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« Ce sont des matériaux miracles ! », s’écrie Andreas Manhart, célèbre géographe allemand, lorsqu’il évoque les caractéristiques propres à ces terres. Et pour cause : seuls 17 éléments chimiques peuvent être qualifiés de terres rares ! Chacun de ces éléments se situe à l’écart dans le tableau périodique. Parmi les plus connus, on y retrouve le Scandium et l’Yttrium. Ils possèdent une structure particulière qui leur confère des propriétés physiques spécifiques, et donc une importance clef dans l’industrie et dans les nouvelles technologies.
La découverte de ces éléments chimiques ne date pas d’hier… mais de la fin du XVIIIème siècle ! Ignorants des propriétés chimiques que ces terres contiennent, les chercheurs les utilisent très peu. Il faut attendre les années 1940, plus précisément le projet Manhattan (projet de recherche américain qui donnera notamment naissance à la bombe atomique) pour que les spécialistes commencent à se pencher plus sérieusement sur les terres rares. Ces travaux de recherche militaire aboutiront, comme souvent, à de nombreuses applications civiles. C’est donc en étant commercialisées au début des années 70 que les terres rares deviennent des instruments économiques puissants.
17 éléments pour une véritable révolution technologique
Permettant à la fois une haute définition sur les écrans tactiles et des alliages de haute efficacité, les terres rares ont été, et sont encore aujourd’hui à l’origine d’une vraie révolution technologique. Le thème des très nombreuses applications de ces éléments est d’ailleurs abordé dans un rapport du Sénat paru en 2011 intitulé « Les enjeux des métaux stratégiques : le cas des terres rares ». A moyen terme, ce minerai pourrait également bénéficier à la réfrigération magnétique ainsi qu’à des applications médicales, notamment les nano-particules à but thérapeutique. Les applications sont donc très nombreuses et très variées.
Un impact économique incontestable…
Le vrai problème est de collecter ces terres rares. La plupart des réserves mondiales se trouveraient en Chine. De nombreux chercheurs, à l’instar d’Andrea Koschinsky, de l'Institut de géochimie de la Jacobs University à Brême, effectuent des recherches sur les fonds marins de l'océan Pacifique, qui abritent de précieuses ressources minérales. Jusqu’à présent, on extrayait du cuivre et du cobalt ; désormais ce sont des terres rares. Mais au Groenland aussi, la folie des terres rares est à son apogée. En octobre 2013, le gouvernement groenlandais a levé l’interdiction d’extraction des minéraux. Depuis, la recherche de ces trésors du XIXème est effrénée.
Le motif de ces recherches est également beaucoup plus pragmatique. Avec une envolée de 700% ces derniers temps, le cours des terres rares dépasse parfois celui de l’or. Cette hausse exponentielle du prix va de pair avec une flambée de la rentabilité des entreprises extractrices. Aux Etats-Unis, la dernière exploitation Montain Pass en Californie ferme ses portes en 1998 pour laisser place à des importations de matières premières venues de Chine. Mais, entre temps, les conditions de prix ont changé, et Montain Pass rouvre ses portes en 2010. Cet exemple montre bien l’intérêt grandissant dans les terres rares, et la volte-face géopolitique vis-à-vis d’un partenaire beaucoup trop puissant.
« Il y a bien une géopolitique des minerais, pour lesquels on peut aller jusqu'à la guerre »
C’est ainsi que François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique, exprime ses craintes et ses doutes pour demain. La Chine a manifestement la mainmise sur ces ressources. Ce cadeau de la nature accroît incontestablement la dépendance des autres pays envers la République Populaire de Chine. Ce déséquilibre de force devrait s’accentuer avec la demande croissante de terres rares, toujours plus indispensables dans le futur. L’Europe, quant à elle, est totalement dépourvue de gisements exploitables.
Par ailleurs, une plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été déposée contre la Chine par les Etats-Unis, le Japon et l’Union Européenne. Cette procédure portant sur les quotas d’exportation est toujours en cours. Finalement, l’OMC va devoir s’exprimer très rapidement sur ces minerais stratégiques pour demain. Cette décision à venir pourrait indéniablement avoir des conséquences sur la suprématie chinoise dans ce domaine, à suivre...