Pays-Bas : Les futurs « SCUMS » d’Amsterdam, quèsaco ?

Claire-Marine Petit
23 Juillet 2013


On connaissait au pays des Hollandais les champs de tulipes à perte de vue, les spécialités fromagères, les moulins et les contrées idylliques. En janvier 2014, de nouveaux venus dans le paysage devraient grandement faire parler d’eux et jeter un froid sur l'image libérale dont jouissait le pays : « les camps antisociaux ».


Eberhard van der Laan | Crédit photo -- kerkenbuurtwesterpark.nl / Sophia Kwikkel en Rolf Steenwinkel
L’idée de créer des « SCUMS » - des « camps de marginaux » - n’est pas nouvelle. Un ancien politique en avait déjà eu l'idée, sans succès. En revanche, la mesure défendue par le maire Eberhard van der Laan se révèle être un réel durcissement de la politique menée contre les milliers d'infractions relevées par la police ces derniers mois dans les rues d'Amsterdam. D’après les déclarations de ce dernier, il s’agirait de rassembler, de concentrer les individus aux comportements déviants ou violents - non pour les entretenir, mais pour les rééduquer. Il y a quelques mois, il déclarait déjà à la presse que « le but n’est pas de récompenser les gens qui agissent mal en les installant dans un cinq-pièces avec vue sur jardin. C’est supposé être dissuasif ».

Cette nouvelle mesure paraît donc assez radicale au vu de l’existence, dans certaines campagnes hollandaises, de quelques infrastructures de rééducation comportementales similaires. À se demander si la construction de ces camps ne serait qu'un plan de communication ou une véritable politique active de dissuasion.

Dans un camp tu iras

Cette annonce ne semble pas faire l’unanimité au sein du gouvernement, alors même que les actualités portant sur le projet restent floues. Le sujet n'est que très peu médiatisé. Les données sur le projet se limitent à quelques rares précisions sur les futurs logements et la finalité du projet demeure obscure. Plus précisément, le maire a laissé « échapper » une seule précision : les « individus » seraient logés dans des compartiments maritimes, des blocs conteneurs posés à même le sol. Les individus, intégrés au programme, seront donc considérés comme étant en quelque sorte propriété de l’État, dans la mesure où la rééducation devrait se faire par le travail.

Consolation relative du caractère radical de l'entreprise, si certains pensionnaires ne ressortiront probablement jamais, d’autres, en cas de signes d’amélioration, pourraient retourner à une « vie normale ». Dans de nombreux pays, il existe encore des camps de redressement et de travail, comme en Chine où les marginaux, bloggeurs déchus et autres opposants évoluent au sein de « Laogai ». Reste que la mention de « camps à connotation historique » pourrait faire grand bruit, et devenir l’un des arguments principaux de l’opposition et de l'opinion au projet des SCUMS.

Au gouvernement cela coûtera !

De cette nouvelle politique découlent deux questionnements : celui de la justice, mais aussi celui relatif à la problématique du financement. En ce qui concerne la désignation des futurs prétendants aux camps, la ville d’Amsterdam compte mettre en place prochainement une ligne d’appel spéciale. C’est-à-dire qu’à la suite d’appels répétitifs pour une même et unique personne et son inscription sur une liste, cette dernière pourra être envoyée dans un de ces fameux camps. Reste à savoir si l'établissement des modalités et des motifs précis des futures décisions de « mise au camp », provoqueront la rédaction d’une loi précise sur le sujet, pour l'instant absente. Le projet risque aussi d'être très onéreux pour les contribuables. Le plan est estimé à 1 million d’euros, avec notamment la création d’une police spéciale, l’entretien des prisonniers, etc.

La question la plus sensible porte sur le caractère humain (ou non) d'un tel projet. Qu’entraîne la décision d’envoyer dans un camp une personne, autant pour ce que cela représente sur cet individu, mais plus encore sur la société dans son ensemble ?