Suisse : "avions" ou "pas avions" ?

Sara Murray
9 Mai 2014


Le système de démocratie semi-directe en Suisse fait que, contrairement à une multitude de pays aujourd’hui, les actions du gouvernement peuvent être freinées à travers un plébiscite populaire. Lorsque le Parlement a lancé un projet de loi le 27 septembre 2013 pour la création d’un fonds pour financer l’achat de vingt-deux nouveaux avions militaires, nommés « Gripen E », il a été ralenti dans son élan par un référendum.


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Le 18 mai prochain les Suisses devront s’exprimer sur leur désir de créer un fonds militaire de 300 millions de CHF par année sur une période de dix ans pour financer l’achat de vingt-deux avions militaires de type « Gripen E ». Le débat divise le pays entre ceux contre une dépense potentiellement superflue et ceux convaincus de la nécessité de ces avions pour la sécurité nationale. Les uns crient au caprice du chef du département de la défense, Ueli Maurer, et les autres s’inquiètent pour le futur des frontières suisses. 


Bien que tous aient un point de vue éventuellement intéressant à développer et à défendre, ils manquent d’adresser le réel problème auquel doit faire face le Suisse devant son bulletin de vote vide : le manque (probablement intentionnel) d’informations sur le sujet. 

Des questions sans réponses

Une multitude de questions restent sans réponses. Les citoyens suisses doivent veiller à ce que l’imploration du besoin de renforcement de sécurité nationale du cinquième pays le plus sûr du monde (source Institute for Economcis and Peace, 2013) soit bien légitime. De plus, le monde entier a témoigné que les forces aériennes suisses étaient incapables de répondre à la menace du vol d’Ethiopian Airlines ET702 le 17 février dernier pour des raisons d’horaires de bureau. Suite à une perte de crédibilité d’une telle ampleur, l’invocation de sécurité nationale devient non seulement un argument négligeable pour ce projet de loi, mais elle créer une inquiétude majeure dans le cas où la Suisse devait se faire attaquer à trois heures du matin.  

La question est alors bel et bien « avions ou pas avions» ? Avant de demander aux Suisses de payer 300 millions de CHF par année pendant dix ans ne devrions-nous pas en premier lieu nous mettre d’accord sur la réaction appropriée de l’armée face à une situation de crise ? Si l’achat de vingt-deux nouveaux avions pour remplacer cinquante-quatre « vieux » Tiger F-5 n’est pas qu’un caprice, alors une clarification des conditions et des conséquences de l’achat est nécessaire de la part des militants de cette loi. 

La décision entre les mains des citoyens

Le Rapport sur la politique de sécurité de la Suisse de 2010 du Conseil Fédéral cite clairement que les menaces pour la Suisse n’ont pas changé depuis dix ans. Ce dernier propose un budget militaire de 4,4 milliards de CHF par année au Parlement. Insatisfait, celui-ci demande un nouveau rapport et un nouveau budget pour fin 2013 qui prendrait en compte une augmentation des effectifs militaires à 100 000 personnes et un remplacement des Tiger F-5. « Le 25 avril 2012, le Conseil Fédéral a fixé le plafond des dépenses de l’armée à 4,7 milliards à partir de 2015 et l’a inscrit au plan financier 2014-2016 » ; soit une augmentation de 300 millions par année. Ce budget inclut déjà l’achat de nouveaux avions de combat pour remplacer les Tiger. Sous la pression du Parlement, toujours insatisfait et désireux du Gripen E, le Conseil Fédéral accepta d’augmenter le plafond à 5 milliards de CHF en 2013. 

Actuellement, le référendum met la décision entre les mains des citoyens. Si la majorité vote « non », alors le budget sera fixé à 4,7 milliards de CHF, un plan financier qui prendrait en compte l’achat de nouveaux avions de toute manière. Si le plan initial de 4,7 milliards de CHF devait déjà permettre l’acquisition d’avions de combat, pourquoi demandent-ils de dépenser 5 milliards ? L’hypothèse du caprice paraît actuellement plausible. 

Le fait est qu’il y a un énorme manque d’informations en ce qui concerne les technicités de ce projet de loi et que les Suisses ne se satisferont probablement pas de l’argument concernant la sécurité nationale. Les citoyens sont sûrement prêts à écouter et à être convaincus de la nécessité de cette dépense militaire mais il est temps de leur expliquer plus clairement les enjeux.