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Au Togo, les élections ont lieu tous les cinq ans. Le 25 avril, les électeurs se rendront aux urnes afin de voter pour les présidentielles, les législatives et les élections locales. Le président actuel, Faure Gnassingbé, a annoncé sa candidature pour un troisième mandat, un mois avant la date du scrutin. Le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, qui représente le parti Alliance nationale pour le changement, est son principal concurrent dans la course à la présidentielle.
Selon le collectif « Tournons la page », qui lutte pour la démocratie et l’alternance politique en Afrique, 88% des Togolais n’ont connu qu’une seule famille au pouvoir. « L’absence d’alternance n’est pas une question de culture, comme voudraient le faire croire les dictateurs. Ce sont des systèmes politiques organisés autour de l’accaparement du pouvoir et des richesses. Dans ce système, qui profite aux dirigeants en place et à leur clientèle, mais aussi à bien des États et des investisseurs étrangers, la population est prise en otage. »
Père et fils Gnassingbé sont arrivés à la tête du pays grâce à des méthodes peu démocratiques. Gnassingbé Eyadéma est arrivé en 1967 suite à un coup d’État. En 2005, son fils Faure Gnassingbé est porté au pouvoir par l’armée après la mort de son prédécesseur. L’élection du nouveau chef d’État, non-conforme à la Constitution, a été vivement contestée par le pouvoir civil et les partis politiques.
En campagne électorale et en visite à Notsé le 14 avril dernier, le président sortant a évoqué les mouvements contestataires de 2005 : « Faisons en sorte que cette élection se déroule dans de bonnes conditions. Le gouvernement n'acceptera plus cette espèce de récréation d'après élections. Nous n'avons plus de temps à perdre ».
Doublons et usurpations d’identité
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Entre le vol des urnes au Soudan et les élections nigérianes contestées en 2011, le Togo ne déroge pas à la règle des soupçons de fraudes et de perturbations électorales en Afrique. Initialement prévues pour le 15 avril, les élections générales togolaises ont été reportées de 10 jours pour cause de suspicion d’escroqueries dans le fichier électoral. Celui-ci comprend toutes les listes électorales, les lieux et bureaux de vote.
L’ONG Synergie Togo, qui défend les droits de l’Homme, mène une étude sur les listes électorales depuis 2003 et déclare y avoir trouvé 30 % d’électeurs fictifs. C’est l’analyse du fichier électoral des législatives de 2013 qui a éveillé les soupçons concernant les élections de cette année. L’opposition et la société civile ont demandé un contrôle du fichier. Il comprendrait des doublons et des personnes défuntes sur les listes.
Les experts du Combat pour l’Alternance Politique ont mené une enquête préliminaire. Ils ont examiné le nombre d’électeurs dans le fichier par rapport aux résultats de la Cour constitutionnelle pendant les législatives de 2013 et ont recherché des homonymes ainsi que des duplicatas de numéros de carte. Ces résultats ont démontré des fraudes dans le fichier. En 2013, la différence entre le nombre d’inscrits et les personnes déclarées dans le fichier était de 22 971 personnes.
D’après une autre étude de la CAP, il y aurait 3 321 doublons sur un total de 54 457 électeurs. Le communiqué de Synergie Togo contient également les photos de toutes les personnes en infraction. Les plus commises sont la présence multiple d’une personne sur les listes, les doublons de numéro de carte et l’usurpation d’identité. La CAP 2015 a demandé l’appui de plusieurs organisations et associations politico-économiques comme l’Organisation des Nations unies, l’Union européenne ou l’Union africaine.
Elle a obtenu gain de cause et l’Organisation Internationale de la Francophonie s’est chargée de la vérification du dossier. Après plusieurs jours d’analyse par des experts envoyés à Lomé, les représentants des partis politiques en course pour l’élection et la société civile ont approuvé la suppression de toutes les anomalies. Un soulagement pour l’ONG, qui a déclaré : « L'établissement d’une liste électorale fiable constitue un des facteurs indispensables pour l’organisation d’élections transparentes, démocratiques et apaisées ».
