Californie : les détenus disent non à la torture

11 Juillet 2013



30 000 prisonniers ont débuté une grève de la faim lundi 8 juillet. Ils accusent les prisons californiennes de pratiquer la torture, et l’État fédéral de laisser faire.


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Non, nous ne sommes pas à Guantanamo, mais en Californie. Là aussi, l’on compte nombre de prisonniers en colère. Depuis lundi 8 juillet, 30 000 prisonniers sont en grève de la faim dans 22 des 33 prisons de l’État californien. « Les prisonniers refusent de prendre leur petit-déjeuner et leur déjeuner », a indiqué Terry Thornton, la porte-parole du Département d’incarcération et de réinsertion des prisonniers de Californie (CDCR). C’est la troisième grève de la faim dans les prisons californiennes en moins de deux ans. C’est aussi la plus importante : il y a deux ans, on ne comptait que 11 600 participants.

Le mouvement de contestation est né à Pelican Bay, un centre de rétention proche de la frontière de l’Oregon. Un petit groupe de détenus s’est insurgé contre certains traitements réservés aux prisonniers. Leur principale cible ? L’isolement illimité.

Le confinement, une torture déguisée

En Californie, les gardiens dans les prisons d’État sont autorisés à mettre en cellule d’isolement tout prisonnier soupçonné d’appartenir ou de s’entretenir avec un gang de la prison. Ces périodes de confinement sont considérées comme de véritables tortures. Sans fenêtre, ni contact humain, les périodes d’isolement peuvent durer jusqu’à 40 ans. Les détenus de Californie réclament une restriction du confinement à cinq ans.

Par ailleurs, pour éviter l’isolement, il faut d’abord changer de statut et ne plus être considéré comme un membre des gangs. Mais pour sortir de cette black list, le seul moyen est de dénoncer ses codétenus. Cette ambiance de « collaboration » fait elle aussi partie des revendications des prisonniers californiens. Pour maintenir la pression sur les responsables du CDCR, les prisonniers sèchent les cours dispensés dans la prison et ne se présentent pas non plus au travail. Ces sociétés hors de la société s’arrêtent. Pour Carol Isaac, l’une des organisateurs de la manifestation de soutien aux prisonniers à Seattle, c’est la première que les détenus arrêtent le travail. « C’est comme fermer les prisons de l’intérieur », a-t-elle déclaré au Seattle Times.

Les prisonniers sont fortement soutenus par les Californiens. Lundi 8 juillet, plusieurs manifestations de défense des droits des détenus ont été organisées. « Je défie quiconque de dire que ce système fonctionne », s’est insurgé Ed Mead, un éditeur et militant des droits des prisonniers présent à la manifestation devant la prison du King County à Seattle. « Les États-Unis représentent 4% de la population et 25% des prisonniers dans le monde, a-t-il expliqué au Seattle Times. Le taux de récidive est de 70 % ! ».

Un interlocuteur fédéral encore muet

Plus qu’une nouvelle réglementation sur l’isolement, c’est une réforme complète du système carcéral qui est demandée par les grévistes. Pour l’heure, les conditions d’enfermement dépendent des États. En octobre 2012, la Californie avait modifié les critères d’isolement. Tous les détenus déjà soumis au confinement avaient été passés en revue. Sur 382 prisonniers, 208 avaient été replacés sous le régime carcéral traditionnel. Selon le Los Angeles Times, le Département californien responsable des prisons examinerait ces jours-ci le cas de 4 527 détenus. Tous ne semblent pas répondre aux critères de sortie d’isolement.

À vrai dire, c’est le gouvernement fédéral que les grévistes cherchent à atteindre par leurs actions. Ils souhaitent que les prisons de tous les États-Unis soient soumises aux réglementations nationales relatives à la sécurité des personnes. Les détenus aimeraient voir l’instauration d’une politique d’éducation renforcée dans les prisons, et la mise en place de programmes de réinsertion.

Pour l’instant, cette grève de la faim, à grande échelle en Californie, ne semble pas s’étendre dans le reste du pays. Les détenus peinent à trouver l’interlocuteur fédéral qu’ils cherchent. Un porte-parole du Département correctionnel de l’État de Washington a d’ailleurs déclaré que les grèves à l’Ouest n’avaient pas du tout affecté l’ordre des prisons dans son État.

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Tiphaine Pioger
Fan de politique, je vous livre les enjeux qui entourent les sociétés d'aujourd'hui. Après Paris,... En savoir plus sur cet auteur