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L’ONU fait ressortir des chiffres accablants. Plus de 70 albinos ont été tués depuis l'an 2000 en Tanzanie. Un chiffre d’autant plus fort quand on sait que cette communauté reste très minoritaire au sein du pays. L'albinisme est une particularité génétique qui dépigmente la peau et atteint seulement quelques personnes. La mesure du gouvernement d’interdire la sorcellerie est donc particulièrement bien accueillie pour tenter de contrer ce phénomène, car elle représente la première cause de décès chez les albinos. Les sorciers considèrent que ces hommes, « différents » par leur apparence physique, possèdent des pouvoirs surnaturels. Ils attribuent à leurs organes des capacités psychiques, et prétendent qu'ils peuvent attribuer bonheur et prospérité à celui qui le détient. A l’image des cornes de rhinocéros, que certains Chinois perçoivent avec conviction comme porte-bonheur.
Le fléau est grand et le braconnage grandit en conséquence car la demande est présente. En Tanzanie, le problème est tout à fait similaire. Les sorciers embrigadent les jeunes générations en leur enseignant que les albinos détiennent des pouvoirs extraordinaires, ainsi le trafic perdure.
Une volonté forte du gouvernement
« Nous voulons en finir avec les meurtres d’albinos », a indiqué formellement le ministre de l’intérieur Mathias Chikawe. Interdire la sorcellerie, c’est en fait, implicitement, endiguer les meurtres d’albinos. Car si celle-ci ne pratiquait pas ces exactions, elle ne poserait pas de problème particulier. Le gouvernement a donc décidé d’agir pour mettre fin à ce mouvement dramatique pour le pays. Pour ce faire, il souhaite également mettre en place une vaste opération de communication à travers la Tanzanie. Elle a pour objectif de faire savoir à la population que l'albinisme n'abrite aucun attribut psychique particulier et que cette particularité n’est que génétique. La communication se doit d’être à grande échelle pour éliminer les fausses idées répandues par les guérisseurs. « Nous sommes contre ceux qui trompent la population en leur disant qu'ils deviendront riches par enchantement, contre les diseurs de bonne aventure et tous ceux qui distribuent des talismans », a commenté le ministre.
Le 27 décembre 2014, Pendo, jeune fille albinos de 4 ans, a été enlevée par des hommes armés de machettes. Elle est toujours portée disparue. Aujourd’hui, on estime qu’il s’agissait sans doute de « sorciers ». Quinze personnes ont été arrêtées, dont le père de la disparue. Une récompense sera offerte à quiconque la retrouvera. Cette affaire a touché les autorités et le gouvernement a accéléré les procédures pour finalement interdire la sorcellerie. Une décision qui a mis du temps à être mise en place, du fait du lobby de ces sorciers au niveau politique. Les hommes politiques profitent parfois du soutien de cette population pour être élus.
765 femmes tuées en 2013
Un autre fléau qui, lui aussi, provient du fait des croyances et superstitions du pays, c’est le massacre de femmes dites « sorcières ». 765 femmes ont été tuées selon les estimations locales, toutes pour leurs prétendus pouvoirs surnaturels. Un nombre imprécis qui pourrait même encore augmenter. « Ce nombre énorme de personnes tuées ne compte que les cas signalés », relate Paul Mikongoti, membre de l’ONG Centre juridique des droits de l'Homme. En Tanzanie, plus de 90% de la population croit en la magie. Les tueurs font croire aux femmes qu’ils assassinent qu’elles sont des sorcières et qu’elles sont donc capables d’ensorceler des animaux. Autre critère retenu, celui d’avoir les « yeux injectés de sang ». La science nous permet de savoir que les personnes âgées, dans les zones rurales, ont génétiquement du sang injecté dans leurs yeux, ce qui explique pourquoi ce sont les plus touchées par les meurtres de prétendues « sorcières » . Et être une sorcière en Tanzanie ne présage rien d'autre que d'être pourchassée à mort. Les meurtres sont d’une extrême violence et les agressions varient entre brûlures et autres mutilations.
Un trafic lucratif
Ce qui rend la tâche difficile aux autorités, c’est toute « l’économie » liée à ce trafic. Comme pour la drogue ou les animaux, le trafic d’organes d’albinos prévoit de fortes sommes aux vendeurs. Des chiffres tragiques ont été dévoilés. Les guérisseurs achètent un membre autour de 600 dollars, et le corps entier de la victime s’achète autour de 60 000 dollars. Ces données font peur, elles démontrent que le trafic est organisé et qu'il existe depuis longtemps. Les autorités ont donc lancé les hostilités à l’encontre de ce commerce grâce à cette nouvelle loi, mais le travail pour interrompre complètement cette activité, peu connue et pourtant très grave, reste encore important.