L’opposition appelle au « vote utile »
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Jean-Pierre Fabre est perçu, depuis les législatives de 2013, comme le seul homme politique pouvant battre Gnassingbé. Pour ces élections présidentielles, il appelle les Togolais à voter utile, c’est à dire à ne pas voter selon leurs préférences politiques mais à voter en faveur d’une alternance politique. Depuis début avril, un dispositif anti-fraude électorale a été mis en place. Il consiste essentiellement à utiliser des urnes transparentes et des timbres hologrammes sur les bulletins de vote « afin de certifier leur authenticité ». D’après Jean-Pierre Fabre, ces dispositions déboucheront sur des élections incorruptibles qui le mèneront à la victoire.
Afin de veiller au bon déroulement du scrutin, le gouvernement a choisi de mettre en place un comité de surveillance. Il est composé de différentes figures politiques togolaises comme le ministre de l’Administration territoriale de la décentralisation et des collectivités locales, ou encore le ministre des droits de l’Homme. Leur rôle sera de s’assurer que les élections se passent sans accrocs. Ils veilleront à ce qu’il n’y ait pas d’incident de sécurité, de violences entre les citoyens, de problèmes de collage d’affiches ou de lieu de meeting.
Le bilan Gnassingbé
Après 10 ans à la tête du Togo, le président sortant se présente pour un nouveau mandat. Que ce soit en 2005 ou en 2010, son élection a été réfutée non seulement par l’opposition et par une partie de la société civile, mais aussi par les politiques étrangers. Ancien pays colonisateur, la France n’avait pas hésité à prendre parti lors des affrontements et des révoltes de 2005. Jacques Chirac, président français de l’époque, avait avoué ne pas avoir compris sa candidature. Après les résultats, Nicolas Sarkozy avait aussi qualifié cette arrivée au pouvoir de « mascarade ».
Pour le président du Togo, les réticences à sa réélection ne tiennent qu’à un problème de patronyme : « À bien y regarder, on ne me reproche qu'une seule chose : ma filiation. À cela, je réponds que je suis fier de mon père et de ce qu'il a réalisé. Même si je conçois que le fait d'être le fils de mon prédécesseur puisse poser problème à certains, c'est sur mon bilan que je demande à être jugé. Pour le reste, si l'on veut que je change de nom, c'est peine perdue. »
En deux mandats, Faure Gnassingbé a pourtant réussi à faire avancer l’économie du pays. La croissance a augmenté de 5 à 6 %, de nouvelles infrastructures ont été construites comme des routes ou des aéroports, et la pauvreté a reculé de 5 % en huit ans. En dépit de ces progrès sociaux, le Togo a encore du chemin à faire, notamment auprès des jeunes. Selon un rapport de la Banque africaine de développement et de l’organisation de coopération et de développement économique, « trois jeunes sur dix sont en situation de sous-emploi ou d'emploi précaire, et la pauvreté reste extrême en milieu rural ».
Le problème de la corruption est un enjeu majeur de ces élections. Tous les candidats prévoient de l’exclure du système politique dans leur programme. « Seulement 5 % des Togolais pensent que les juges et les magistrats ne sont pas impliqués dans des affaires de corruption, contre 44 % des Togolais qui estiment que la plupart des juges et magistrats sont corrompus. En ce qui concerne la police, c’est 42 % des Togolais qui pensent que la plupart des agents seraient impliqués dans des affaires de corruption », a déclaré le Centre de recherche et de sondage d’opinion.
Le bilan de ces années présidentielles est donc très mitigé. De nombreux enjeux politiques et économiques restent encore à exploiter. Le Togo souhaite s’ouvrir aux échanges, Faure Gnassingbé a déjà commencé : présence d’entreprises françaises dans le port de Lomé, échanges avec la Chine, etc... Le Togo figure parmi « les 20 économies au monde qui ont le plus réformé la réglementation des affaires » selon Doing Business, un groupe de la Banque mondiale.
Plus de 3,5 millions d’électeurs se rendront aux urnes. Ils n’auront qu’un tour pour décider de leur nouveau chef d’État. Selon un sondage réalisé par le site Lomé Infos, Jean-Pierre Fabre est en tête avec 54 % des voix, suivi du président Faure Gnassingbé avec 30 % des voix. Le gouvernement, quant à lui, voit déjà son président sortant comme le grand gagnant de la présidentielle.
Crédit Selena Miniscalco