Ukraine : les dérapages des policiers déchaînent la colère des habitants

Yuri Martynenko, correspondant à Kiev, Ukraine
16 Juillet 2013


La société ukrainienne ne cesse de se soulever contre les services de police du pays. Affaire de viol, agressions, abus de pouvoir, le comportement indigne des policiers ne cesse d'inquiéter la population. Décryptage d'une dangereuse spirale.


Crédit photo -- Reuters/Stringer
À la fin du mois de juin, le village de Vradiyivka, au sud de l'Ukraine, a été secoué par des émeutes qui ont marqué tout le pays. Des centaines d'habitants ont pris d'assaut un poste de police. Vitres cassées, barrières et murs détruits... les cocktails Molotov et les gaz lacrymogènes étaient aussi de la partie. Bilan : quelques blessés, un bâtiment à moitié détruit. La raison de cette révolte ? Les habitants du village voulaient se venger des policiers qui auraient violé une jeune femme aux alentours de Vradiyivka, quelques jours plus tôt.

Des policiers qui sortent des rangs ?

Irina Krachkova, 29 ans, a été enlevée et violée le 26 juin dernier. Depuis l'hôpital, elle a raconté, le lendemain, que trois hommes l'avaient attrapé dans la rue et emmené de force dans une voiture, au fin fond de la forêt. Irina a pu s'enfuir, rentrer à Vradiyivka et être transportée à l'hôpital. La jeune femme a identifié ses agresseurs : deux officiers de police et leur complice : un chauffeur de taxi. Deux d'entre eux ont été immédiatement arrêtés. Le troisième est resté en liberté. Plus tard, les médias ont découvert qu'il était le filleul du chef de police de la région.
L'impunité a provoqué un tollé qui s'est achevé par l'assaut du poste de police. Après l'arrestation d'un troisième suspect, les incidents se sont multipliés. À Kiev, quelques dizaines d'habitants de Vradiyivka se sont réunis pour manifester. Il y a quelques jours, l'annonce, faite par le ministre de l'Intérieur, du licenciement des chefs de police de la région ainsi que du représentant régional du ministère de l'Intérieur ne semble pas satisfaire les Ukrainiens.

Un système défaillant

Cela fait bien des années que les Ukrainiens ne sont pas satisfaits de l'action des services de police. Le taux de corruption est parmi les plus élevés dans ce secteur. En Ukraine, travailler au sein des services de police est souvent considéré comme un moyen de s'enrichir. Un statut privilégié qui entraîne bien trop souvent de nombreux abus de pouvoir. Selon les observateurs, la particularité du système policier ukrainien est d'être basé sur un véritable cercle vicieux. Plusieurs journalistes ont démontré que les subordonnés pouvaient être obligés d'exécuter les ordres illégitimes donnés par des supérieurs. Cela leur permettrait de rester intouchable en cas d'abus de fonctions.

Un abus de pouvoir, c'est bien ce qui a eu lieu le 12 juillet à Kiev. Quelques centaines de personnes se sont réunies devant un poste de police pour demander la condamnation d'un policier qui, selon les manifestants, avait frappé une jeune femme de 19 ans. Il s'agit d'une activiste du groupe KUPR qui réunit les « participants à la Révolution orange ». D'après les députés de l'opposition, la victime aurait demandé au policier de s'exprimer en ukrainien, et non pas en russe. Bien sûr, l'incident n'est pas comparable à une affaire de viol, mais la colère des habitants ne s'est pas fait attendre. À Kiev, dans la foule, les drapeaux des mouvements populaires et partis politiques ont mené la danse.

Un organe indépendant pour juger les faux pas

De plus en plus souvent, les Ukrainiens dénoncent les comportements arbitraires des policiers indignes. Le bruit médiatique donne l'impression que la situation s'aggrave, la tension est entretenue par les médias, qui n'hésitent pas à jeter de l'huile sur le feu, plus qu'il n'en faut. Quand la colère est concentrée sur la déchéance des services de répression, l'attention du peuple est aussitôt détournée vers d'autres sujets d'indignation.

Personne ne doute du fait que les mécanismes effectifs doivent être mis en place pour rétablir la confiance de la population envers les institutions de l'État. L'organisation Amnesty International a souligné, dans un communiqué, concernant les événements de Vradiyivka, que l'Ukraine a besoin d'un organe indépendant. Un organe qui devra être chargé d'enquêter sur les crimes commis par des agents de l'État. « C'est seulement quand toutes les allégations de torture, de mauvais traitements et d'autres crimes commis par des agents de l'État seront suivis d'une réaction rapide et effective que l'actuelle culture d'impunité pourra être vaincue et que la population pourra avoir confiance dans le système », résume-t-elle. Pour l'instant, on en est bien loin et la marmite ukrainienne continue de bouillir.