Brésil: les indigènes se mobilisent pour conserver leurs droits

Bárbara Libório, correspondante au Brésil
13 Janvier 2014



Du 10 au 13 décembre, le Brésil a accueilli le Forum mondial des droits de l’Homme. 9000 personnes étaient au rendez-vous. Les quatre jours ont été marqués par la présence de groupes indiens manifestant pour demander la fin de l'extinction du peuple.


Crédits Photo -- Andressa Pellada/ Le Journal International
Crédits Photo -- Andressa Pellada/ Le Journal International
Au Brésil, le mois de décembre a été marqué par le Forum Mondial des Droits de L’Homme qui se déroulait entre le 10 et le 13 décembre. Lors des quatre jours d’évènement, des groupes d’Indiens ont manifesté pour demander la fin du génocide qui touche leur peuple dans le pays. Ils portaient des affiches où l’ont pouvait lire « 500 ans de génocide » ou bien « Respect de la Constitution nationale ». Leur lutte, bien que désormais plus intense, a commencé il y de cela plusieurs mois en arrière, voire des années.

Pour lutter pour les droits de ces communautés, des chefs autochtones, des quilombolas et des organisations indigénistes ont organisé la Mobilisation Nationale Indigène : comprenez sept jours de manifestations et d'actes entre le 30 septembre et le 5 octobre.

A cette occasion, il y a eu des manifestations dans plusieurs villes du pays. À São Paulo, les communautés indigènes ont renversé de la peinture rouge sur le monument des Bandeiras du sculpteur italo-brésilien Victor Brecheret, qui rend hommage aux colonisateurs portugais qui ont asservi les Indiens et les Noirs dans ses expéditions à la recherche de métaux précieux vers l’intérieur du continent. Des mots comme « meurtriers » timbraient la sculpture.

À Brasilia, capitale du pays, les représentants du mouvement ont participé à une audience publique à la Commission des Droits de l'Homme du Sénat brésilien, en critiquant le projet contraire aux droits de ces populations. Les indigènes ont également envahi pacifiquement le siège de la Confédération Nationale de l'Agriculture, en représailles à la présidente de la banque, la sénatrice Katia Abreu, l'une des principales dirigeantes du groupe ruraliste au Congrès National brésilien - avant parlementaire - qui agit dans l'intérêt des propriétaires ruraux, avec qui les communautés autochtones luttent pour le droit à la terre depuis des décennies dans le pays.

Les droits des Indigènes menacés

Il y a eu des manifestations et des projections de graffitis électroniques demandant à la présidente Dilma Rousseff d’écouter les appels des peuples indigènes. La demande a du sens. Le nombre d’assassinats d’Indiens a augmenté de 269 % ces dix dernières années, période qui correspond aux mandats de Dilma Rousseff et Lula. « Les droits des indigènes du Brésil vivent leur moment le plus critique depuis des décennies », a affirmé l'anthropologue et chercheur au Centre d'Études Amérindiennes de l'USP (Université de São Paulo), Spensy Pimentel.

La première et seule fois que la Présidente a reçu des dirigeants indigènes - après deux ans et demi au pouvoir - le Congrès a essayé de passer en urgence - dans l'obscurité - une proposition de loi qui crée des exceptions au droit des indigènes d'utilisation exclusive de leurs territoires en cas « d’intérêt public de l'Union ». Cela veut dire que les projets d'infrastructure comme des barrages et des chemins de fer pourraient être construits sur des terrains délimités. L'approbation ne s'est pas produite, mais un comité spécial a été formé pour étudier la proposition.

Celle-ci n'est pas la seule proposition qui est soumise au Congrès et qui attaque directement les droits des indigènes. Le groupe ruraliste a encore en main des propositions d’amendements constitutionnels, comme celle qui transfère au législatif le pouvoir de démarquer les terres indigènes, menaçant la présente délimitation des territoires.

