USA/Corée du Nord : Je t’aime, moi non plus

5 Mars 2013


Chantre du capitalisme omnipotent, les Etats-Unis ne pouvaient se trouver de meilleur ennemi que le régime dictatorial de Corée du Nord, qui rappelle au monde les dérives d’un communisme idéalisé et personnalisé. Derrière ces postures avant tout idéologiques, se cache une fascination des élites nord-coréennes pour la culture populaire américaine. Preuve que même le pays le plus fermé du monde n’est pas hermétique à la mondialisation culturelle, illustré par la fascination du petit nouveau, Kim Jong-un pour les icônes de la société américaine.


Malgré son isolement, ce symbole de la résurgence idéologique communiste totalitaire que l’on croit peu portée sur la culture populaire mondialisée a pourtant elle aussi subi la vague culturelle dominante venue des Etats-Unis. Certes, cela ne concerne pas la population tout entière, assommée de messages de propagande qui ne sont que le reflet d’un monde que le pouvoir veut bien leur montrer, mais marque plutôt l’attirance et la fascination d’une classe dirigeante pour la culture « mainstream ». Pour la plupart des analystes, cette volonté d’ouverture culturelle est liée à l’arrivée de Kim Jong-un au pouvoir. Le « leader suprême », âgé seulement de 30 ans, a été élevé dans cette société qui se mondialise et dont les références viennent essentiellement des Etats-Unis, pourtant ennemi idéologique héréditaire et traditionnel.

Fan de Disney

Petit, le futur leader du pays est tombé sous le charme des personnages de Disney, qui ont également marqué l’enfance de la plupart des jeunes Occidentaux (ou moins jeunes) que nous sommes. Si bien que quelques mois après son accession au pouvoir, Mickey et Winnie ont été invités en Corée du Nord et sont même montés sur scène lors d’un concert en son hommage. L’agence Associated Press décrit dans sa dépêche cette soirée féérique pour le bambin qui sommeille même au fond des pires dictateurs : « Les acteurs, habillés en Minnie, Tigrou et autres, ont dansé et sautillé sur scène, tandis que sur un écran géant dans leur dos, des extraits de Blanche-Neige, Dumbo, la Belle et la Bête, et autres films Disney, étaient projetés. »
Dans une autre anecdote rapportée par le site slate.fr, on apprend également que le jeune Kim Jong-un se serait rendu au Japon en 1993 sous une fausse identité pour passer du bon temps à Disneyland en compagnie de son frère et ce malgré les risques encourus. Leur demi-frère Jong-Nam s’était lui fait prendre en 2001 en tentant de rentrer au Japon avec un faux passeport dominicain. Comme quoi se rendre à Disney n’est pas une sinécure pour tout le monde.

Dennis Rodman en visite

Si vous n’êtes pas féru de sport, ce nom ne vous dit peut-être rien. Membre le plus fantasque (et surtout le plus tatoué et percé) de l’équipe légendaire des Chicago Bulls menée par Michael Jordan, Dennis Rodman est surtout connu pour ses frasques en-dehors du terrain. Dernière en date, l’ex-basketteur a rendu une petite visite à Kim Jong-un la semaine dernière, qu’il considère comme un « mec génial ». Lors d’une visite de quatre jours, relevant de la « diplomatie du basket » selon lui, le bad boy s’est payé une bonne tranche de rire lors d’un match de basket par exemple, avec celui qu’il voit « comme un grand dirigeant ». Même si les discussions n’ont pas dû aller plus loin que le domaine sportif, cette rencontre symbolise pleinement cette esquisse d’ouverture au monde. Toujours est-il que la mine enjouée du leader laissait avant tout transparaître une satisfaction enfantine d’avoir rencontré une de ses idoles de jeunesse.
Preuve de la curiosité mutuelle que se portent les deux pays au niveau culturel, le basketteur était accompagné de Ryan Duffy, reporter pour Vice, et d’une équipe de tournage, dans le but de réaliser les premiers épisodes d’une série pour HBO.

Malgré toutes les postures diplomatiques et géopolitiques liées à l’histoire de son pays, Kim Jong-un veut se montrer comme un dirigeant ouvert et moderne. Quoi de mieux pour cela que de se plier aux codes culturels occidentaux. Depuis moins d’un mois maintenant, les étrangers en visite en Corée du Nord ont accès à internet depuis leur Smartphone, qu'ils ne sont plus obligés d’abandonner à la douane. Mais cette ouverture, aussi symbolique soit elle, ne doit pas faire oublier que le peuple nord-coréen reste lui privé de ces libertés qui nous paraissent banales. Pour rester dans le ton, on peut donc féliciter le leader suprême pour son « opération de communication » bien qu’elle ne soit qu’un voile, ingénieux pour certains ou indécent pour d’autres, pour cacher la dureté de sa politique nationale et la menace géopolitique qu’il représente.



Etudiant en deuxième année de journalisme à l'ISCPA de Lyon. Passionné de sport et de culture. En savoir plus sur cet auteur