18 février 2014. Barbara Rosenkranz, candidate du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs – Parti libertaire autrichien, principal parti populiste d’Autriche, profondément eurosceptique) aux élections présidentielles autrichiennes de 2010, qui s’est fait remarquer il y a peu pour ses propos négationnistes, présente son nouveau livre au titre éloquent « Wie das Projekt EU Europa zerstört » (« Comment le projet de l’Union Européenne détruit l’Europe »). Cette conférence est suivie d’une discussion politique, qui permet aux membres du FPÖ de prendre la parole et de donner un aperçu de leur programme pour les élections européennes du 25 mai 2014. C’est dans ce cadre que le chef de file du FPÖ, Andreas Mölzer (élu eurodéputé en 2009), prend la parole pour exprimer ses critiques vis-à-vis de l’Union Européenne et de sa politique. Et il ne mâche pas ses mots. Selon A. Mölzer, l’Union Européenne serait ainsi une « dictature » ; en comparaison, ajoute-t- il, le Troisième Reich serait « plus souple et plus libéral ». Il dénonce de même la « folie normative » (« Regulierungswahn ») des institutions communautaires, avant de comparer la Commission Européenne à un « conglomérat de nègres » (« Negerkonglomerat ») aux ordres d’une « bande de lobbyistes » (« Bande von Lobbyisten »).
Mölzer sous le feu des critiques
C’est le Süddeutsche Zeitung, un journal allemand, qui dévoile les propos d’Andreas Mölzer. Les réactions ne se font pas attendre. Oskar Deutsch, président de la Communauté du culte israélite en Autriche (Israelitische Kultusgemeinde) appelle à la démission d’Andreas Mölzer et à son retrait de la liste du FPÖ pour les élections européennes. O. Deutsch souligne le caractère délibéré des déclarations de l’eurodéputé populiste ; ces propos seraient ainsi une stratégie visant tout particulièrement, par l’allusion au Troisième Reich, la communauté israélite en Autriche. Cette stratégie serait également destinée à satisfaire une clientèle politique au racisme et à l’antisémitisme grandissant. Oskar Deutsch écarte ainsi définitivement l’hypothèse d’un « faux pas » rhétorique ; en effet, Andreas Mölzer ne serait pas un homme enclin au faux pas (« kein Ausrutscher ») selon le représentant de la Communauté israélite. « De telles personnes ne devraient pas pouvoir représenter l’Autriche auprès de l’Union Européenne », insiste Oskar Deutsch. La présidente du Parti des Verts (die Grünen), L’association SOS Mitmensch (l’équivalent de SOS Racisme en Autriche) appelle également à la démission de Mölzer. Les adversaires politiques autrichiens du FPÖ s’engouffrent dans la brèche : Eva Glawischnig, enjoint dans la foulée Heinz-Christian (« HC ») Stache, président du FPÖ, à retirer Andras Mölzer de la liste du FPÖ pour les élections européennes. Othmar Karast, tête de liste du ÖVP (Österreichische Volkspartei – Parti populaire autrichien) s’indigne que l’on puisse comparer l’UE à une dictature et soutenir dans le même temps l’agression russe en Crimée. O. Karast déclare ainsi qu’une entente avec le FPÖ est impossible tant que ce parti défendra de telles positions politiques. Evelyn Regner, eurodéputé du SPÖ (Sozialistische Partei Österreichs – Parti socialiste autrichien), parle quant à elle de " scandale " et de « propos inexcusables ».
Andreas Mölzer tente de se justifier
L’eurodéputé du FPÖ s’empresse de crier à la diffamation et à la manœuvre politique, visant à le décrédibiliser quelques semaines avant la tenue des élections. Il affirme avoir parlé de « conglomérat nécrophile » (« nekrophiles Konglomerat »), espérant ainsi échapper à toute accusation de racisme. Mais lorsqu’on lui présente un extrait audio de ses déclarations, il ne peut que plaider le dérapage verbal. Il reconnaît lundi 24 mars 2014 au soir, dans un communiqué, ne pas se souvenir de ce passage de son discours, mais regretter un choix de mots malheureux et involontaire (« Die Wortwahl war verfehlt und auch nicht so beabsichtigt »). Il justifie également sa comparaison entre l’UE et le Troisième Reich par une simple volonté illustrative : il s’agissait, par cette formule satirique, de frapper l’auditoire, et de souligner le caractère liberticide de la régulation européenne. Mölzer ajoute qu’il faut à tout prix éviter que l’Union Européenne n’entrave encore plus la liberté des citoyens européens.
« HC » Strache soutient A. Mölzer.
Andreas Mölzer annonce dès lundi 24 mars, lors d’une conférence de presse, qu’il ne compte pas démissionner. L’eurodéputé peut compter sur le soutien de la présidence du parti : Heinz-Christian Strache déclare ainsi ne « pas voir pourquoi » Andreas Mölzer devrait se retirer des élections. Le jeune président du FPÖ, qui rappelle les rapides excuses de Mölzer, considère que l’« affaire est close ». Andreas Mölzer restera ainsi la tête de liste du FPÖ, actuellement virtuel premier parti d’Autriche, en tête des sondages électoraux prévisionnels avec 24 % des suffrages.
