Blue Velvet, cet ovni cinématographique

17 Octobre 2014



Sorti en 1986, Blue Velvet de David Lynch est l'un de ses films les plus personnels, renouant avec le style très surréaliste de ses débuts. Film personnel au caractère violent et sexuel à n'en pas douter, le réalisateur d'Elephant Man et de Mulholland Drive nous tient en haleine grâce à deux idées : le sentiment ressenti quant au titre Blue Velvet mais également cette étrange oreille humaine, fil conducteur d'une oeuvre obscure et hypnotique.


« Si je vois la comédienne souffrir, si je ressens ce qu’elle subit, il faut que ce soit pour une bonne raison par rapport au film lui-même, pas simplement pour le plaisir de la voir souffrir ! ». Enoncée par le critique Roger Ebert à la sortie du film et s’insurgeant alors contre le traitement « cruel » infligé par Lynch à la comédienne Isabella Rossellini, cette phrase explique clairement l'accueil reçu par Blue Velvet lors de sa sortie. 

Un retour dans le passé s'impose alors. 1986 n'est autre que l'époque de Top Gun, Rambo ou encore Crocodile Dundee. Refusé par de nombreux producteurs et autres personnalités hollywoodiennes, ce film divisera les foules. Ondes de révulsion parcourant le public, spectateurs se levant en masse pour quitter la salle pendant les passages les plus éprouvants, Blue Velvet est un ovni cinématographique comme en on fait peu actuellement. Mélangeant le mystère, l'investigation mais surtout le sordide, cette oeuvre nous propose d'explorer les fins fonds de la psychologie « lynchienne », à savoir un lieu troublant et fascinant à la fois. 

Une oeuvre déroutante et violente

Si vous connaissez un minimum l'univers filmographique de David Lynch, vous ne serez alors pas étonné par sa manière d'opérer. Toutes ses nombreuses intentions ainsi que son mode opératoire sont relativement connues. En effet, nous avons du sexe et plus précisément une violence d'ordre sexuelle fait de tuyaux qui giclent, de revolvers braqués se situant au niveau de la taille mais également de trous humides et inquiétants. 

Continuons sur notre lancée. « Mommy » alias Dorothy Vallens, interprétée par Rossellini découvre l'un des personnages principaux, Jeffrey Beaumont, dans sa penderie tel un voyeur. Débute alors une scène ou celle-ci l'agresse sexuellement en le menaçant d'un couteau aux apparences plus que phallique. Ainsi, par des phrases tel que « il a mis sa maladie en moi » ou « j'ai ton mal en moi désormais », Lynch décide de pousser à son paroxysme ce cauchemar oedipien fait de brutalité, de sanglots mais aussi de psychopathes. 

Blue Velvet ou le retour du film noir

C'est ainsi que pour mettre en scène sa pensée plus que détraquée, Lynch décide d'adopter les règles et autres conventions du film noir. Pour cela, il met en scène un héros cherchant à résoudre un mystère. En creusant, celui-ci découvre des choses, se rendant compte qu'il en connaît sûrement trop. Commence alors une machination qui l'entraîne et le dépasse. Jeffrey n'est autre que ce héros, cet homme bien trop imprudent qui met son nez là ou il ne faut pas. Et c'est en remuant un peu trop le couteau dans la plaie qu'il risque de dépasser les limites, et de se faire passer à tabac. 

Mais c'est en suivant ce parcours aux apparences de rite initiatique que Jeffrey devient un homme, une sorte d'Humphrey Bogart survivant aux épreuves. Il devient ainsi un fils et forme alors un couple normal avec Sandy, la fille de l'inspecteur de police habitant dans son quartier et qui lui communiquera en secret des informations sur cette fameuse oreille humaine qui intéresse tellement le jeune homme au point de le pousser à commettre sa première transgression. 

Plus le film avance plus il accumule alors des images de perversion et de violence comme la scène où une prostituée danse sur le toit d'une voiture – au rythme de In Dreams de Roy Orbison – tandis que Jeffrey se fait frapper à de multiples reprises. Comique et macabre à la fois, du David Lynch pour résumer. Terreur étouffante, images mémorables et déroutantes à la fois, clichés et maladresses de série B, Blue Velvet est tout ça à la fois. Passant avec facilité de l'abstraction électronique aux clichés hitchcockiens, le film de David Lynch est une de ces oeuvres où s'entrecroisent trois idées essentielles : une ambiance, un temps et les choses qui appartiennent à ce temps. 


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