« C’était pas prévu ! » rencontre avec C2C

Florian Cazzola, correspondant à Toronto (Canada)
14 Juin 2013



À l’occasion de leur passage à Toronto, nous sommes allés à la rencontre d’Atom, un des 4 DJ du groupe C2C. Véritable phénomène, ce quatuor électro qui a révolutionné la scène musicale franco-européenne arrive sur le Nouveau Continent dans le plus grand anonymat, en quête d’un nouveau challenge. Rencontre.


« C’était pas prévu ! » rencontre avec C2C
Comment vous êtes-vous rencontrés ?

On s’est tous rencontré il y a un peu plus d’une quinzaine d’années à l’époque du lycée. À la base, on était simplement des amis. On faisait du skateboard ensemble, on jouait à la PlayStation (rires)… Et puis 20Syl s’est mis au « beatmaking ». Il avait une platine, assez rudimentaire, mais avec ses productions, il a fini par nous contaminer. Il a d’abord contaminé Greem (qui est ensuite devenu le DJ du groupe, nldr) et puis tour à tour il nous a filé le virus. À cette époque, débutait le groupe Hocus Pocus. Et c’est finalement en 1998 qu’on a monté le groupe. À l’époque, ça s’appelait « Coup 2 Cross ». On l’a rapidement réduit en C2C, car en dehors des frontières françaises, personne n’aurait compris.


Ça a une signification particulière Coup 2 Cross ?

Oui, c’est tout simple. Le « Crossfader » est ce petit bouton qui se trouve sur la table de mixage des DJ. Il sert à couper le son ou à scratcher (modifier manuellement la vitesse d’une musique, nldr). Ça nous permet de créer des rythmiques.

C’est un gros clin d’œil à votre passion pour l’électro en fait ?

Oui totalement.

Vous vous faites d’abord connaître grâce à Hocus Pocus, votre « rampe de lancement », puis par Beat Torrent. C2C nait en 1998 donc ?

Oui et non, ce n’est pas exactement ça ! C’est vrai qu’Hocus Pocus nous a permis d’entrer dans le monde musical dès 1995. Mais Coup 2 Cross est né en même temps que le groupe. C’était l’entité DJ d’Hocus Pocus. À partir de 2001, on s’est consacré aux compétitions DMC (compétition internationale de DJ créée par Tony Prince en 1983) avant que 20Syl et Greem ne se reconcentrent sur leurs activités. À cette époque-là, ce qui était drôle, c’est qu’on avait des demandes de concerts pour Hocus Pocus et Coup 2 Cross le même soir, mais à dans des lieux totalement différents. C’était assez dur à réaliser (rires). Du coup, petit à petit, Pfel et moi avons décidé de sortir de cette entité « C2C » pour créer Beat Torrent, notre propre groupe.

Côté musique, vous avez un vrai style qui vous est propre. Comment le définiriez-vous ?

Pour le résumer, c’est un mélange entre influences vintages et authentiques qui puise ses origines dans la « black music ». Que ce soit de la Soul, du Jazz ou des musiques traditionnelles africaines et japonaises, on essaie de s’inspirer de ça pour faire transparaitre une certaine émotion, quelque chose d’organique. Et puis, on va aller confronter ça à un côté plus digital, beaucoup plus actuel que l’on retrouve dans les sons de batteries (très percutants), des sons de synthé… On a toujours cette espèce de mix entre ancien et moderne dans nos morceaux.

Et vous avez une particularité, vous faites du « turtablism », c’est quoi au juste ?

C’est très facile. Un guitariste, c’est quelqu’un qui joue de la guitare. Un « turntablist » c’est quelqu’un qui joue de la « turtable » (de la platine, nldr).
L’idée est d’utiliser la platine vinyle comme un instrument de musique pour ainsi créer des morceaux. Nous, on ne fait pas du tout un DJ Set. On n’est pas là pour passer des disques. Un DJ peut le faire. Attention, je dis ça sans aucun à priori. Nous, on a chacun nos platines et à partir de celles-ci, on va créer nos propres morceaux, chacun avec notre instrument qu’est la platine. Comme un groupe pourrait le faire avec un batteur, un bassiste, un guitariste et un chanteur. C’est plutôt vers ça qu’on va. C’est vraiment la nuance entre un DJ et un turntablist.

On imagine que votre show est bien rodé maintenant. Vous vous accordez tout de même une part d’improvisation ?

