Turquie : trois ministres ont démissionné

Öykü Yağmur Karadeniz
26 Décembre 2013


Après la grande opération anti-corruption du 17 décembre concernant des fils de ministres, le directeur de Halkbank et certains hommes d’affaires, hier, mercredi 25 décembre, les ministres de l'Intérieur Muammer Güler, de l'Economie Zafer Caglayan et de l’Urbanisation et Environnement Erdoğan Bayraktar ont quitté leur poste.


Crédits -- Reuters
Le 17 décembre au matin, une grande opération a été acheminée par les policiers de la brigade financière sous la directive du bureau du Procureur général d’İstanbul. Lors de la première étape, une cinquantaine de personnes avaient été arrêtées. Parmi eux, trois fils des ministres, celui de l’Economie, de l’Intérieur et de l’Environnement, le maire de Fatih, le directeur de Halkbank et d’autres hommes d’affaires. Après les accusations de corruption, ils ont été interrogés. La police a retrouvé 4,5 millions de dollars dans des boîtes de chaussures chez le directeur de Halkbank, Süleyman Aslan, ainsi que de grosses sommes d’argent et une machine à compter chez BarışGüler, fils du ministre de l’Intérieur. Le 21 décembre, 24 personnes ont été inculpées.

LES RéSULTATS D’UNE POLITIQUE « AK »

Lors des dernières élections, Erdoğan avait parlé des réglementations et des changements dans le cadre du parti à cause de quelques actes illégaux. Il avait fait de la lutte contre la corruption une priorité pour une politique « AK » (blanche, propre) de son parti et avait affirmé qu’ils étaient dorénavant débarrassés de ces personnes-là qui seraient punies. Sur ce point-là, pendant l’hégémonie du gouvernement AKP, la séparation des pouvoirs n’était pas effective. Il y avait une allume, un système juridique qui exerce le pouvoir judiciaire au sein du parti. C’est causé parfois les destitutions des hommes politiques et juridiques. La politique « cachée » menée par AKP pendant des années, avec les surveillances, les contrôles, les changements de témoignage sur lesquels le gouvernement fermait les yeux, a cette fois touché au gouvernement en plein coeur.

Aujourd’hui, il n’y a plus de politique « AK ». Trois ministres qui démissionnent pour une affaire de corruption impliquant des millions de dollars, mais également des projets de construction. Aujourd’hui, Erdoğan dénonce lui aussi, comme tous les hommes politiques de l’AKP, la revanche de la confrérie Fethullah Gülen et les complots venant de la Turquie et de l’étranger. En Turquie, le pouvoir de la confrérie Gülen dans les hautes fonctions étatiques, surtout dans le système judiciaire et au sein de la police a commencé dans les années 1970. Aujourd’hui, on voit ce qu’ils peuvent faire. Même si les membres d’AKP essaient de nier ce scandale et de faire accepter une opération politique ou une revanche du mouvement Gülen pour salir le parti, les Turcs sont conscients de ce qui s’est passé avec l’AKP. Ce scandale n’est pas le premier.

Erdogan appelé à démissionner

Les ministres démissionnaires et le ministre des Affaires européennes, Egemen Bagis, lui aussi membre du processus judiciaire du scandale, ont tous nié les accusations. Le ministre de l’Economie affirme qu’ « il est clair que l’opération est un complot contre notre pays, notre parti et notre gouvernement ». Après les discours des trois ministres concernant ces démissions, on voit que toutes ces personnes se retrouvent sur un même point en expliquant le scandale : « un complot ». Mais l’un des discours est plus sensationnel que les autres. Le ministre de l’Urbanisation et de l’Environnement a déclaré que : « Dans le dossier de l’opération du 17 décembre, il n’y a rien que je ne peux pas expliquer ou qui me fait honte. Bien sûr que Monsieur le Premier ministre a le droit de travailler avec les ministres qu’il veut ou de destituer un ministre, mais je n’accepte pas les pressions avec des menaces comme « Démissionnez ! Faites quelque chose pour me défendre ! » à cause d’une opération de corruption. Aujourd’hui, deux textes nous a été envoyés, l’un est une lettre de démission, l’autre est celle de déclaration. Je veux vraiment défendre mon parti, mais dans ce cas-là, j’affirme que ce n’est pas juste parce que la plupart des plans de construction qui existe dans le dossier de l’investigation a été faite avec la directive du Premier ministre. C’est pour cela que je décide de démissionner de mon poste de ministre et de député. Monsieur le Premier ministre doit démissionner. Je présente mes respects au peuple turc ».

Enfin, les démissions sont importantes, mais pas suffisantes, tout simplement car il est un peu tard. S’ils quittaient leur poste avant une semaine, cela serait plus sensible et efficace, le parti pourrait même gagner quelque chose avant les élections municipales par contre c’est réalisé obligatoirement avec les pressions. D’un coté, un parti qui défend un système islamo-conservateur avec des valeurs morales islamiques, et de l’autre côté, les membres de ce parti embourbés dans des scandales de corruption, des irrégularités. En Turquie, certains savaient déjà que les valeurs ne sont que des mots dans les discours et dans la politique, mais les autres pourront-ils voir ce qui se passe ?