L’état-isthme d’Amérique Centrale cherche en effet à diversifier son économie à l’heure où sa dépendance économique à l’égard des revenus d’exploitation du canal est pointée du doigt. Le revenu ici des droits de passage du canal représente plus de 15 % des revenus du budget de l’état panaméen. Cette rente de situation présente un atout contestable et explique en parti pourquoi l’économie panaméenne est la première et la plus puissante d’Amérique Centrale, mais tout dysfonctionnements a dès lors de graves conséquences sur le pays tout entier.
Conscient de leur dépendance au canal le gouvernement du Panama a lancé un projet pharaonique d’agrandissement du canal, évalué à 5 milliards d’euros. L’objectif étant de moderniser et d’élargir le canal afin de pouvoir permettre le passage de navires transportant jusqu’à 12 000 conteneurs. De tels travaux s’inscrivent aussi dans l’évolution du contexte régional, le Nicaragua ayant annoncé son attention de construire un canal pour concurrencer l’ouvrage panaméen.. Officiellement lancés le 3 septembre 2007 les travaux menés par un consortium international dirigé par l’espagnol Sacyr sont aujourd’hui bien avancés. Mais en fin d’année dernière, les travaux ont été suspendus en raison d’importants surcoûts liés à des problèmes géologiques non anticipés selon le consortium. Depuis le début de l’année les travaux ont repris, mais les observateurs internationaux restent encore sceptiques.
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Dans son rapport de début d’année en 2014 le FMI a pointé du doigt la fragilité structurelle de l’économie panaméenne, à la merci des aléas des travaux d’expansion du canal. Tout manque à gagner dans l’exploitation du canal pourrait pousser le gouvernement à augmenter les impôts et les taxes avec pour conséquence un risque de « ralentissement économique » selon l’organisation internationale. La principale conséquence de ce rapport sera surtout dans un premier temps de refroidir les ardeurs d’un certain nombre d’investisseurs internationaux.
Une stratégie de diversification économique orientée vers les biocarburants
L’intérêt du Panama pour les biocarburants est ancien, et il peut être rapporté au soin apporté par le pays à la protection de son environnement, rappelons ainsi que le Panama est le pays du monde avec la plus grande proportion d’espaces naturels protégés. Le Panama était signataire en 2007 de la déclaration du Panama sur les énergies pour le développement durable adopté par l’Organisation des États Américains (OEA) dans laquelle était affirmé le « besoin de reconnaître le potentiel des biocarburants dans le cadre de la diversification de l’appareil énergétique de l’hémisphère ».
Le 20 avril 2011 la loi 42 est votée au Panama, ce dispositif législatif prévoit un certain nombre de mesures destinées à favoriser le développement de plantations et d’usines de transformations de biocarburants sur son territoire. La loi est effective depuis septembre 2013 et un certain nombre d’entreprises ont déjà profité des avantages fiscaux prévus, ainsi 20 % de la valeur des équipements acquis sont déductibles des impôts 5 ans à compter du commencement de la production, et pour les compagnies investissant dans la technologie un crédit d’impôt de 60 cents par gallon (soit 3,8L) de biocarburants acheté est prévu. Ainsi la Texas BioDiesel Corporation, une entreprise spécialisée dans la production de biocarburants a annoncé l’installation d’une raffinerie à haute capacité de production à Puerto Armuelles. La valeur de l’usine est estimée à 40 millions de dollars, pour une capacité de production annuelle estimée à presque 400 millions de litres.
En plus de bénéficier à l’essor du secteur et à des compagnies étrangères, une telle diversification représente de nombreux avantages pour l’économie du Panama. Utiliser l’éthanol comme un additif dans l’essence pourrait selon les supporters de la politique du gouvernement permettre d’injecter près de 100 millions de dollars dans l’économie panaméenne et générer plus de 75 000 nouveaux emplois. Aidé par le Brésil, pays leader en la matière, le gouvernement à d’ores et déjà investi plus de 2 millions de dollars dans une usine de biocarburant produisant 10 000L par jour dans la province de Colon.
De telles développements permettraient de profiter des terres agricoles disponibles au Panama, même s’il serait nécessaire de diversifier les cultures car le climat panaméen ne permet pas la culture de la canne plus de 4 mois par an, ce qui restreint fortement l’activité, et dans la situation actuelle pourrait même encourager l’importation de bioéthanols pour répondre à la demande intérieure. La loi 41 prévoit en effet à terme d’inclure 10 % de bioéthanol dans l‘essence traditionnelle, à un moment ou aux États-Unis ce taux atteint dans certains états 15 %, et ou le Brésil a réussi à atteindre un taux de 25 %. Ce secteur connaît ainsi une très forte croissance, et le gouvernement a intérêt a encourager le recherche et le développement de nouvelles technologies afin de diversifier son économie.
Vers une nouvelle donne : l’esquisse de nouvelles alliance en Amérique
Le soutien de conglomérats états-uniens à la politique panaméenne n’est pas un hasard, d’autant plus que les deux pays sont intimement liés notamment autour de la question du canal. Depuis 2007 Washington et Brasilia poursuivent une politique de promotion du bioéthanol en Amérique Centrale tout comme en Amérique Latine, et ce pour de nombreuses raisons. Premièrement il s’agit de permettre le développement dans « l’arrière-cour » des États-Unis de possibles sources d’approvisionnements énergétiques alternatives au pétrole, afin de réduire la dépendance du pays à l’égard du Moyen-Orient. Une volonté que les récentes avancées dans l’exploitation des gaz de schistes ne semble pas avoir démentie. Il s’agit aussi de réduire l’influence du Venezuela sur le continent, ce dernier étant à la fois fort et faible de ses ressources en hydrocarbures. Si ces dernières lui assurent de confortables revenus, elles rendent son budget intérieur extrêmement dépendant de ses exportations.
Le bioéthanol est ainsi depuis 2007 l’une des figure des proues de la politique de Washington dans la région, il permet aux États-Unis de se présenter sous un jour nouveau, promettant développement durable et surtout économique, dans un sous-continent marqué par un fort sentiment de défiance à l’égard du grand frère nord-américain. En consolidant les échanges commerciaux au sein du continent le bioéthanol pourrait accomplir énormément pour les intérêts états-uniens, notamment en faveur d’un accord de libre échange qui peine à voir le jour.