Portugal : quand la corruption gouverne

23 Décembre 2014


En crise depuis 2008, le Portugal subit d’importantes coupes budgétaires, et des réformes constantes. Le peuple est mécontent mais risque trop en manifestant. De plus en plus, des affaires de corruption sont rendues publiques, ce qui anéantit l’espoir.


Crédit Reuters
On trouve constamment des affaires de corruption même dans les pays dits les plus développés et démocratiques. Les hommes politiques qui détournent de l’argent ne sont pas une nouveauté, et le Portugal ne fait donc pas exception. La différence est que les affaires se succèdent constamment, et la crise ne fait que les accentuer. Dans tous les domaines, nous pouvons trouver des irrégularités, même sur le CV de certains politiciens, comme l’ancien ministre Miguel Relvas qui a illégalement obtenu son diplôme.

José Socrates: quand l’ancien Premier ministre est arrêté

José Socrates, Premier ministre pendant 6 ans jusqu’en 2011, a été arrêté vendredi 21 novembre pour corruption, blanchissement d’argent et évasion fiscale. C’est la première fois que quelqu’un si important politiquement est arrêté au Portugal depuis la révolution. L’ancien gouverneur disposait de 20 millions d’euros sur un compte suisse. Il aurait réussi à faire entrer une partie de cet argent au Portugal grâce au Régime Extraordinaire de Régularisation Tributaire (RERT) mis en place en 2009, pendant son mandat et approuvé par lui-même. Ce dispositif permet une correction fiscale et donc, une espèce de pardon d’évasion fiscale. Ces accusations sont en cours de traitement. Elles seraient cependant cohérentes vis-à-vis de son style de vie, qui est largement plus élevé que ne le permettraient ses rendements. C’est notamment son appartement à Paris, en plein cœur du 16ème arrondissement et d’une valeur de 2,8 millions d’euros, qui est suspicieux. 

Pour l’instant, l’investigation est en cours. Depuis, il y a déjà eu trois habeas corpus - principe selon lequel toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi et de quoi elle est accusée ; ensuite elle peut être libérée sous caution puis amenée dans les jours qui suivent devant un juge. La première demande, faite par un citoyen, a été refusée par les juges du tribunal suprême puisqu'il n’y a pas d’abus de pouvoir et l’ex-Premier ministre est légitimement emprisonné. Un autre citoyen a effectué la deuxième demande, qui n’a pas été prise en compte puisqu'elle ne rentrait pas dans les normes d’une demande officielle. Enfin, la troisième a été faite le mardi 9 décembre par un entrepreneur, accusant un complot avec certains politiciens. Cette demande n’a pas abouti et le tribunal rappelle encore qu’il n’y a pas eu violation lors de l’arrestation de José Socrates.

Dans tous les cas, comme le dit Paulo de Almeida Sande, un professeur d’université, les cas comme celui de Socrates, ou encore celui de João Vale e Azevedo, avocat portugais qui blanchissait de l’argent et arrêté l’année dernière, ne sont que la partie visible de l’iceberg. Ces cas sont récurrents, et nombreux sont ceux au pouvoir en faisant partie.

Les Golden Visa: quand la corruption devient évidente

Les visas d’or sont émis à des étrangers ayant pour but de résider et surtout, d’investir au Portugal. Depuis 2012, date de création de ces visas, 972 millions d’euros ont été investis dans le pays. Les principaux bénéficiaires sont les Chinois, qui représentent 80,5% des 1775 personnes ayant eu accès à ce visa jusqu’à maintenant. Il faut tenir compte que ce chiffre a triplé en 2014. Le seul moyen de l’acquérir est d’acheter une propriété au Portugal valant au moins 500 000 euros, par transfert de capital ou en créant dix postes de travail. Seulement trois personnes ont obtenu leur visa grâce à cette dernière option. 

En effet, la plupart ont été acquis par l’achat d’immobilier, dont le prix aurait été revu à la hausse par le président de l’Institut de registres et notaires, António Figueiredo, et la secrétaire générale du ministère de la Justice, Maria Antónia Enes. Tous les deux connaissaient les prix de l'immobilier, qu'ils auraient augmenté pour que les investisseurs obtiennent leur visa plus rapidement et tandis que les deux acolytes prenaient leur part. Un compte bancaire aurait même été créé exprès pour le blanchissement de cet argent, dans la banque où travaille le cousin de Figueiredo. Ceci reste plausible en considérant que le président du Service étrangers et frontières, Manuel Palos, aurait détourné le regard de ces affaires pour une commission de 10%. Ceci ne représente cependant qu’une partie du réseau, puisque 14 personnes sont sous inspection pour le moment, dont un ministre, une secrétaire générale et quelques entrepreneurs. Tous ces liens forment un réel labyrinthe, nom donné à l’investigation. 

Banco Espírito Santo : quand la banque la plus importante de Portugal fait faillite

En 2012, la BES a occulté des dettes d’un montant de 1,2 milliard d’euros. L’endommagement était donc de 2,5 milliards d’euros. La banque a déclaré par la suite ne pas rembourser un prêt de 897 millions d’euros de Portugal Telecom, le principal opérateur de télécommunication au Portugal. Il faut tenir compte que de nos jours, la banque détient plus de 10% des actions de cette entreprise, devenue privée en 2011. De la même façon, le Grupo Espírito Santo, qui réunit cette banque et d’autres investissements internationaux, a acquis des dettes auprès de deux autres banques importantes portugaises. Quelles conséquences? La faillite du Banco Espírito Santo et la création du Banco Novo, lors de laquelle la Banque du Portugal s’est rendu compte d’une irrégularité dans les financements. Le Financial Times a décidé de creuser un peu plus l’affaire et a émis l’hypothèse selon laquelle le BES prêtait de l’argent à une banque au Panama, qui n’existait que pour acheter la dette du Espírito Santo International. Il s'agissait donc un complot pour prêter de l’argent illégalement à leur propre filiale. La banque et son président sont, en outre, actuellement inclus dans cinq cas d’investigation de plusieurs affaires. 

Il n’est plus étonnant de voir autant de corruption dans un pays où, depuis que le gouvernement actuel est en place, quatre ministres ont officiellement donné leur démission - dont deux causées par des polémiques sur fond de corruption, et les deux autres par un désaccord vis-à-vis du gouvernement - surtout quand celui-ci est tombé deux fois et a dû être reconstitué et que le pays est sous l’emprise de la Troïka.



Arrivée en France il y a quatre ans, j'ai entamé des études de Science-Politique. Les relations… En savoir plus sur cet auteur