Bienvenue Mister Ashby

Festival Lumière 2013, viva le cinema

16 Octobre 2013



Festival officiellement ouvert, il est enfin possible de profiter pleinement des multiples rétrospectives tant attendues depuis les premières annonces officielles. Plongeons-nous aujourd’hui dans l’univers du réalisateur américain Hal Ashby avec Bienvenue Mister Chance, en présence de Daniel Auteuil et Christian Carion.


Photo extraite du film
Photo extraite du film
Mardi matin, deuxième jour du festival lyonnais. La soirée d’ouverture avec son hommage à Jean Paul Belmondo résonne encore dans tous les esprits. L’émotion qu’ont partagé les 5000 spectateurs de la Halle Tony Garnier est toujours palpable et la bonne humeur règne sur les lieux de la manifestation. Les festivaliers se réveillent doucement, tâche non sans mérite pour ceux qui ont conversé jusqu’à l’aube avec Quentin Tarantino sur la péniche partenaire du festival.

La vie Lumière doit toutefois suivre son cours. Entrons dans la danse avec la célébration du cinéma de Hal Ashby. Cette rétrospective vise à réhabiliter ce cinéaste méconnu et mésestimé. Daniel Auteuil est présent pour introduire le film. Il est accompagné de Christian Carion, réalisateur fidèle au festival de Joyeux Noël ou L’Affaire Farewell. Ils parlent tout deux de leur rapport particulier avec les films de Ashby. En évoquant Harold et Maude, Shampoo ou Le Retour, Auteuil parle d’un cinéaste «rock’n roll», digne représentant d’un style et d’une génération des années 70.

Peter Sellers à l’honneur.

Carion et Auteuil ne tardent pas à aborder la question du jeu de Peter Sellers, personnage central du film. Acteur souvent associé aux rôles de catastrophe ambulante des comédies absurdes et très rythmées des années 1960 comme La Party ou La Panthère Rose. Il est célèbre pour ses collaborations avec Kubrick, Lolita fait d’ailleurs partie de la programmation du festival cette année.

Ici, il compose un personnage atypique, touchant et drôle, ne pouvant laisser le spectateur indifférent. Il est Mister Chance, un jardinier naïf et simple d’esprit travaillant depuis toujours dans une vielle propriété dont toute sortie lui est formellement interdite. C’est un personnage vierge de tout contact extérieur, privé d’évolution en société, avec pour seule raison de vivre l’amour qu’il porte à son jardin. Lorsque son vieil employeur trouve la mort, il est forcé de quitter les lieux et se retrouve livré à lui même dans un monde qu’il ne connait qu’à travers sa seconde passion : la télévision, qu’il regardait à longueur de journée.

Un air de conte philosophique

Avec cette introduction qui présente de grandes similitudes avec le Candide de Voltaire, on pourrait aisément deviner l’enjeu du film : chassé de son monde d’ignorance, l’histoire suivra Chance dans un long voyage initiatique à la découverte de l’univers qui l’entoure. Le scénario réalise pourtant un surprenant tour de force comique, les possibilités d’évolution du personnage sont rapidement réduites au néant. Toute tentative de réelle communication étant impossible, il intrigue et passionne.

Au cours du film, il fait la rencontre de multiples personnages qui vont tous réinterpréter ses discours de jardinier, son innocence et sa naïveté comme une marque de génie politique. Il remplit donc un rôle de personnage miroir, dans lequel chaque personnage voit ce qu’il souhaite et trouve une légitimité de ses choix.

Les quiproquos sont donc nombreux dans ce film truffé de cet humour très jouissif. Il porte de plus un vrai regard sur la télévision et son influence sur les esprits faibles, sans toutefois juger ce média sans tendre vers un discours manichéen. Bien sûr, le cinéma reste supérieur, comme nous le prouve les plans lents en hommage à Kubrick lorsqu’il sort de chez lui pour la première fois : il sort de la télévision pour entrer dans celui du plein de vie du cinéma. En mêlant une critique féroce de la société américaine avec un registre comique léger et fin, nous entrons d’entrée de jeu dans les thèmes chers au cinéma de Hal Ashby.


Le film sera à nouveau projeté samedi à 21h45 au Comoedia et Dimanche à 17h au Pathé Bellecour, il n’y a donc aucune raison de s’en priver.

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