AFP / Roberto Schmidt
Le pétrole me paraît très nettement être l'odeur la plus parfaite du désespoir humain, si le désespoir humain a une odeur ». En ce début de XXIe siècle, ce proverbe de l'écrivain Pierre Mac Orlan est loin d’être erroné. Le Soudan et le Soudan du Sud l'ont appris à leurs dépens. Enlisé dans une guerre civile longue de 22 ans (1983-2005), le Soudan croyait de nouveau respirer. À la suite d'un référendum, le Sud-Soudan proclame son indépendance en 2011. Devenant le 54e État en Afrique. Et ce, sans que soient résolus une série de désaccords sur le tracé des 1 800 km de frontière commune. De cette négligence naîtront de vives tensions entre les deux pays.
Une région pétrolifère
Enclavé, le pays nouvellement indépendant a hérité des trois quarts de la production de pétrole du pays d’avant la partition. Or, les raffineries se trouvent au Nord. Un nœud gordien qui, depuis deux ans, ne parvient pas à être tranché. Les régions frontalières du Kordofan-Sud et du Nil-Bleu, où Khartoum veut préserver son autorité, se sont transformées en théâtres d'affrontements sanglants. Ces régions pétrolifères sont revendiquées par les deux camps. Dans un rapport de 74 pages, l'organisation de défense des droits de l'homme dénonce les attaques perpétrées par l'armée soudanaise dans le district des Monts Ingessana, berceau du Mouvement de libération des peuples du Soudan (SPML-N). Ces accusations se fonderaient à partir d'images satellites datant de la première moitié de 2012. « L'armée a eu recours à une stratégie de la terre brûlée, détruisant au moins huit villages dans la zone (d'Ingessa). Le gouvernement soudanais doit de toute urgence mettre un terme à ces attaques menées sans discrimination, et tout particulièrement stopper les bombardements de zones peuplées par des civils, et permettre aux organisations d'aide humanitaire d'y accéder afin d'acheminer l'aide destinée à la population civile », a indiqué Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d'Amnesty International. Interrogé par l’AFP, le porte-parole de l'armée soudanaise, Sawarmi Khaled Saad, nie tout en bloc. « Il y a beaucoup d'ONG travaillant au Nil bleu, et aucune d'entre elles ne s'est plainte de tels faits », a-t-il déclaré. « Ceci est monté de toutes pièces ».
Regain de tension
Le Soudan et le Soudan du Sud avaient signé début mars 2012, sous l'égide de l'Union africaine, une série de neuf accords destinés à normaliser leurs relations, avec l'établissement d'une zone tampon à la frontière. Samedi 8 juin , nouveau rebondissement. En représailles du soutien de Juba (capitale du Soudan du Sud) aux rebelles, le président soudanais, Omar el-Béchir avait ordonné de bloquer le transit du pétrole sud-soudanais en fermant les oléoducs, rapporte le Parisien. Ce qui revient en clair à empêcher les exportations de Juba, qui n'a aucun autre moyen d'écouler son or noir. « Nous allons annuler l'ensemble des neuf accords, pas seulement celui sur le pétrole », a déclaré, toujours de même source, le ministre soudanais de l'Information, Ahmed Bilal Osmane, lors d'une conférence de presse. Une décision qui reste cependant révocable. « La porte est ouverte à une réflexion rationnelle, mais nous n'autoriserons pas le soutien aux rebelles », a-t-il ajouté. D'après les Échos, les autorités sud-soudanaises démentent ces accusations qui sont toutefois jugées crédibles par des diplomates en poste dans le pays.
La Chine veille au grain
Fort de ses investissements, l'Empire du Milieu observe de très près la situation. Très présente dans les deux pays, la Chine voit ses intérêts menacés. À maintes reprises, elle l'a annoncé : elle ne prendra pas parti. Mais qu'elle le veuille ou non, elle est déjà partie intégrante au conflit. Tout comme les troupes du SPML-N , ses ressortissants ont été victimes de prises d'otages. Irritée, elle le serait complètement si les bombardements du Nord mettent sérieusement à mal ses investissements économiques dans le Sud ou vice-versa. La Chine, deuxième économie mondiale, a depuis plusieurs années jeté son dévolu sur l'Afrique. Le terme « Chinafrique » s'est démocratisé. Le continent africain recèle de ressources naturelles (pétrole, hydrocarbures, gaz..) qui suscite la convoitise, notamment auprès des pays émergents.