Accion Poetica : le combat d'un écrivain mexicain

16 Novembre 2013



Un constat, « le déclin de la littérature et de la poésie ». Une statistique, en 1996, les Mexicains ne lisaient plus qu'un livre par an en moyenne. Un homme, Armando Alanis Pulido. Un but, « fondre la poésie dans le paysage urbain de manière à ce qu'elle interpelle les passants et provoque la réflexion ». Découverte.


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« El cielo a tus pies » (Le ciel à tes pieds), « No esperes que te olvide, no olvides que te espero » (Ne t'attends pas à ce que je t'oublie, n'oublie pas que je t'attends), « Amor, amor, encontrame ! » (Amour, amour, rencontre moi !)... si vous avez eu l'occasion ces dernières années d'aller en Argentine, au Mexique ou encore en Equateur, vous avez peut être remarquez ces inscriptions inscrites sur certains murs des villes. Curieux de leurs significations ? Comprenez avant tout la question qui se cache derrière cette action, mise en place il y a précisément 17 ans à Monterrey, au Nord-est du Mexique : Comment pouvons-nous réhabiliter l'écrit et la poésie locale ?

L'écrivain Armando Alanis Pulido s'est rendu compte que son pays ne lisait presque plus, alors il a lancé le mouvement Accion Poetica en espérant briser le principal obstacle entre le peuple et la poésie, à savoir l'idée préconçue que cette dernière est opaque, difficile à lire et à comprendre. Le moyen est assez simple comme l'explique Mario Murgia Elizalde, professeur à l'université nationale autonome de Mexico (UNAM), « nous recherchons à peindre des phrases courtes, si possible pas plus de dix mots, qui puissent parler à tous en transmettant des messages positifs. Pas de politique. Pas de religion ».

La magie du bouche à oreille

Il y a 17 ans, les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter n'existait pas. Il a donc utilisé le plus vieux moyen de communication au monde pour pouvoir faire parler de soi, de son engagement et de son art : le bouche à oreille.

Cette aventure a tout d'abord débuté au Mexique pour ensuite se répandre petit à petit dans plus de vingt villes. Argentique, Pérou, Equateur, Chili, Espagne, Italie et même en Angola ! 2002 fut par la suite une date primordiale, celle qui changea la donne et pourquoi pas enfin le rapport de force. Comme le constate Antonella Moyano, pilier du mouvement au Pérou : « A partir de 2002, les réseaux sociaux ont pris le relais, transformant ce projet local en un mouvement international ». C’est dès lors l'essor d'une poésie silencieuse colonisant les murs du monde, un projet magnifique.

L'émergence d'une nouvelle génération de poètes ?

Le but du mouvement est avant tout de nous montrer que la poésie n'est pas morte et qu'elle évolue au fil du temps, des territoires et des générations qui veulent bien y apporter leur contribution, ne serait-ce qu'une pierre.

Ces nouveaux poètes cherchent ainsi des moyens originaux pour défendre leur art et ceci de manière indépendante le plus possible. « Nous sommes tolérés par les pouvoirs publics. Nous ne leur demandons rien : ni subventions, ni reconnaissance. La plupart des murs peints le sont avec l'autorisation de leurs propriétaires et notre propre argent » énonce ainsi un des membres d'Accion Poetica de Quito en Equateur.

En évoluant petit à petit, le mouvement a commencé à s'identifier comme opposant aux nombreux actes de vandalisme, raison pour laquelle les fresques sont crées en plein jour. Inutile de se cacher lorsque notre poésie a comme thème premier l'amour. Au fur et à mesure, le registre amoureux s'est ouvert à d'autres concepts en s'inspirant du lieu où se trouve chaque peinture. Dans ce sens, les participants (qui ne signent jamais de leur nom mais seulement celui de leur mouvement) écrivent leurs rêves (« Quiero ser libre, pero a tu lado » : j'aimerais être libre mais à tes côtés), manient l'humour et l'ironie (« Tambien los suenos viajan en camion » : les rêves aussi voyagent en camion) tout en distillant par-ci par-là quelques conseils pour la vie de tous les jours (« Sonrie, es gratis » : souris, c'est gratuit).

Rappelons aussi que chaque mur a son histoire, les messages étant donc pour la plupart personnels, liés à un certain passé, à une histoire familiale. Ils peignent l'histoire d'une ville, d'une génération pour que son avenir soit surement moins effrayant. Notre quotidien étant entouré chaque jour d'actes illogiques et absurdes, l'homme pour avancer doit trouver un moyen, une solution de les transformer en un jeu afin de les déformer et les reformer à l'infini dans une sorte d'action consciente. Une fresque chilienne pourrait résumer à merveille la pensée d'Accion Poetica : « Naciste para ser real, no perfecta », autrement dit, tu es né pour être vraie, pas pour être parfaite.
Acción Poética au Chili | Crédits Photo -- DR
Acción Poética au Chili | Crédits Photo -- DR

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