Quand on a notre show en live, on contrôle la vidéo en plus du son que l’on émet grâce à nos platines. Chacun de nous a un écran d’un mètre par un mètre devant sa platine et chaque son produit va être associé une animation sur l’écran. Tout cela implique une certaine narration, on raconte une histoire. Ça nous oblige à poser un cadre et c’est donc assez difficile d’en sortir. Les choses sont écrites et prévues. Après, pendant certains morceaux on a des plages où on est un peu plus libre. Mais sur l’ensemble, on est forcé de respecter l’ordre des morceaux. Il y a ce côté narratif que l’on ne peut pas chambouler.

Vous avez donc un sacré travail en amont. Comment ça se passe ?

Pour faire l’album, on a commencé par s’enfermer pendant un mois, tous les quatre, en septembre 2010, et à produire des maquettes. Au bout d’un mois, on s’est retrouvé avec une centaine de maquettes. On s’est alors mis à voter tous les 4 pour nos préférées et faire un Top 15. C’était plutôt sympa !

Votre premier album a fait un carton dès sa sortie. Vous attendiez-vous réellement à un tel succès ?

Honnêtement, pas à ce point-là ! On avait déjà des contacts directs via Hocus Pocus et Beat Torrent. À 95 % de nos concerts, il y avait au moins une personne qui venait nous demander « vous en êtes où avec C2C, il sort quand l’album ? ». Donc on se rendait bien compte qu’il y avait une certaine attente, mais on ne s’est pas imaginé une seule seconde en arriver là. Ce n’était pas prévu !

Le fait de s’exporter en Amérique du Nord, est-ce un aboutissement ?

En fait, on s’était rapidement rendu compte avec Hocus Pocus qu’il était très difficile de s’exporter quand tu chantes en français à cause de cette barrière causée par de la langue. Sur C2C, les morceaux sont en anglais, il y a un certain nombre d’influences qui peuvent parler à beaucoup de monde hors des frontières françaises. On s’est dit « tentons le coup, essayons de promouvoir le disque à l’étranger ! »

Le marché nord-américain, ça devient un objectif pour vous ?

Bien sûr on veut aller le plus loin possible. On espère que les choses prendront. C’est déjà un plaisir de faire cette tournée, de jouer à New York… C’est déjà très beau ce qu’il se passe.

Et justement, comment le public new-yorkais a-t-il accueilli vos concerts ?

Plutôt bien, c’était complet d’ailleurs. À Philadelphie par contre, il y avait un peu moins de monde, mais on a eu la chance d’avoir un beau public et une ambiance géniale.
Après, on a quand même l’impression que l’on bénéficie du support de la communauté francophone de ces villes. Personnellement, j’ai l’impression que c’est du 50/50.

On passe au volet des collaborations. Toujours pas de français en vue ?

On a plusieurs collaborations avec des artistes français sur notre album. Le seul truc c’est qu’ils chantent en anglais (rires). Que ce soir Gush ou Moongaï qui chante sur « Kings Season » d’ailleurs. Il faut dire que nos références musicales restent principalement américaines et anglaises. Mais on reste quand même de gros fans de Serge Gainsbourg et de la chanson française. Ce n’est vraiment pas quelque chose que l’on rejette.

Est-ce que ça voudrait dire que la langue française a plus de mal à s’adapter à votre style de musique ?

On dit toujours que l’anglais est plus musical. Je ne suis pas d’accord avec ça. Tout réside dans la manière d’écrire et d’agencer les mots. La langue d’un Oxmo Puccino va avoir autant de classe qu’un Raid-M ou qu’un autre rappeur américain.

Quel serait le souvenir que tu garderais de la tournée, si tu ne devais en garder qu’un ?

Il y a un truc qui est assez drôle. C’était en 2012, au Festival Pukklepop qui se passe en Belgique, côté Flamand. Cinq minutes avant de rentrer sur scène, on a le public qui a commencé à chanter la Marseillaise (rires). C’est assez rigolo et inattendu pour le coup. Surtout que c’est dans la partie flamande du pays.

La question la plus « re-lou » à laquelle tu as droit à chaque interview ?

(Rires) La question qui est à la fois surprenante et carrément lourde et à laquelle on a droit à chaque interview, c’est quand on nous demande s’il faut nous appeler « Si to Si » (en anglais) ou alors C2C (en français). Celle-là on l’a souvent et à vrai dire, même nous, dit les deux.

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