Allemagne : des étudiants présentent l’UE dans les écoles

18 Septembre 2013



Du 4 au 29 septembre 2013, vingt étudiants issus de plusieurs pays ont participé au projet Europe-Mobile, visant à présenter l‘Union européenne et son projet à des élèves de la région du Brandebourg. Récit et témoignages.


Crédits photo -- Lydia Tsakanika/Le Journal International
Crédits photo -- Lydia Tsakanika/Le Journal International
Né en 2009, le projet Europe-Mobile réunit tous les ans une vingtaine d’étudiants issus de plusieurs pays afin qu’ils passent un mois à animer des journées consacrées à l’Union européenne dans des collèges et des lycées. L’édition 2013 s’est déroulée dans le Land de Brandebourg, autour de Berlin. Les participants ont eu la chance d’être logés dans un cadre magnifique : le château de Genshagen, tout près de la capitale fédérale allemande. Ils ont bénéficié d’un très grand confort, profité d’un parc sublime et idéal pour les activités sportives et la lecture, et ont été encadrés par une équipe très compétente, disponible et amicale. Leurs soirées ont été occupées très souvent par des cours spontanés de danse de groupe de Pologne, Lituanie, Roumanie ou Grèce, avec force, cris et applaudissements pour marquer le rythme des mélodies traditionnelles. Dans les yeux d’une participante, « maintenant, nous ne sommes plus des étrangers, parce que la barrière entre nos deux pays, ce n’est pas la frontière, mais notre corps ».

Apprendre autrement

Château de Genshagen | Crédits photo -- Lydia Tsakanika/Le Journal International
Château de Genshagen | Crédits photo -- Lydia Tsakanika/Le Journal International
Il ne s’est pas agi pour eux de vacances luxueuses. Les premiers jours ont été consacrés à des ateliers de groupe. Ils ont ainsi rapidement développé un esprit de communauté, appris, s’ils n’en avaient déjà l’habitude, à communiquer dans plusieurs langues à la fois et à concilier des modes de vie différents, concernant par exemple les horaires, les repas, le sens de l’humour ou les goûts musicaux.

Des intervenants extérieurs reconnus pour leur expertise et leur clarté leur ont proposé des tours de table sur la politique européenne : je dois personnellement avouer avoir été bluffé par le niveau des discussions, étant quelque peu rompu aux éternels faux débats creux et consensuels sur l’Europe. Bien après la fermeture formelle de ces réunions, de nombreux participants continuaient à argumenter, avec toujours énormément de recul et de tact, sur des sujets comme la place des États ayant intégré l’Union européenne depuis 2004 ou la responsabilité quant à la crise de l’euro.

« En réalité, la culpabilité revient à l’habitude, qui ‘‘devient comme une seconde nature’’. Dans un hôpital ou une centrale nucléaire, des techniciens vérifient toutes les installations régulièrement pour éviter que de petits dysfonctionnements ne s’accumulent et ne dégénèrent. Le système international s’est installé dans une sorte de confort et de mauvais comportement se sont installés, sur lesquels il est difficile de revenir en quelques mois. », déclare un participant français. Réponse d’un Roumain : « En effet, et il faut également signaler une certaine forme d’individualisme. Bien sûr, ce dernier permet une certaine émulation et donc le progrès, mais l’on ne peut pas, en tant qu’individu comme en tant que gouvernement, ne penser qu’à ses propres intérêts. Par exemple, il n’était pas souhaitable pour les banques d’accorder des crédits, dans le but de faire des profits, à des particuliers ou des États clairement incapables de rembourser, mais il est dans ce cas tout aussi irresponsable pour ceux-ci d’en faire la demande. »

