Air Algérie sous le feu des critiques

28 Novembre 2012



Les vols en direction de l’Algérie font partie des plus chers du monde. Pourquoi ce pays affiche-t-il des tarifs si élevés ?


Air Algérie sous le feu des critiques
Lorsque l’on souhaite aller en Algérie, les choix sont limités. Il n’y a aucune compagnie low cost, et seulement deux compagnies offrent des tarifs compétitifs : Air Algérie (compagnie algérienne) et Aigle Azur (compagnie française). D’autres sociétés aériennes desservent les aéroports d’Alger, mais des escales sont comprises dans l'achat du billet d'avion.

Petit exemple avec des allers-retours au départ de Lyon pour le weekend du 23 au 25 novembre pris le lundi 19 novembre. Il faut payer 350 euros pour aller à Saint Petersbourg, pour une distance de 3.000 km, 411 euros pour faire 7.000 km et se rendre à New York, 212 euros pour Marrakech qui est à 2.000 km. Enfin, 390 euros pour Bejaia (à 180km à l'est d'Alger) à 1.000 km, avec parfois des escales de 20 heures.

Le prix pourrait faire croire à une qualité des services, mais elle n’est pas au rendez-vous : « sourire inexistant » chez les hôtesses, « retards » répétés, « propreté à désirer »  comme en témoignent de nombreux voyageurs. Cette situation alarmante a poussé l’association du Mouvement citoyen algérien en France (MCAF) à manifester le 13 septembre devant le siège d'Air Algérie à Paris pour ensuite signer une pétition. Le MCAF a également porté plainte devant la Cour Européenne, au service de la concurrence, contre « une entente tacite sur les prix des billets entre (…) Air Algérie et Aigle Azur ». Ce dernier fait est continuellement nié par M. Boultif, PDG de Air Algérie.

Air Algérie est une société nationalisée par l’Etat algérien depuis 1972. Elle affiche un chiffre d’affaires de 56 milliards de dinars (soit un peu plus de 549 millions d'euros) en 2011. Cette société possède également un nouveau plan d’investissement de 60 milliards de dinars (589 millions d'euros) consacré à l’acquisition de huit nouveaux appareils, afin d’améliorer les services de la compagnie pour adhérer à l'une des plus grandes alliances aériennes du monde (Sky Team, One World et Star Alliance). 

Ces chiffres cachent en réalité un triste bilan. En 2010, Air Algérie a été menacée d’être mise sur liste noire par l’Union Européenne. Des « manquements à la sécurité des transports de marchandises, de navigabilité et de licences du personnel » ont été constatés par les inspecteurs de l’Union. Il faut savoir que cette liste noire comporte des compagnies nationales venant par exemple d'Afghanistan ou de l’Angola, ne respectant pas les normes internationales. Des experts européens sont chargés de faire chaque mois un état des lieux des bâtiments de la compagnie et ont récemment jeté aux oubliettes toute idée de menace, pour laisser Air Algérie voler en paix.

Peur de la concurrence

Côté économique, une des raisons pour lesquelles l’Algérie affiche des tarifs aussi élevés est l’absence de tourisme dans ce pays. Ce secteur est secondaire et se concentre surtout  sur l'accueil des hommes d’affaires. Cela ne devrait pas empêcher des tarifs alléchants de surgir car une forte diaspora algérienne fréquente ces compagnies (près de 2 millions de passagers pour le premier semestre 2012). Ces tarifs seraient-ils la conséquence de "sur-effectifs" au sein de la compagnie ? En partie. Royal Air Maroc affiche des tarifs deux fois plus bas pour la même distance. La compagnie comprend 4.600 employés pour 44 avions quand Air Algérie emploie 9.078 personnes pour 42 avions.

De nouvelles compagnies pourront-elles desservir l'Algérie ? Les prix pourront-ils baisser ? M. Bouras, député FLN-France (député élu par la diaspora algérienne en France) a récemment émit cette proposition en demandant des vols inférieurs à 250 euros. Pour expliquer ce blocus aérien à « l’open sky » (libre accès à toutes les lignes aériennes), M. Boultif, le PDG d'Air Algérie, affirme que des compagnies comme Turkish Airlines, ayant des stratégies trop « agressives », deviendraient majoritaires sur le marché. Cette concurrence porterait dommage à Air Algérie, qui doit rester la première sur le marché. Quant au ministre du transport, M. Tou, il déclare que cela ne serait pas rentable. Elle empêcherait d'importantes rentrées de devises et serait préjudiciable pour l’économie algérienne.

Enfin, d'un point de vue politique et juridique, M. Boultif certifie que l’Etat ne gère plus les tarifs depuis plus de « 20 ans ». Inexact, dans les faits. Air Algérie est une société publique. Elle est contrôlée par les ministres concernés qui déterminent eux-mêmes les prix et les plans d’investissement. De plus, le 16 février 2006, l’Algérie a signé avec la France un accord bilatéral élaborant des conditions commerciales pour les vols entre la France et l’Algérie. Il faut donc l’approbation de l’Etat algérien pour une libéralisation des lignes aériennes et une baisse des tarifs. Les négociations sont en cours.

Le 7 décembre, le coordinateur du MCAF est invité à comparaître devant les tribunaux suite à une plainte portée par Aigle Azur et Air Algérie pour diffamation. Affaire à suivre…

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Sofia AZZEDINE
étudiante en Science Politique un petit peu partout, sur les bancs et dans la vie. Aimant la... En savoir plus sur cet auteur



1.Posté par Nowakowska Sylwia le 29/11/2012 23:24
Merci pour cet article ! Un souci économique concret qui tient à coeur à la diaspora algérienne en France! Je préfère lire ca que l'histoire de pains au chocolat...

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