Au Pakistan, les exécutions vont reprendre

Laurie Marcellesi
11 Juillet 2013



La peine de mort sera de nouveau appliquée au Pakistan. Jeudi 4 juillet, le ministère de l'Intérieur a annoncé la suspension du moratoire qui était en vigueur depuis cinq ans.


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Une décision politique

Au pouvoir depuis 2008 et jusqu'aux élections de mai 2013, c'est le gouvernement mené par le Parti du peuple pakistanais (PPP) qui a imposé, il y a cinq ans, un moratoire sur la peine capitale. Depuis, à une exception près, aucun condamné n'a été exécuté au Pakistan. Le seul cas de mise à mort est celui de Mohammed Hussain, un soldat reconnu coupable du meurtre d'un supérieur et jugé en Cour martiale. Il a été pendu en novembre 2012.
Renversé aux élections, le PPP a cédé sa place à la Ligue Musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif, nommé par la suite Premier Ministre. Bien que marquée par des violences politiques, cette transition démocratique a signé pour la première fois dans l'histoire du Pakistan le remplacement d'un gouvernement civil élu par un autre, au terme d'un mandat complet.

Au Pakistan, le chef de l'État doit approuver toutes les condamnations à mort. Le mandat d'Asif Ali Zardari (PPP), l'actuel président, se terminera en août prochain et il est fort probable que son successeur sera choisi parmi les membres de la PML-N, qui a remporté la majorité des sièges parlementaires aux élections. Or, face à la montée de la criminalité, le nouveau gouvernement se veut autoritaire et déterminé. C'est dans cette optique qu'il a annoncé que le moratoire observé jusqu'alors et qui a pris fin le 30 juin dernier ne sera pas renouvelé.

« Le nouveau gouvernement a décidé de traiter les cas d’exécutions au cas par cas. Il n’y aura pas d’amnistie générale pour les condamnés à mort », a annoncé le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Umer Hameed. Il a précisé que les seuls graciés le seront pour des raisons humanitaires, mais que la « catégorie spéciale » des femmes et des personnes âgées suscitera une certaine compassion.

Aucune violation du droit international

Le Pakistan est juridiquement libre de suspendre le moratoire. Outre les principes de non-ingérence et de souveraineté étatique, en droit international, aucune règle n'interdit la peine de mort.

Le Pacte des Nations Unies du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques a été ratifié par le Pakistan en 2010, mais celui-ci n'impose pas l'abolition. S'il affirme en son article 6 que « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine » et que « nul ne peut être arbitrairement privé de la vie », il considère aussi les pays pratiquant la peine capitale. Aussi, l'article 6 paragraphe 2 dispose que « dans les pays où la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves [...]. ».
Cette notion de « crime les plus graves » est toute relative. À titre d'exemple, la loi contre le blasphème dispose notamment que chaque « remarque dérogatoire » vis-à-vis du Prophète Mahomet sera, en plus d'être passible d'une amende, « punie de la mort, ou de l'emprisonnement à vie ». Promulguée en 1986, sous la dictature du général Zia ul-Haq, cette loi s'insérait dans le cadre de mesures visant à islamiser la société. Il faut noter toutefois qu'aucune condamnation au titre du blasphème n'a jusqu'à présent donné lieu à une exécution.

Concernant les enfants, en droit interne, une ordonnance du 1er juillet 2000 avait interdit – de façon non rétroactive - la peine de mort pour les mineurs. La Haute Cour de Lahore l'avait abrogée le 2 décembre 2004. Toutefois, le Pakistan a ratifié en 1990 la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. Celle-ci dispose en son article 37 que la peine capitale ne peut pas être prononcée pour des personnes de moins de 18 ans.

Une mesure « rétrograde et choquante »

Bien que conforme au droit international, ce retour de la peine de mort s'inscrit à contre-courant du mouvement mondial. En effet, il y a 35 ans, les États abolitionnistes n'étaient que 16. Aujourd’hui, en droit ou en pratique, ils sont 140.

Amnesty International, ONG particulièrement engagée sur le thème de la peine capitale, a immédiatement réagi face à cette décision.
« Tout feu vert gouvernemental à la reprise des exécutions au Pakistan serait une mesure choquante et rétrograde qui menacerait la vie de milliers de personnes », a déclaré Polly Truscott, directrice d’Amnesty pour l’Asie et le Pacifique.

Si les chiffres officiels font état de 450 condamnés, selon l'organisation, plus de 8 000 prisonniers se trouvent actuellement dans le couloir de la mort au Pakistan. Ils ont, pour la plupart, épuisé toutes les voies de recours et risquent donc d'être mis à mort.

Reprendre les exécutions serait, en fait, un moyen de vider les prisons surpeuplées pour le nouveau gouvernement. En outre, Islamabad a jugé que rétablir la peine capitale est une étape clé dans la diminution de la violence dans des villes telles que Karachi ou dans les zones frontalières avec l'Afghanistan, souvent victimes d'attaques talibanes.
Pourtant, suspendre le moratoire n'est pas la solution face aux problèmes que connaît le pays en matière d'ordre public. En effet, l'exemplarité de la sanction de mort n'a jamais été démontrée. L'étude la plus aboutie sur le sujet a été menée par les Nations Unies en 1988 puis a été complétée en 2008. Selon ses conclusions, aucun élément ne prouve que la peine capitale soit plus dissuasive que la réclusion à perpétuité.

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