Le groupe ARISA n'échappe, pas à la règle : ce label de soirées créé par les jeunes producteurs Omer Tobi et Yotam Papo fait danser la communauté LGBT israélienne depuis 2008. Cependant leur succès n'est pas fondé sur une simple revendication de liberté sexuelle. À travers leurs vidéos promotionnelles qui ont fait le tour du monde, ils jouent avec les tabous sociaux, identitaires et religieux de la société israélienne.
Uriel Yekutiel, ou la subversion du genre
Tout commence en 2010, lorsqu'Omer Tobi repère les vidéos mises en ligne par un jeune homme hors du commun : Uriel Yekutiel. Il est danseur, chanteur, chorégraphe, et bien sûr, gay. Il est aussi une véritable œuvre d'art ambulante. Personnage transgenre, héritier d'un Freddie Mercury à l'énergie débordante et au charme ambigu, il devient la star des vidéos du groupe.
Il n'est ni une drag-queen, ni un transsexuel, ni une « folle ». Il représente une nouvelle génération qui tente de se libérer des catégorisations de genre. Uriel parvient ainsi à un équilibre étonnant entre masculinité et féminité, arborant à la fois la moustache et les talons hauts. Les trois acolytes produisent ainsi en quelques années une série de vidéos poussant toujours plus loin le mélange des genres et la subversion sexuelle : en février 2011, ils publient sur YouTube une vidéo intitulée « mon chocolat », dans laquelle Uriel lèche le crâne d'un jeune mannequin recouvert de chocolat, en compagnie de personnes âgées invitées à faire de même.
Une mise en question des codes de la société israélienne
Ainsi, après des clips comiques qui caricaturaient la « mère juive » et le départ des enfants à l'armée, cette année le groupe s'attaque à la question religieuse. Il s'agit de tourner en dérision l'intégrisme religieux, en le mêlant à l'homosexualité.
Le groupe repousse les limites du politiquement correct en mêlant des symboles contradictoires. On peut ainsi voir Uriel accompagné de jeunes hommes torse nu, portant la coiffe des juifs orthodoxes ; ou encore arborant la burqua, entouré d'hommes voilés. Ces clins d’œil à la religion musulmane sont autant d’appels à la libération de l’homosexualité dans les pays arabes. À travers l’industrie du divertissement, ARISA trouve une influence importante dans toute la région. Et leur message, léger en apparence, possède une forte tonalité politique.
La « mizrahi gever », ou fièvre gay-mizrahim
Aujourd’hui, le gouvernement leur dédie seulement 2% du budget alloué à la culture, et il est encore choquant de se présenter comme étant à la fois juif et arabe. ARISA a pourtant fondé son succès sur des sonorités purement Mizrahies, et des clips à atmosphère arabisante. Collectionnant à première vue les désavantages, le groupe est gay et arabe dans un pays dirigé par le judaïsme. Paradoxalement, ces caractéristiques furent la clef de leur succès.
Quand la nuit tombe sur la capitale israélienne, les tendances s’inversent. Alors que la guerre contre les « Arabes » fait rage à quelques centaines de kilomètres, les Mizrahis sont à l’honneur dans les nightclubs.