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À la 152ème place du classement mondial de la liberté de la presse, sur un total de 180 pays, se trouve la Russie. À de nombreuses reprises, elle a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour ne pas avoir respecté sa constitution et ses libertés fondamentales : liberté d’expression, de réunion, de manifestation, de la presse, etc. Pourtant, depuis treize ans, les chefs d’État russes ont donné l’opportunité aux citoyens de poser librement leurs questions. Selon le porte-parole du président, Dmitri Peskov, aucune question n'a été préparée à l’avance.
Plus l’émission avançait et plus le nombre de questions augmentait : ce matin, les télévisions annonçaient un million de questions pour terminer à trois millions, un record. Après le séisme qu’a subi le rouble et en plein pendant la crise ukrainienne, les auditeurs et téléspectateurs ont eu de grands sujets sur lesquels débattre. Malgré toutes ces préoccupations internationales, les citoyens russes ont été particulièrement tracassés par l’économie du pays et la politique gouvernementale.
L’Europe et les États-Unis en ligne de mire
Afin de défendre sa tactique, Poutine n’a pas hésité à tacler ses adversaires : « la dette des États-Unis est supérieure au PIB du pays. C'est un signal très inquiétant. La zone euro se fissure (...) les leaders de l'UE s'en sortiront-ils ? » Au début de cette année 2015, le rouble a subi une grosse baisse. Pourtant, le président parle d’une remontée du PIB, une progression de la production industrielle et un nouveau record d’extraction de pétrole. Les ressources naturelles, gaz et pétrole, sont le gagne-pain de la Russie : les trois-quarts du pétrole de l’Union européenne proviennent de la Russie.
Après l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, l’Union européenne a sévèrement réprimé cette dernière, notamment par rapport à un embargo sur les imports et exports d’armes russes, le droit de veto concernant l’exportation d’équipements en énergie ou encore l’arrêt des échanges économiques entre la Russie et l’Union européenne. Dans les sanctions imposées par l’Union européenne, la Russie n’a pas été perdante : l’Europe aurait perdu 21 milliards d’euros en exportation depuis la mise en place de la condamnation. Chose que Poutine confirme : « Les sanctions ont permis de nettoyer le marché russe occupé par certains acteurs suite à l’adhésion à l’OMC. Les tentatives de nous nuire par le biais des sanctions sont vouées à l'échec. Malgré le fait que les sociétés russes aient été privées de financements sur les marchés occidentaux, elles s'en sont sorties. Rien de comparable aux années 1990 n'a eu lieu. »
Rappelons que la Russie a connu un grand choc économique et politique avec la chute de l’URSS en 1991 dont elle a mis plusieurs années à se relever. Le rouble n’est plus lié aux ventes de pétrole, après la forte baisse du début d’année, Poutine pense que le moment « critique » est passé et bien que le taux de chômage ait augmenté, « il n’est pas aussi haut que celui de l’Union européenne ». Selon le gouvernement, le pays devrait mettre moins de deux ans à se remettre des sanctions. Les citoyens russes peuvent donc voir les sanctions comme une menace, chose à laquelle Poutine répond que les « anti-sanctions » vont profiter au pays pour le développement du made in Russie ou consommer russe et l’ont aidé, lui et la banque centrale à « assainir [sa] politique économique ».
Cibler les ennemis
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Malgré toutes ces attaques envers les pays occidentaux, la Russie ne les définit pas comme des ennemis. Il met toutefois en garde ceux qui se permettraient de se mettre en travers de son chemin : « nous ne considérons personne comme nos ennemis dans la communauté internationale. Et nous ne recommandons à personne ne nous considérer comme son ennemi. Les terroristes et les criminels en bande organisées sont les premières cibles du chef d’État. »
Concernant Daesh, Poutine se veut très prudent et préventif : « la Russie est préoccupée par la participation de Russes à l’organisation terroriste État islamique, mais il n’y a pas de menace directe pour notre pays ». D’après lui, les services spéciaux russes ont la situation bien en main, et ont le nombre exact de personnes présentes parmi les soldats de l’État islamique. Le gouvernement russe utilise l’Iran comme un bouclier au terrorisme grace à leurs nombreuses collaborations.
Une collaboration très étroite avec l’Iran
Depuis plusieurs mois, la Russie entretient une relation particulière avec l’Iran. Au centre de toutes les attentions avec les débats sur le nucléaire, l’Iran a su se faire un allié de poids. La Russie a accepté de leur livrer plusieurs missiles alors que la guerre au Moyen-Orient bat son plein. « La liste des sanctions de l'ONU n'interdisait pas les livraisons de ce type de matériel (S-300, ndlr). Nous avions suspendu la vente de façon unilatérale. » Pour plaider sa cause, Poutine affirme que ces missiles sont uniquement des armes de défense et non de destruction.
Une fois de plus, le président russe se compare à son homonyme américain : « nous ne sommes pas le principal fournisseur d’armes au Moyen-Orient, les USA en livrent beaucoup plus ». La Russie justifie tout de même son choix de livrer l’Iran : « Le contrat a été signé en 2007, puis le contrat a été suspendu en 2010 en raison de problèmes autour du dossier nucléaire iranien. Aujourd'hui, nous voyons que les partenaires iraniens font preuve d'une grande volonté d'obtenir un compromis sur ce problème. Un accord a été atteint, il ne reste que des détails techniques. Voilà pourquoi nous avons pris cette décision. »
La difficulté ukrainienne
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Le sujet de la crise ukrainienne est revenu à de nombreuses reprises durant le débat. Rappel, explications et clarifications de certains points du sujet ont bien montré que Poutine maîtrisait son discours. Le premier point qu’il a éclairci est la présence des troupes russes sur le territoire ukrainien. Il n’y a pas de troupes russes en Ukraine et il n'y aura pas de guerre entre l'Ukraine et la Russie.
Afin de répondre à toutes les accusations d’invasions de l’Ukraine, Poutine évoque l’aide et la coopération entre les deux pays. La seule issue (au conflit ukrainien, ndlr) est l'application des accords de Minsk, la réforme de la constitution et la résolution des problèmes socio-économiques du Donbass notamment. « Nous ne comptons pas nous ingérer, mais insistons sur le respect des accords de Minsk. Je ne fais pas de différence entre les Ukrainiens et les Russes, je pense que nous sommes un peuple. Nous aidons le peuple ukrainien. Nous souhaitons le calme et la stabilité à nos frontières. Nous ne sommes pas obligés de fournir des réductions sur le gaz, mais nous le jugeons juste de le faire, car au prix fort, l'économie de l'Ukraine coulera. Nous demandons aux autorités de Kiev qu’elles se comportent à notre égard comme envers un partenaire d’égal à égal sur tous les axes de la coopération. »
Au cours des quatre heures du passage télévisé, Vladimir Poutine n’a répondu qu’à une quarantaine de questions. Certains sujets, traités de manière plus approfondie sont revenus sur le tapis à plusieurs reprises. À la moitié de son mandat, le président russe a une très grande popularité dans les sondages. En août 2014, son taux de popularité atteignait presque les 80 %.