Un prescripteur iranien pour éviter l’effondrement syrien

Timothée Labelle, du Blog sur la politique internationale
24 Juin 2013


La fin du mois de juin marquera l’anniversaire de la première conférence de Genève visant la résolution du conflit syrien. Depuis la publication du communiqué final, les morts et actes d’atrocité s’accumulent. Est-ce que l'Iran et son nouveau président font partie de la solution au conflit syrien ?


Crédit Photo -- BULENT KILIC / AFP
En juillet prochain, la tenue d’une seconde conférence (Genève II) réunissant les acteurs de la guerre civile syrienne semble donner un second souffle à la voie diplomatique. Durant les derniers jours, la participation de l’Iran s’est imposée comme principale pomme de discorde menaçant de faire avorter les négociations.

Venant d’une exigence de la diplomatie russe, la pleine participation de l’Iran à la conférence de paix pose deux difficultés. Dès son annonce, la position russe a participé à une crispation des positions des partis à la conférence et à une intensification des tensions, ce qui n’aide en rien l’établissement d’un climat d’entente mutuelle. Elle ajoute aussi aux négociations un acteur dont l’intransigeance s’oppose sur plusieurs dossiers aux positions occidentales, particulièrement américaines sur le conflit israélo-arabe. En ce sens, la position russe constitue un obstacle à la bonne conduite de Genève II.

En y regardant de plus près, il s’avère cependant que l’inclusion de l’Iran dans la conférence pourrait ne pas être aussi dangereuse que le laisse croire la r éaction française par exemple et celle du reste de l’Occident, et ce, pour deux raisons.

L’inclusion iranienne : une opportunité

Premièrement, le propre des rencontres diplomatiques de résolution de conflit devrait être d’établir un dialogue entre les partis dans le but de poser les bases d’un règlement durable ou du moins d’un ralentissement rapide des hostilités. Le plus d’acteurs possible jouissant d’une influence auprès des partis impliqués directement dans le conflit syrien devraient conséquemment participer à la seconde conférence de Genève.

Dans un contexte de régionalisation grandissante du conflit syrien, alors que l’armée d’Al-Assad est appuyée ouvertement par le Hezbollah, parti islamique libanais étiqueté comme groupe terroriste par certains gouvernements occidentaux, que des combats opposant pro et anti-Assad ont lieu dans les rues de Tripoli et qu’Israël montre de violents signes d’impatience, la participation d’un acteur à l’influence régionale aussi importante devrait être reçue positivement par les diplomates occidentaux. C’est du moins en partie cette logique qui semble motiver la volonté de la Russie d’y inclure l’Iran, elle qui a aussi demandé à ce que d’autres puissances régionales, comme l’Égypte, soient représentées à la conférence. Par ailleurs, des figures importantes de la diplomatie iranienne ont, dans les dernières semaines, montré des signes d’ouverture et de bonne foi. L’Iran pourrait ne pas être l’obstacle à la résolution que tente de dépeindre l’Occident.

Deuxièmement, la tenue d’élections présidentielles en Iran le 14 juin fait en sorte que les tractations en vue de la conférence de Genève arrivent à un moment clé. Malgré le fait que les douze membres du Conseil des gardiens de la Constitution battent le rythme de la vie politique iranienne, la prise de vitesse du candidat réformiste Hassan Rohani signale qu’une ouverture de la classe politique iranienne est possible. Le moment est donc bien choisi pour que l’Occident, les États-Unis en tête, mette de côté ses divergences avec la République islamiste et fasse envers elle montre d’ouverture.

Le cadre de la seconde conférence de Genève sur le conflit syrien apparaît donc comme une opportunité. Continuer à marginaliser l’Iran au moment de ce qui pourrait être un point charnière de son ouverture diplomatique sur le monde et d’une pacification de ses relations avec l’Occident serait mal comprendre l’intérêt des Syriens à court terme, et celui de la région et du monde à long terme. Bien entendu, que la conférence soit inclusive ne garantit pas son succès. Son boycott par le Conseil national syrien, groupe à la légitimité contestée, mais reconnu internationalement comme représentant des opposants au régime d’Al-Assad, limite significativement les chances d’atteindre une entente large.

Mais alors qu’en février dernier le magazine The Economist évoquait dramatiquement la mort de la Syrie, la conférence du mois prochain apparaît comme le traitement à prodiguer au pays en crise aiguë. Celle-ci ne devrait toutefois pas se contenter de panser les plaies de communautés gangrenées par des violences qui renforcent les divisions sectaires. Que l’Iran soit au nombre des prescripteurs semble être pour le moment le meilleur moyen de tirer durablement la Syrie des soins palliatifs et prévenir son effondrement.