Royaume-Uni : une exposition pour faire entendre la voix des réfugiés

INÈS ABDERRAHMANE
29 Novembre 2013


Du 20 novembre au 9 décembre, les membres du Refugee Council présentent leurs expériences depuis le départ de leur pays d’origine jusqu’à leur arrivée au Royaume-Uni. Tout cela rassemblé dans une exposition baptisée « The journey of surviving to survive »


Crédits photo -- greenprophet.com
Vous êtes vous déjà demandé ce que cela vous ferait de devoir quitter votre pays sur le champ, de tout quitter, de laisser toutes les personnes que vous avez connues derrière vous et de partir pour un voyage dangereux vers l’inconnu ? ». De jeunes adultes du Refugee Council ont crée une nouvelle exposition avec leur art et leurs écrits, retraçant leurs expériences de voyages, depuis leur départ de leurs pays d’origine jusqu’à leur arrivée au Royaume-Uni.

Soutenir les réfugiés : le Refugee Council de Londres

Le Refugee Council est l’une des principales associations caritatives du Royaume-Uni qui travaille directement avec des réfugiés et des demandeurs d’asile. Elle a pour objectif de les soutenir et de les aider à reconstruire leurs vies. L’association prend la défense des réfugiés en utilisant leur propre travail comme base, et s’assure de faire entendre leur voix de façon plus ferme et plus influente dans les nombreuses décisions par lesquelles ils pourraient être affectés.

Fondée en 1951, l’association se pose comme une réponse à la Convention relative au statut des Réfugiés (the UN Convention for Refugees), créée après la Seconde Guerre mondiale pour assurer la sécurité des réfugiés dans d’autres pays. La Convention a été établie afin de donner une définition du réfugié, de ses droits et des obligations légales des Etats. Depuis cette date, le Refugee Council s’emploie à fournir un soutien matériel et psychologique aux réfugiés venus du monde entier afin qu’ils puissent obtenir une place et jouer un vrai rôle au sein de la société.

Régie par un conseil d’administrateurs, l’association compte parmi ces membres d’autres organisations collectives de réfugiés comme Action for social integration, Amnesty International UK, Freedom from torture, Refugee Action et bien d’autres. Financée aux niveaux local, national et européen, l’association reste tout de même très dépendante des revenus dits volontaires comme les subventions de la part de fondations, d’entreprises, mais aussi des dons individuels pour mettre en œuvre un ensemble de projets ayant pour effet d’appuyer les réfugiés dans leurs diverses démarches et de leur prodiguer des conseils pour évoluer plus sereinement dans leur nouveau pays. Cela comprend notamment l’aide à l’emploi, un soutien thérapeutique, un soutien aux enfants séparés et dont les besoins ne sont pas couverts par les services traditionnels, mais aussi tout le travail pour la mise en œuvre d’un système d’asile plus juste et plus humain.

Retracer un exil vers l'inconnu

Le Refugee Council de Londres a travaillé avec un groupe de jeunes adultes réfugiés (le YAIT) venus des quatre coins du monde, à l’organisation d’une exposition qui retrace leurs voyages personnels vers l’inconnu. Ce projet a pour but d’aider ces jeunes adultes à se réconcilier avec leurs expériences et à commencer à regarder de l’avant avec plus d’espoir que de crainte.

Beaucoup des réfugiés qui participent à l’exposition ont survécu à la torture, ont perdu leurs familles et amis. Ils cherchent désormais à en finir avec leur passé. Au travers de leurs œuvres, ces artistes souhaitent partager ce que signifie d’être un réfugié au Royaume-Uni. Ils montrent avec sincérité la difficile adaptation à une nouvelle vie et la nécessité de faire face à de nouveaux défis pour bâtir un avenir meilleur. Tous les voyages sont personnels mais montrent la difficulté de construire une nouvelle vie dans un nouveau pays où l’on ne se sent pas toujours digne de confiance ou même bienvenu.

Après avoir surmonté l’épreuve de l’exode, la douleur persiste et reste délicate à supporter puisque ces jeunes réfugiés doivent se faire à l’idée qu’ils ont laissé derrière eux leurs amis, leurs famille, leur culture, sans retour possible.

Danial est originaire d’Iran et rêve de terminer ses études pour devenir électricien. Son œuvre parle de liberté, tout simplement. Angel, née en Ouganda, explore la douleur et la lutte endurée par les réfugiés qui partent à la recherche d’un pays sûr dans lequel ils pourront vivre à nouveau. Son travail met en valeur la solitude et la fragilité de l’existence humaine dans des lieux qui lui sont étrangers et inconnus.

