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Ce n’est pas vraiment une nouveauté pour ce pays qui apparaît fragile concernant la sécurité de ses approvisionnements et de sa distribution des produits pétroliers. La politique d’indépendance (ou d'isolation) énergétique menée par le gouvernement a conduit à un effondrement de la production pétrolière interne. Face à une demande croissante et dans le contexte économique extrêmement régulé, cela conduit à des pénuries récurrentes dans tous les secteurs, mais des pénuries particulièrement aggravées pour le pétrole.
Dix ans de pénuries annuelles
Cela fait maintenant dix ans que des pénuries de pétrole affectent l'Ouzbékistan à la veille de chaque Nouvel An. Ces problèmes ne cessent de s’intensifier et concernent aujourd’hui la quasi-totalité du pays. Les consommateurs ouzbeks en sont les premières victimes, comme le montrent les longues files d’attente devant les stations-service de Tachkent comme dans le reste du pays. Des restrictions de vente imposées aux stations limitent le plein d'essence à 15 litres par voiture. Les augmentations de prix, chaque 1er janvier, sont habituellement de l'ordre de 1 à 3%.
Ces « micro chocs pétroliers ouzbeks » sont très souvent liés au dépassement du seuil de consommation annuel établi par l'État. Ce seuil dépend des capacités de subvention des prix du pétrole et fait partie du budget étatique. Ce n'est pas une particularité du secteur énergétique : la stricte surveillance étatique, héritage de l’URSS, s'étend sur tous les secteurs considérés comme vitaux, tels que l’agriculture - la production de coton en particulier -, l'importation de blé et l’extraction d’or. Les pénuries, en principe, ne durent jamais plus de quelques jours à une semaine.
Dans cette dynamique, cette année marque une rupture. Le déficit en produits pétroliers a commencé plus tôt – à la mi-novembre – et a duré plusieurs semaines. Jusqu’à la veille du Nouvel An, de longues files de voitures étaient visibles jusque tard dans la nuit devant les stations-service. La crise a atteint un tel niveau que l’agence nationale Uzneftmahsulot a pour la première fois reconnu l'existence d'une pénurie, rejetant la faute sur les automobilistes. Ceux-ci auraient provoqué une vague de panique par leur consommation excessive (30 litres en moyenne par voiture et par passage au lieu de 15). Ce faisant, Uzneftmahsulot a nié tout problème d’approvisionnement en produits pétroliers, écartant ainsi la responsabilité de l’administration et de l'État.
Ces « micro chocs pétroliers ouzbeks » sont très souvent liés au dépassement du seuil de consommation annuel établi par l'État. Ce seuil dépend des capacités de subvention des prix du pétrole et fait partie du budget étatique. Ce n'est pas une particularité du secteur énergétique : la stricte surveillance étatique, héritage de l’URSS, s'étend sur tous les secteurs considérés comme vitaux, tels que l’agriculture - la production de coton en particulier -, l'importation de blé et l’extraction d’or. Les pénuries, en principe, ne durent jamais plus de quelques jours à une semaine.
Dans cette dynamique, cette année marque une rupture. Le déficit en produits pétroliers a commencé plus tôt – à la mi-novembre – et a duré plusieurs semaines. Jusqu’à la veille du Nouvel An, de longues files de voitures étaient visibles jusque tard dans la nuit devant les stations-service. La crise a atteint un tel niveau que l’agence nationale Uzneftmahsulot a pour la première fois reconnu l'existence d'une pénurie, rejetant la faute sur les automobilistes. Ceux-ci auraient provoqué une vague de panique par leur consommation excessive (30 litres en moyenne par voiture et par passage au lieu de 15). Ce faisant, Uzneftmahsulot a nié tout problème d’approvisionnement en produits pétroliers, écartant ainsi la responsabilité de l’administration et de l'État.
Les 68 000 barils quotidiens ne suffisent plus
Pourtant, le problème semble structurel. Les niveaux d’extraction de pétrole brut en Ouzbékistan sont en chute libre et ne représentent aujourd'hui que la moitié des niveaux d'il y a dix ans (153 000 barils/jour contre 68 000 barils/jour en 2013). L'année 2012-2013 a vu les taux d'extraction baisser de 11000 barils/ jour (12%). L'offre de pétrole interne ne satisfait plus la demande (82 000 barils/jour).
Depuis 2003, Tachkent importe du pétrole depuis le Kazakhstan voisin, pour un volume de 0,4 millions de tonnes en 2011. Ces importations sont toutefois contraintes par des moyens budgétaires limités. Depuis 2013, le pays teste également l'achat de pétrole depuis le champ de Kyanly au Turkménistan. Aussi l'état des raffineries de Boukhara, Ferghana et Altaaryk (qui représentent au total une capacité de 11,12 millions tonnes de pétrole brut) ne fonctionnent qu’à une fraction de ces capacités en raison de la baisse de l’extraction interne. Deux de ces raffineries datent de l’ère soviétique et ne sont plus tout à fait adaptées au brut ouzbek, puisqu’elles avaient été construites pour raffiner du brut venu de Sibérie (Omsk).
Pourtant, la hausse de la consommation est susceptible de se poursuivre à l'avenir. Selon le Centre de recherches économiques de l'Ouzbékistan, le nombre de voitures en circulation dans le pays devrait doubler d’ici 2025 et atteindra 132 voitures pour 1000 habitants (pour 67 voitures aujourd'hui). La production de pétrole en Ouzbékistan va très probablement continuer à subir des difficultés alors que les compagnies pétrolières quittent le pays l'une après l’autre : Petronas en 2013, Tethys Petroleum en 2014, partis sans avoir trouvé de pétrole sur les territoires de leurs concessions.
