Abeilles, l'hiver vient

26 Avril 2013



Le film « Des abeilles et des hommes » dénonce la disparition des abeilles. Selon le synopsis, 50 % à 90 % des abeilles sont mortes ces quinze dernières années. Qu’en est-il réellement ? Quelle est l’origine de ce mal menaçant une espèce indispensable à l’écosystème et à notre économie ?


Étienne Lapierre | Crédits photo — Samuel Trudelle-Gendron
Étienne Lapierre | Crédits photo — Samuel Trudelle-Gendron
Alors qu’aux États-Unis ou en Chine, l’apiculture est industrialisée et moderne, dans nombre de pays, l’activité demeure artisanale. C’est précisément l’industrie qui entoure les abeilles qui leur nuit.

Ironiquement, elles n’ont fait leur apparition sur le continent américain qu’au moment de la colonisation. Désormais, les États-Unis exportent leurs abeilles à prix d’or, notamment en Europe.
Cependant, ce commerce lucratif pourrait toucher à sa fin. L’agriculture américaine, basée sur la production en très grande quantité d’une variété spécifique de végétaux provoque une monotonie dans l’alimentation des abeilles, lesquelles perdent en productivité.
Un agriculteur autrichien précise acheter près de 4 000 ruches par an pour une plus value sur sa production d’amande d’environ 600 000 euros. Sans l’implantation de nouvelles ruches, chaque printemps, les vergers ne produiraient que 20 % de fruits.
Afin de répondre à une demande grandissante, les Européens produisent des abeilles à la chaine et les exportent ensuite dans le monde.
Il est plus lucratif d’élever des abeilles pour les vendre que pour le miel.
Les pesticides associés aux diverses maladies qui se sont développées au fil du temps ont nui à la santé des abeilles, rendant nécessaire l’enrichissement de leur nourriture avec des antibiotiques.
Ces antibiotiques se retrouvent parfois dans le miel produit, et le temps passant, il est probable qu’une espèce modifiée d’abeilles apparaisse.

Pour éviter de tomber dans l’hypermédication des abeilles, le film propose de traiter les plantations la nuit, quand les abeilles sont au repos. Cependant, pour le producteur, cela rime avec augmentation du coût du travail, tuant dans l’œuf l’idée.
Les ruches en bois, dans lesquelles on loge les abeilles, contrairement aux ruches naturelles, attirent de nouveaux prédateurs : le varroa et diverses loques. Celles-ci se nourrissent des abeilles, de leurs larves et nuisent à la bonne formation des ailes. Une seule solution : brûler la ruche en espérant éviter la contamination des ruches voisines.

Le commerce des ruches comporte aussi de nombreux risques et quand la ruche arrive à destination, ses occupantes, dépaysées, ne peuvent être productives immédiatement.
En Chine, Mao Tsé-Toung avait fait éliminer les moineaux, devenus trop envahissants. Par là même, il a rompu l’équilibre de la chaine alimentaire : les moineaux se nourrissaient de vermines, lesquelles ont proliféré et nuit aux abeilles.
Pour y remédier, chaque année, les Chinois pollinisent les vergers et autres végétaux manuellement. Dans l’absolu, il faudrait réintroduire les moineaux ou un autre prédateur de la vermine.
Par ailleurs, l’arrivée du frelon asiatique, sur le continent américain et européen, a entrainé la disparition de nombreuses abeilles. Ces derniers sont friands des abeilles, qu’ils capturent en plein vol.

Selon Alvéole, cette disparition est à modérer. « Les abeilles sauvages étaient présentes avant l’apparition de l’homme et elles le seront aussi après la disparition de l’homme. L’abeille est l’un des insectes les plus résistants, elle s’adapte facilement à son environnement. » Il faudrait, en fait, s’inquiéter davantage pour l’apiculture moderne, lequel « n’a pas d’avenir durable ».

La gestion des ruches a évolué ces cinquante dernières années, les abeilles sont de moins en moins dociles à la domestication de l’homme. Un juste retour de flamme, en somme pour celui qui est à l’origine des faiblesses de l’espèce « Une grande partie des apiculteurs vident complètement les ruches de leur miel et négligent la santé des abeilles. » Parallèlement, tout n’est pas à imputer à la technologie : « Beaucoup d’efforts ont été mis en place pour éradiquer certains parasites afin d’augmenter la productivité des ruches. » Le juste milieu n’est pas évident à trouver : peut-on justifier l’usage de pesticide sous prétexte de la sauvegarde de l’espèce ?

L’entreprise met aussi en avant l’arrivée d’abeilles africaines au Canada et l’impute au réchauffement climatique. Selon Alvéole, là est le véritable enjeu de l’avenir des abeilles. Les autres espèces, moins résistantes, affaiblies par les médicaments disparaîtront. La sélection naturelle aidant, seule l’abeille d’Afrique, plus robuste, plus dangereuse, survivra. Que les amateurs de miel se rassurent, son miel est le meilleur.

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Jérémy BICHON
Rédacteur (étudiant en licence de science politique). Jeune aspirant au développement du... En savoir plus sur cet auteur