Dans « The We and the I », on retrouve de nombreuses traces du style de M. Gondry. Avec ces dialogues scénarisées par les adolescents qui se dévoilent derrière les vitres de ce bus que jamais nous ne quitterons. Le réalisateur nous apporte sur un plateau d'argentique l'inconscient et l'imaginaire de ces jeunes artistes qui se prennent chacun au jeu de la réalisation d'un rêve ou d'un récit de vie. On ne sort presque jamais de ce huis-clos où de multiples histoires éphémères se déroulent, tel un concentré de personnalités qui s'entrecroisent pour la dernière fois.
On sourit parfois sur ce fond de Young MC. Et d'autres fois, une pointe de mélancolie survient en écoutant parler de ces maux sociaux qui restent des éternelles paroles vécues. On observe cette famille qui vient de perdre un frère poignardé, et ce couple adolescent qui se sépare comme le feraient des adultes. Ces jeunes se voient imposer une maturité et une indépendance que chacun démontre à mesure que le trajet s’effectue.
Un sentiment de nostalgie jaillit lorsque l'on voit ce dernier jour de classe, comme si ces camarades qui intègrent la vie normale à la fin du trajet, n'allaient jamais se retrouver, ou que leurs relations n'avaient plus d'intérêt en dehors du cadre du lycée. Mais contrairement à beaucoup d'enfants, ces derniers ne partiront pas en vacances en famille mais iront travailler.
Ce film diffère du style documentaire dont M. Gondry voulait s'éloigner. Malgré la réalité des phénomènes représentés, c'est une version romancée du quotidien du Bronx. Ce n'est pas non plus une apologie des situations de crises sociales que ces personnes, encore au début de leur vie, ont à connaître. Mais on ne peut s'empêcher de prendre conscience des problèmes récurrents qui restent présents en aujourd’hui. Telle une mauvaise herbe que les gouvernements ne parviennent - ou ne veulent - pas enlever par non considération de ces zones frontalières de Manhattan.