La dernière étude du Baromètre Européen indique que les Autrichiens sont majoritairement eurosceptiques. L’Autriche se trouve ainsi dans le dernier tiers du classement des Nations pro-européennes. Environ un quart des Autrichiens a une image positive de l’UE et de ses institutions ; la moyenne européenne est de 31 %. On peut toutefois noter une nette différence entre les classes d’âge en Autriche : tandis que 37 % des 15-24 ans se déclarent favorables au projet initié par l’UE, les plus de 55 ans ne sont plus que 17 %. Les critiques formulées à l’encontre de l’UE se polarisent autour de deux thèmes principaux : la trop forte bureaucratisation de l’Union Européenne et l’illisibilité du droit européen. Un certain « déficit démocratique » est également pointé du doigt : seuls 37 % des citoyens autrichiens estiment que leur voix peut faire évoluer les institutions. Les Autrichiens se refusent cependant en grande majorité à une sortie de l’Union Européenne : ainsi, seuls 20 % des citoyens estiment qu’une sortie de l’UE s’impose. De même, le rôle international de l’UE est relativement bien évalué : 61 % des sondés croient au poids politique européen sur la scène internationale. Les Autrichiens rejetteraient ainsi les institutions européennes tout en refusant une sortie de l’UE et en reconnaissant son utilité politique.
Comment expliquer ce paradoxe apparent ? Il s’agit ici d’insister sur le caractère polysémique de l’« euroscepticisme ». La majorité des Autrichiens ne semble pas s’opposer au projet européen en tant que tel, mais uniquement à l’Europe institutionnelle telle qu’elle se construit aujourd’hui.
La déclaration d’Andreas Mölzer a provoqué un concert de protestations ; forcé de s’excuser publiquement pour ses propos, l’eurodéputé du FPÖ ne compte cependant pas démissionner et mènera bien la liste libertaire aux prochaines élections européennes. Ce scandale politique intervient dans un contexte de scepticisme profond vis-à-vis des institutions de l’UE, alors que le public autrichien semble chercher une alternative à l’évolution politique communautaire actuelle. C’est cette alternative que se targue de représenter le FPÖ, qui pointe aujourd’hui en tête des sondages électoraux. Mais ce scandale est aussi l’occasion de pointer du doigt un climat de racisme latent en Autriche, soutenu par le parti de H.-C. Strache. On est d’ailleurs en droit de se demander pourquoi, alors que la conférence du 18 février 2014 se déroulait en présence de journalistes autrichiens, c’est un média allemand qui a finalement dévoilé l’affaire…
La dernière étude du Baromètre Européen indique que les Autrichiens sont majoritairement eurosceptiques. L’Autriche se trouve ainsi dans le dernier tiers du classement des Nations pro-européennes. Environ un quart des Autrichiens a une image positive de l’UE et de ses institutions ; la moyenne européenne est de 31 %. On peut toutefois noter une nette différence entre les classes d’âge en Autriche : tandis que 37 % des 15-24 ans se déclarent favorables au projet initié par l’UE, les plus de 55 ans ne sont plus que 17 %. Les critiques formulées à l’encontre de l’UE se polarisent autour de deux thèmes principaux : la trop forte bureaucratisation de l’Union Européenne et l’illisibilité du droit européen. Un certain « déficit démocratique » est également pointé du doigt : seuls 37 % des citoyens autrichiens estiment que leur voix peut faire évoluer les institutions. Les Autrichiens se refusent cependant en grande majorité à une sortie de l’Union Européenne : ainsi, seuls 20 % des citoyens estiment qu’une sortie de l’UE s’impose. De même, le rôle international de l’UE est relativement bien évalué : 61 % des sondés croient au poids politique européen sur la scène internationale. Les Autrichiens rejetteraient ainsi les institutions européennes tout en refusant une sortie de l’UE et en reconnaissant son utilité politique.
Comment expliquer ce paradoxe apparent ? Il s’agit ici d’insister sur le caractère polysémique de l’« euroscepticisme ». La majorité des Autrichiens ne semble pas s’opposer au projet européen en tant que tel, mais uniquement à l’Europe institutionnelle telle qu’elle se construit aujourd’hui.
La déclaration d’Andreas Mölzer a provoqué un concert de protestations ; forcé de s’excuser publiquement pour ses propos, l’eurodéputé du FPÖ ne compte cependant pas démissionner et mènera bien la liste libertaire aux prochaines élections européennes. Ce scandale politique intervient dans un contexte de scepticisme profond vis-à-vis des institutions de l’UE, alors que le public autrichien semble chercher une alternative à l’évolution politique communautaire actuelle. C’est cette alternative que se targue de représenter le FPÖ, qui pointe aujourd’hui en tête des sondages électoraux. Mais ce scandale est aussi l’occasion de pointer du doigt un climat de racisme latent en Autriche, soutenu par le parti de H.-C. Strache. On est d’ailleurs en droit de se demander pourquoi, alors que la conférence du 18 février 2014 se déroulait en présence de journalistes autrichiens, c’est un média allemand qui a finalement dévoilé l’affaire…