Slovaquie : la polémique des trains gratuits

Axel Taylor, correspondant à Bratislava, Slovaquie
20 Décembre 2014


Le 17 novembre 2014, le gouvernement socialiste de Robert Fico a approuvé la mesure de gratuité sur les trains slovaques. Une action anti-austérité qui entraîne une dette supplémentaire de 13 millions d'euros à la communauté. Cette politique sociale provoque le mécontentement des citoyens.


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A l'occasion du 25ème anniversaire de la Révolution de Velours, les enfants de moins de 15 ans, les étudiants et les retraités slovaques bénéficient de la gratuité des transports ferroviaires sur les grands axes de Slovaquie. On pourrait supposer que les bénéficiaires accueilleraient avec gratitude ce cadeau du gouvernement. Pourtant, la controverse est bien réelle. Les étudiants sont conscients que la gratuité n'existe pas et qu'il y a un coût à tout. Si l'Etat supporte la dépense aujourd'hui, demain ce sera le contribuable qui paiera la facture. A Bratislava, la capitale de la république slovaque, une pétition forte de 10 000 signatures a été signée contre cette mesure jugée démagogue. « Rien n'est gratuit » explique un étudiant de la faculté de Sciences économiques et sociales : « faire fonctionner les trains a un coût, et c'est nous, les étudiants, qui paierons».


La capitale face au gouvernement

La grande partie des jeunes Slovaques ont conscience des conséquences d'une telle politique aussi prodigue. Alors pourquoi instaurer un avantage à une population qui le refuse ? Une des raisons soutenues est que les personnes âgées et les habitants des campagnes « ont encore la manière de penser de l'époque communiste », explique une habitante de Bratislava. L'actuel gouvernement socialiste connaît une forte opposition au sein du pays. Lors des dernières élections présidentielles, qui ont eu lieu en mars 2014, le Premier ministre Robert Fico s'est avoué vaincu face au philanthrope Andrej Kiska. Ce dernier s'est présenté en tant que candidat indépendant et a remporté 59,4% des suffrages exprimés au second tour. Cette défaite du parti Direction social-démocratie face au candidat indépendant incite d'autant plus le gouvernement à tenter des mesures pour redorer son image déjà tourmentée par la critique.

Le 25 novembre 2014, une manifestation organisée par les citoyens de Bratislava a eu lieu sur la place du Soulèvement National Populaire. Le but était de protester contre la corruption des membres du gouvernement qui constitue un problème bien connu de la population. De nombreux orateurs sont montés sur la tribune pour faire valoir leurs revendications. À cette occasion, Alojz Hlina, un entrepreneur slovaque, annonçait : « Nous sommes sur la bonne voie pour changer quelque chose. Mon cher, avec tout votre respect. Nous allons prouver que nous sommes le peuple fier de ce pays. » Une ambition clairement partagée par la population qui a soif de transparence. L'espoir d'une amélioration se renforce après la prise de fonction du nouveau Président, et à plus forte raison grâce à l'optimisme de ce jeune pays qui fêtera son 22ème anniversaire d'indépendence au 1er janvier 2015.

La mobilité destinée au plus grand nombre

La gratuité ne concerne que les axes ferroviaires principaux de Slovaquie. Ces voies relient le centre économique du pays, situé à Bratislava qui est géographiquement à l'ouest du territoire, aux autres villes importantes situées à l'est. Certains détracteurs de la gratuité ferroviaire craignaient une explosion de la fréquentation dans les gares. Deux semaines après la mise en place, il s'avère que la hausse du nombre de voyageurs n'a rien d'alarmant. Une étudiante basée à Bratislava et originaire du centre du pays avoue « Au début j'étais contre cette mesure car je craignais que les wagons soient bondés. » Puis quinze jours d'essai ont apaisé ses craintes : « Il n'y a pas plus de monde dans les trains. Ce n'est pas si mal finalement, j'économise 15€ chaque semaine ». Un usager sur deux bénéficie de la gratuité des transports, mais il ne semble pas qu'un choc de fréquentation ait lieu. Il reste à savoir comment évolue cet îlot de gratuité dans une Europe en crise, placée sous la rigueur de l'austérité budgétaire.

Cet acte du gouvernement ne concerne pas seulement une partie de la population. Jan Pociatek, le ministre des Transports, rappelle qu'une réduction de 50% sur les tickets de train pour les titulaires d'un emploi prendra effet le 1er Janvier 2015. Une avancée sociale qui encourage la mobilité entre les régions de la République, mais qui réduit les recettes de l'État, au risque d'aggraver la dette publique et l'impopularité du gouvernement. Pourtant, le pays possède des coûts de transport déjà attractifs, mais bon nombre de citoyens slovaques doivent économiser de l'argent là où ils peuvent, le salaire minimum en République Slovaque étant cinq fois plus faible qu'en France. Il est compréhensible que les catégories socio-professionnelles les plus vulnérables accueillent l'aide du gouvernement avec plus de confiance et de gratitude. Ce sont les étudiants, selon toute probabilité, qui prendront à leur tour les rênes du pays et qui devront payer le prix des cadeaux offerts par l'actuel gouvernement.