Un autre thème ayant provoqué une intense réflexion a été la transparence des institutions. Une Estonienne ayant suivi les cours du Collège d’Europe à Bruges affirme que « premièrement, les institutions de l’Union européenne ne sont pas beaucoup plus compliquées que celles de certains pays comme notamment la France. Ensuite, on critique e manque de clarté du processus de décision et les ratages de la communication mais il faut être conscient qu’absolument aucun parlement ne donne à ses électeurs un accès aussi direct à ses travaux, que ce soit par la rediffusion directe et multilingue de ses séances ou par la publication de très nombreux rapports. » La faute, selon un Allemand, reviendrait plutôt aux gouvernements nationaux, qui « sont fiers de crier victoire si l’Union européenne va dans leur sens mais dénoncent sa légitimité dans l’hypothèse contraire. » De nombreuses questions ont émergé lors de jeux tels qu’êtres liés par une cordelette (« l’UE ne sert pas à être prisonniers mais à faire de choses ensemble » évoque un Néerlandais en stage à la commission).

Parler aux élèves

Les étudiants ont travaillé en collaboration avec des professionnels qui leur ont appris à enseigner, à gérer un groupe d’adolescents, à maintenir leur attention, à trouver le juste équilibre entre exposé et jeu, à adopter un ton et une gestuelle naturelle et efficace, et à être à la fois adulte respecté par la classe et jeune figure à laquelle on peut s’identifier. Ils ont notamment découvert certains ateliers de théâtre adaptés pour la pédagogie ainsi que des activités multilingues. Par ailleurs, ils ont préparé des outils interactifs comme une vidéo où un jeu de l’oie dans lequel les pions sont des groupes d’élèves jouant le rôle de commissaires ou de parlementaires – « ainsi, si à la fin du jeu, une décision est prise par rapport au sujet donné, tout le monde a gagné ; mais si la coopération ne fonctionne pas, les élèves apprennent tout de même que travailler ensemble au niveau européen n’est pas évident, parce que chacun défend ses intérêts ».

Divisés en quatre groupes – institutions, démocratie et crise, diversité culturelle et migration – internationaux, ils ont eu le temps d’approfondir leurs discussions et de s’entraîner à combiner exposés et jeux devant des jeunes du Brandebourg, une région à la richesse inférieure à la moyenne allemande. Il a été important pour eux de prendre en compte le passé communiste de la région, la présence de certains groupes proches des néo-nazis, le taux de chômage et le niveau scolaire pour adapter leurs prestations en fonction du public et fournir à chacun un moment sympathique et un enrichissement intellectuel. Le niveau d’anglais ou de français était aussi bien sûr une variable importante.

Au total, le groupe a visité onze écoles : des Gymnasien (collège et lycée général) et des Oberschulen (pour des élèves ayant davantage de difficultés). Dans chacune d’entre elles, ils ont commencé par présenter une cérémonie d’ouverture dynamique et festive avec des animations, des jeux, du théâtre, un chant et une vidéo, avant de se séparer pour prendre en charge des classes d’une trentaine d’adolescents pour une heure et demie. Ils ont eu la confirmation qu’il n’est pas aisé pour celui qui se trouve dans le rôle du professeur d’intéresser son public, de la maintenir concentré et discipliné tout en insufflant une bonne ambiance – le but n’étant pas de faire cours. Dans l’ensemble, les écoliers avaient un niveau de connaissances relativement faibles mais étaient volontaires pour apprendre, même si de nombreuses réticences concernant la participation orale (« je ne sais pas lire en anglais », « c’est un jeu pour enfants ») alourdissaient à l’occasion quelque peu l’atmosphère. Quant à l’entente avec les professeurs, elle a globalement été très cordiale, ceux-ci étant ravis de laisser la responsabilité de leurs classes à de jeunes étudiants. Le projet se déroulera l’an prochain en Île-de-France.

(N.B. : toutes les citations ont été traduites en français par l’auteur.)
 

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Benoît Rinnert
Ancien rédacteur-en-chef du magazine trilingue "Le Parvenu" (http://www.leparvenu.net), je suis... En savoir plus sur cet auteur