Depuis 2003, Tachkent importe du pétrole depuis le Kazakhstan voisin, pour un volume de 0,4 millions de tonnes en 2011. Ces importations sont toutefois contraintes par des moyens budgétaires limités. Depuis 2013, le pays teste également l'achat de pétrole depuis le champ de Kyanly au Turkménistan. Aussi l'état des raffineries de Boukhara, Ferghana et Altaaryk (qui représentent au total une capacité de 11,12 millions tonnes de pétrole brut) ne fonctionnent qu’à une fraction de ces capacités en raison de la baisse de l’extraction interne. Deux de ces raffineries datent de l’ère soviétique et ne sont plus tout à fait adaptées au brut ouzbek, puisqu’elles avaient été construites pour raffiner du brut venu de Sibérie (Omsk).
Pourtant, la hausse de la consommation est susceptible de se poursuivre à l'avenir. Selon le Centre de recherches économiques de l'Ouzbékistan, le nombre de voitures en circulation dans le pays devrait doubler d’ici 2025 et atteindra 132 voitures pour 1000 habitants (pour 67 voitures aujourd'hui). La production de pétrole en Ouzbékistan va très probablement continuer à subir des difficultés alors que les compagnies pétrolières quittent le pays l'une après l’autre : Petronas en 2013, Tethys Petroleum en 2014, partis sans avoir trouvé de pétrole sur les territoires de leurs concessions.
Mettre fin à l’indépendance énergétique ?
Une solution possible à ce problème de pénuries serait d'accroître les importations de produits bruts et raffinés depuis les pays voisins. Cette solution a été écartée puisqu'elle pèserait trop sur le budget, déjà maigre, de l'État. La récente augmentation de 20 % des prix à la pompe, la première depuis le 1er août 2011, témoigne de ces soucis budgétaires. Elle fait suite à l’autorisation pour certaines stations de vendre le pétrole à des prix dérégulés (2500 soums/litre contre 1670 soums/litre, le prix réglementaire) pendant la période de déficit. Le budget de l'État se trouve ainsi allégé de ces subventions intenables.
L’Ouzbékistan essaie d’alléger son budget en renonçant aux régulations de prix pour certaines catégories de biens, considérées comme peu prioritaires. Grâce aux économies réalisées, le gouvernement espère payer les dettes de salaires aux fonctionnaires, financer les obligations envers les investisseurs et servir les besoins de sa population toujours croissante (30 millions d’habitants - la plus importante d’Asie centrale), tout cela sans trop compromettre le régime au pouvoir ni la mainmise sur une économie largement clientéliste. A choisir, une augmentation des prix du pétrole semble préférable à des fonctionnaires privés de salaires : de vieilles habitudes soviétiques qui semblent avoir subsisté.
L’Ouzbékistan essaie d’alléger son budget en renonçant aux régulations de prix pour certaines catégories de biens, considérées comme peu prioritaires. Grâce aux économies réalisées, le gouvernement espère payer les dettes de salaires aux fonctionnaires, financer les obligations envers les investisseurs et servir les besoins de sa population toujours croissante (30 millions d’habitants - la plus importante d’Asie centrale), tout cela sans trop compromettre le régime au pouvoir ni la mainmise sur une économie largement clientéliste. A choisir, une augmentation des prix du pétrole semble préférable à des fonctionnaires privés de salaires : de vieilles habitudes soviétiques qui semblent avoir subsisté.
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Cette hausse des importations va pourtant à l'encontre de la politique étrangère de l’Ouzbékistan, qui louvoie entre plusieurs puissances régionales sans rester dans la zone d’influence de l’une ou de l’autre. L'indépendance avait ainsi été suivie d'un rapprochement avec la Russie, puis avec les États-Unis, jusqu'aux événements d'Andijan en 2005. La coopération plus étroite avec la Russie qui s'en est suivie jusqu'en 2008 s’est terminée sur une normalisation des relations avec les États-Unis. Ces dernières années, le vecteur chinois est également à remarquer. A la différence des voisins kazakh, tadjik et kirghiz et à l’instar des Turkmènes, le régime ouzbek tient à son indépendance énergétique pour ne pas subir de pressions politiques extérieures.
Retour vers l’URSS ?
Ce 10 janvier 2014, le prix du pétrole Ai-80, le plus fréquemment utilisé dans le pays, a été fixé à 2005 soums/litre. Même si cela peut s'avérer efficace à court terme, soit jusqu’aux prochains déficits, cette décision ne résout pas le problème à long terme. D'autres mesures, plus radicales, seraient nécessaires.
Une approche possible serait de libéraliser le marché du pétrole graduellement et d’augmenter les importations. Une autre solution serait de prendre exemple sur le Kirghizstan et le Kazakhstan et d’attirer des compagnies russes, les seules à pouvoir offrir un réseau proche et fonctionnel grâce aux infrastructures soviétiques reliées à la raffinerie d’Omsk. C’est d’autant plus possible que Lukoil et Gazprom sont déjà très actifs dans le pays en exploration/production. Les Ouzbeks finiront-ils par se vendre aux Russes, comme leurs voisins ou accorderont-ils un rôle plus important à la Chine ?
Une approche possible serait de libéraliser le marché du pétrole graduellement et d’augmenter les importations. Une autre solution serait de prendre exemple sur le Kirghizstan et le Kazakhstan et d’attirer des compagnies russes, les seules à pouvoir offrir un réseau proche et fonctionnel grâce aux infrastructures soviétiques reliées à la raffinerie d’Omsk. C’est d’autant plus possible que Lukoil et Gazprom sont déjà très actifs dans le pays en exploration/production. Les Ouzbeks finiront-ils par se vendre aux Russes, comme leurs voisins ou accorderont-ils un rôle plus important à la Chine ?