Brésil : Belo Monte et la Coupe de feu

Johanna Samiotakis
10 Décembre 2013



L’appel est lancé par le Movimento Xingu Vivo Para Sempre. Le rendez-vous a été donné aujourd'hui, mardi 10 décembre : Paris, 11h30 devant le siège d’Alstom et 15h devant l'ambassade du Brésil. L’occasion pour les Français de montrer leur désaccord lors de la Journée Mondiale des Droits de l’Homme.


Crédits photo -- raoni.com
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Le 15 novembre dernier, les opposants au barrage s’étaient déjà retrouvés pour dénoncer les massacres annoncés de Belo Monte. Sur les pancartes, un certain « Dilmassacre les droits des peuples d’Amazonie » résumait tristement bien la situation.

Les manifestants voyaient pour la toute première fois venir Antonia Melo en France. Opposante de la première heure, elle a fait partie de ceux qui, en 1989, avaient obtenu l’abandon du projet Kararaô, la version 1.0 du barrage de Belo Monte, plus dantesque encore : six barrages qui devaient inonder 20 0000 km² et 12 territoires amazones. En 2002, elle était aussi de ceux qui ont lutté contre le lancement du projet Belo Monte tel qu’on le connaît aujourd’hui et instigué par Lula. En 2008, Antonia Melo, devenue « Mère courage des victimes de Belo Monte », a créé le Movimento Xingu Vivo Para Sempre (littéralement : Mouvement du Xingu Vivant Pour Toujours) et est devenue à son tour porte-parole des peuples indigènes menacés dans la région du Pará.

Raoni, fatigué par le combat d’une vie, n’abandonne pas la cause, mais compte sur sa petite-fille, Mayalú Txucarramae et Antonia Melo pour prendre la suite de près de 40 ans de lutte pacifique.

Alstom au cœur de la controverse

Les Kayapos invitent les Français à se retrouver le 10 décembre pour manifester une seconde fois devant le siège d’Alstom. La compagnie française a en effet signé un contrat s’élevant à 500 millions d’euros pour l’équipement en turbines du barrage. Présente au Brésil depuis 55 ans, l’entreprise y a vendu ces dix dernières années plus de 100 turbines hydro-électriques, soit 35 % des équipements actuels du pays.

Philippe Joubert, président d’Alstom, a d’ailleurs tenu à souligner le rôle clé que tenait la compagnie au Brésil dans sa quête d’une énergie saine et durable sur le long terme. En signant avec la Norte Energia, la compagnie française ferme les yeux sur le non-respect évident des droits de l’Homme et participe à l’écocide perpétré au Brésil par les compagnies européennes.

La manifestation vise à rendre leurs droits aux peuples indigènes, mais aussi à éveiller les consciences européennes. Alstom n’est qu’un atome du réseau de compagnies européennes qui s’installent en Amazonie, cherchant une législation plus souple et portant peu d’égards aux populations indigènes.

Dilma aux dessus des lois

Crédits photo -- raoni.com
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Le 25 octobre dernier, la construction du barrage de Belo Monte avait de nouveau été arrêtée suite à une décision du juge brésilien Souza Prudente. Ce dernier avait invalidé la licence de construction obtenue par Norte Energia en 2011. Et pour cause, elle avait été délivrée par l’Institut Brésilien de l’Environnement - l’Ibama - malgré le flagrant non-respect de ses conditions préalables. Grâce à la pression d’un Lula sortant et d’une Dilma conquérante, le gouvernement et Norte Energia avaient ainsi reçu « une autorisation d’installation partielle ». Créée sur mesure pour l’occasion, elle avait permis à la compagnie d’esquiver les devoirs qui lui incombaient, notamment la préparation des villes proches du chantier aux impacts humains et environnementaux du projet.

La décision de la justice brésilienne a immédiatement été cassée par le gouvernement de Rousseff sous le couvert d’ « Urgence Nationale », une mesure possible depuis la dictature militaire des années 1980. Depuis la naissance en 2002 du Belo Monte «final » de Lula da Silva jusqu’aujourd’hui, le gouvernement brésilien a outrepassé lois et droits, sans être jamais inquiété par la justice nationale.

La Coupe du Monde, un jumeau de Belo Monte ?

Prévue l’été prochain, la Coupe du Monde 2014 ne laisse personne indifférent au Brésil. Beaucoup pensent football, d’autres, essor économique, certains, passion culturelle. Seuls certains – renseignés – pensent manifestations étouffées, opposants maîtrisés ou pauvreté bâillonnée. À l’approche éminente du championnat, d’étonnants points de comparaison sont désormais visibles entre la Coupe et Belo Monte.

La réception d’un tel événement sportif au Brésil n’avait pas eu lieu depuis 1950, alors le gouvernement déjà hautement controversé de Dilma Rousseff n’a rien laissé au hasard : pas moins de 12 stades, certains rénovés, d’autres construits pour l’occasion, des pans de villes entiers rasés, des favelas délocalisées, des Amérindiens maltraités pour un Brésil « nettoyé ».

Depuis le 17 juin dernier, jour de grandes manifestations nationales, de nombreuses insurrections éclatent en réaction aux dépenses et à la politique outrageantes du gouvernement. Populations amazones et urbaines travaillent désormais ensemble à la dénonciation d’un régime devenu militaire et intransigeant.

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