La démarcation des terres indigènes en danger

Actuellement, le processus de démarcation est coordonné par la FUNAI (Fondation Nationale de l’Indien) - organisme indigéniste chargé de garantir les droits de ces communautés - mais le gouvernement a annoncé en mai 2013 qu'un nouveau modèle devrait être mis en œuvre.

La grande crainte est que les intérêts des autres organismes fédéraux se chevauchent avec la lutte pour les droits de ces communautés, et que la FUNAI soie vidée. Pour Pimentel, tout affaiblissement de FUNAI peut avoir des conséquences brutales et causer encore une plus grande crise. « FUNAI souffre historiquement d'un manque de budget et de personnel. C'est un organe mis au rebut qui, depuis 2009, a subi une restructuration, aujourd’hui inachevée, mais qui a déjà commencé à montrer des résultats », a t-il déclaré.

La participation d'autres organes, tels que l'Embrapa - organe subsidiaire du ministère de l'Agriculture – génère des controverses. Responsable par la recherche, le développement et l'innovation pour une agriculture durable dans le pays - responsabilisé pour environ 30 % de la déforestation au Brésil dans la première décennie de ce siècle – la compagnie a indiqué dans un communiqué qu’elle n’a « aucune attribution pour se prononcer sur les aspects anthropologique ou ethniques, impliquant l'identification, la déclaration ou la démarcation des terres indigènes au Brésil ». 

Appel international

« Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable – donné librement et en connaissance de cause - des peuples autochtones concernés et un accord après sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour », dispose l’article 10 de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones.

Le 9 août, le jour international des peuples indigènes, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté que les gouvernements honorent leurs traités et accords avec ces peuples. « Nous devons assurer la participation des populations autochtones - hommes et femmes - au processus décisionnel à tous les niveaux », a déclaré le Secrétaire général.

La chef des Droits de l’Homme de l’ONU, Navi Pillay, a également souligné que les accords signés par les pays avec les peuples autochtones sont d'une importance capitale. « Même s’ils sont signés ou acceptés pour plus d'un siècle, de nombreux traités demeurent la pierre angulaire de la protection de l'identité, de la terre et des coutumes des peuples autochtones, déterminant la relation qu'ils ont avec l'Etat », a déclaré Navi.

Mobilisations contre le projet de centrale hydroélectrique de Belo Monte

La construction de la centrale hydroélectrique de Belo Monte - lancée en juin 2011 - à Altamira (dans la région du Pará), a enregistré plus de 90 jours de paralisation. De ce nombre, plus de 60 étaient dus à des occupations et des manifestations d'organisations indigènes et non gouvernementales contre l'installation de l'usine.

En mai dernier, le chantier a été occupé à deux reprises. Les indigènes locaux demandaient la suspension immédiate de tous les projets hydroélectriques en Amazonie jusqu'à ce que le processus de consultation préalable des peuples traditionnels, prévu à la Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), soi réglementée.

En juin, après huit jours d'occupation sur le chantier principal de l’usine électrique, environ 150 Indiens de l’ethnie Munduruku se sont rendus à Brasilia, pour rencontrer les ministres du Secrétariat général de la Présidence, Gilberto Carvalho ; des Mines et de l'Energie, Edison Lobao ; de la Santé, Alexandre Padilha ; et de l'Environnement, Izabella Teixeira ; entre autres membres du gouvernement. La réunion n'a abouti à aucune espèce d’accord.

Les peuples indigènes continuent à exiger la suspension des travaux de l’usine de Belo Monte, mais aussi de celle de Teles Pires, et l'interruption des études pour la construction du complexe d’usines dans les Tapajós, dans la région du Pará, nord du Brésil. Après la réunion infructueuse, le groupe d'indigènes a occupé pendant trois jours l’immeuble de la Funai, à Brasilia. Néanmoins, la ministre du Secrétariat des Relations Institutionnelles, Ideli Salvatti, a déclaré que le gouvernement « respecte » les Indiens, mais que les travaux de nouvelles centrales hydroélectriques seront exécutés « même s'ils ne sont pas d'accord », en s’opposant totalement à la convention de l’OIT.

Traduit par Andressa Pellanda 

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