Toutes les œuvres d’art sont originales, captivantes et constituent des témoignages sincères et touchants sur le thème du voyage. Elles sont nées du besoin et de la volonté de raconter une histoire, d’extérioriser, mais appellent aussi à la réflexion et à l’engagement. Ces représentations d’histoires vraies sont celles de personnes réelles; elles ont besoin d’être entendues.

Témoignage

Rozenn Logan, coordinatrice de l’exposition, a assisté les réfugiés dans leur travail de création. Elle nous raconte.

Journal International : Depuis quand travaillez vous avec le Refugee Council? Quel rôle y jouez-vous?

Rozenn Logan : Je travaille avec le Refugee Council depuis février 2013. Le groupe YAIT (Young Adults in Transition) se rencontre tous les Jeudis. Mon rôle est « Exhibition Coordinator », c'est-à-dire coordinatrice de l’exposition. Au début, je travaillais plus comme conseillère d’exposition (Exhibition Mentor). J’ai rejoint le groupe vers le début du projet et ils avaient déjà décidé qu’ils voulaient préparer une exposition pour raconter au public leur histoire et leur souffrance. Au début, mon rôle était d’aider les refugiés à réaliser leurs œuvres, tout en racontant leur histoire personnelle, leur « voyage » en quelque sorte. Je devais parler avec eux, leur donner des conseils artistiques, fournir des matériaux (des tableaux, de la peinture, du bois etc.) et les aider à écrire un texte relatif à leur travail. Sans aucun budget, on a dû se débrouiller et trouver tous les matériaux nous-mêmes. Durant les derniers mois de préparation, en plus de ce rôle de mentor, je me suis beaucoup impliquée dans l’organisation des expositions - A Southwark Council en octobre et à la Gallery Saatchi en novembre, décembre. En tant que coordinatrice de l’exposition, je suis en liaison avec les galeries. J’ai préparé tous les textes pour l'exposition, le site web, le catalogue et les dépliants. J’ai aussi aidé à l’installation de l’exposition.

JI : Combien de réfugiés ont participé à l'exposition ? Comment les avez-vous suivis et quelles ont été vos impressions quant à l’évolution de leur travail?

RL : Vingt réfugiés-artistes y ont participé. Certains d’entre eux étaient là depuis le début et d’autres n’avaient rejoint le groupe YAIT que depuis quelques semaines. Je les ai suivis dès le début du projet. Chaque semaine on parlait de leur travail et de leur progrès. Maintenant qu’on est vers la fin du projet (il se termine en décembre), on voit franchement comment l’identité des artistes s’est développée, ainsi que leur confiance en eux. Au début, il fallait beaucoup plus de supervision et de motivation de notre part, tandis que maintenant, quand ils arrivent pour travailler le jeudi, ils commencent tout seuls, avec leur musique, et ils travaillent plus indépendamment. Leur vision artistique est devenue plus grande aussi et plus forte ; ils n’ont plus peur de s’exprimer.

JI : Pensez-vous que leur travail a permis de mieux extérioriser certaines souffrances ?

RL : Oui, il est clair que leur travail artistique leur a permis d’extérioriser leurs souffrances. Tous les jeunes du groupe sont victimes de tortures et pour certains c’est plus récent que d’autres. Parmi eux, il y en avait certains qui avaient profondément refoulé ces émotions, et ça a pris plusieurs semaines pour qu’ils puissent trouver une manière de l’exprimer. Pour d’autres, c’était différent. Par exemple, certains dès le premier jour sont venus me voir et m’ont dit : « Je sais exactement ce que je veux dire - j’ai besoin de bois, de peinture grise et de clous ». Quatre heures plus tard, ils avaient fini leur œuvre.

Les réfugiés ont dit eux-mêmes que le fait de travailler ensemble tous les jeudis, de s’exprimer de façon créative et simplement de parler les a beaucoup aidé émotionnellement. Aussi, ce projet leur a permis de créer des liens entre eux, de se faire des amis. La soirée d’ouverture de l’exposition a donné aux artistes l’opportunité d’échanger avec d’autres personnes à propos de leur travail. On voyait qu’ils étaient fiers de tout ce qu’ils avaient fait ! Et contents que les injustices qu’ils ont subi puissent se manifester plus concrètement.

JI : Pour la première session, à combien estimez-vous le nombre de visites ?

RL : L’exposition a été vue par beaucoup de monde. On ne connaît pas le nombre exact mais on pense que la première exposition à Southwark Council a été vue par environ 7,000 personnes. Le bâtiment de Southwark Council dit qu’il y a environ 2,000 personnes qui passent devant chaque jour pour le travail, des réunions, et l’expo était en place pour une semaine.