Tanzanie, le pays où les réfugiés ne sont plus les bienvenus

Yasmine Coljin, en Tanzanie, traduit par Maxence Salendre
11 Décembre 2013


Pendant près de 40 ans, la Tanzanie a hébergé la majeure partie des réfugiés des conflits d’Afrique. Mais la roue tourne, aujourd'hui des centaines d’entre eux sont refoulés aux frontières. Ancien havre de paix, le pays semble être à présent rattrapé par les troubles politiques.


Crédits pgoto -- Carine Frenk
Située dans une région souvent perturbée par les crises économiques et la violence politique, la Tanzanie a longtemps été un havre de paix. Depuis son indépendance obtenue de manière relativement calme en 1961, le pays a fait face à ses propres difficultés. Cependant, depuis les années 1980, le PIB par habitant et le taux de développement économique n’a cessé de s’améliorer, faisant dès lors reculer le taux de pauvreté. C’est cette stabilité qui a servi d’aimant aux centaines de réfugiés forcés de quitter leur pays natal. La Tanzanie et les réfugiés partagent une longue histoire. En 1994, ils étaient des milliers à quitter le Rwanda voisin afin d’échapper aux horreurs du génocide. L’année précédente, les Burundais cherchaient refuge de la violence politique qui s’enracinait dans leur vie quotidienne. Quant aux Congolais de la République Démocratique, ils continuent inlassablement de franchir les frontières du pays.

Cette politique d’accueil semble toutefois être arrivée à son terme. Selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR), le mois dernier près de 30 000 Burundais ont été expulsés. La coupe est pleine et le gouvernement de Tanzanie ne souhaite plus subvenir aux besoins des 254 000 réfugiés qui vivent sur le territoire national.

D’une maison à l’autre

Nombreux sont ceux qui ne voient pas d’un bon œil la fin de cette politique d’accueil. Des centaines de milliers de réfugiés sont toujours perdus dans les méandres d’une administration qui doit encore statuer sur leur sort. Dans un récent communiqué de presse conjoint avec le HCR, le ministre de l’Intérieur tanzanien affirmait qu’aucun réfugié déclaré comme tel n’avait été expulsé. Un statut administratif qui reste toutefois peu enviable pour la cohorte de réfugiés en attente de régularisation. Nombreux sont les immigrants qui ont construit leur vie en Tanzanie et n’ont plus aucun lien avec leur pays d’origine.

Dans le district de Kagera au nord-ouest, les patrouilles de police ont augmenté ces derniers mois.Ils surveillent les routes et emmènent les personnes suspectées d’être des immigrants. Une fois attrapés, ils sont questionnés et, s’ils sont chanceux, sont relâchés. Un tel risque pousse nombre d’entre eux à mentir sur leur nationalité. Bien que les noms à consonance française soient fréquents au Rwanda ou au Burundi, la plupart des gens mentent à leur employeur en déclarant qu’ils sont de nationalité tanzanienne. Et tant que l’employeur ne demande aucun papier et que la police ne fait aucune descente, ils continuent leur vie normale de Tanzaniens.

Insécurité quotidienne

Grand sourire d’enfant qui a mangé le dernier cookie et chemise à fleurs qui trahit son état, Jacques* est jardinier. Avec sa femme il fait vivre ses 4 enfants, va à l’Eglise chaque dimanche et passe le reste du weekend à se relaxer devant la télévision. Chaque jour de sa vie est pourtant un mensonge. Il déclare être tanzanien et a pourtant été arrêté de nombreuses fois par la police qui l’accuse d’être originaire du Burundi. Pour le moment, il continue à vivre dans le mensonge et prie pour ne pas être renvoyé avec les cohortes de réfugiés qui sont expulsés du pays.

Florida* est plus chanceuse. En 1994, elle a échappé au génocide rwandais et a reçu le statut officiel de réfugié en Tanzanie. Bien qu’elle ait dû abandonner ses proches à un futur incertain, elle vit maintenant en Tanzanie où elle est mère et femme d’affaires. Entrepreneure, elle participe au développement de l’économie tanzanienne. Leader communautaire engagé, elle se bat au quotidien pour les femmes de Tanzanie tout en conservant cette approche joyeuse qui ravive ceux qui la connaissent. Nombreux sont ceux qui sont fiers de la compter comme tanzanienne.

Des tensions en hausse et une hospitalité qui recule

Le gouvernement du Burundi a beau déclaré qu’il n’y a plus de problèmes de sécurité dans le pays, les actes de violences restent fréquents faisant dès lors hésiter nombre de réfugiés (déclarés ou non) à rentrer dans leur pays. Lorsque des vies sont en jeu, mentir semble être la solution la plus simple. Pour Jacques et Florida l’avenir reste incertain. L’économie tanzanienne a beau être stable, les tensions politiques et religieuses entre la majorité continentale chrétienne et les musulmans de Zanzibar ne prédisent pas un avenir très calme. Si ces problèmes commencent à agiter l’eau, en apparence calme, de la politique tanzanienne, il est probable que le gouvernement s’apprête à rapatrier les réfugiés en déracinant ceux qui pensaient au final avoir fondé un foyer.

*Les prénoms ont été modifiés.