guerre mondiale. C'est pourquoi les îles Senkaku constituent l'arbre qui cache une forêt dense de conflits territoriaux. Le Japon et la Corée se disputent ainsi l'île de Takeshima/Tokdo, tandis qu'au nord, la Russie possède les îles Kouriles, également revendiquées par les japonais. Du côté chinois, outre les Senkaku et les Ryukyu, on réclame le rattachement de Taiwan à la République populaire et on convoite d'autres archipels, plus au sud, qui sont pour le moment la propriété des Philippines, de la Malaisie ou du Vietnam.

Si ces conflits sont restés larvés pendant des années, les récentes provocations chinoises et la fermeté du premier ministre conservateur Shinzo Abe, visiblement prêt à prendre des libertés avec la pacifique doctrine Fukuda, viennent rappeler que l'Asie n'est pas à l'abri d'une escalade.

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Pierre Lecornu
Auteur à deux têtes, métaphoriquement schizophrène : Pierre est aspirant journaliste, Pierrot est... En savoir plus sur cet auteur