Olivier Cadic : sénateur à la britannique

Fabien Aufrechter et Benoît Prevost-Voïta
8 Février 2015


Self-made man dans l’industrie du logiciel puis dans la bande dessinée, Olivier Cadic est un homme d’affaires français qui a fait le choix de s'exiler en Grande-Bretagne. Sénateur UDI des Français établis hors de France depuis les dernières élections, c’est au palais du Luxembourg qu’il a reçu le Journal International pour partager son regard de Français sur son pays de résidence.


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« Je ne suis pas parti en Angleterre par choix, mais par pragmatisme ». C’est en effet pour son business qu’Olivier Cadic a quitté la France. Son seul objectif était alors d’offrir le meilleur et le plus compétitif à ses clients. Face au refus du Ministère de l’industrie de prendre en compte ses contraintes, pour lui, seule la Grande-Bretagne offrait un cadre adapté à la survie de son entreprise. Selon ses propres mots : « sans chercher à faire de provocation, j’assume d’être qualifié de premier exilé fiscal de France par ceux qui préfèrent stigmatiser plutôt que de comprendre. Mon départ n’était que l’aboutissement de mon engagement entrepreneurial qui s’est transformé plus tard en engagement politique ».

Un sénateur à l’étranger

Vivre à l’étranger : un défi permanent pour un élu. « Depuis ma prise de fonction, je n’ai dormi qu’une fois trois nuits d’affilée chez moi, dans le Kent : je suis par contre passé par Barcelone, Madrid, Copenhague, Vilnius… » Il faut dire que le travail est rude pour un homme qui souhaite apporter un regard extérieur à la politique franco-française. Une position délicate puisqu'à chaque fois qu’il critique la politique de son pays, le gouvernement et sa majorité l’accusent de french bashing. Élu depuis huit ans par les Français de Grande-Bretagne, il s’est toujours interdit de prendre position publiquement sur la politique britannique.

Un sénateur européen voire international ? Olivier Cadic le revendique. Mais les obstacles sont nombreux. Pas toujours facile d’être soumis au jeu politique français tout en étant à l’étranger, ou de surmonter les stéréotypes : « le plus dur, à vrai dire, est de surmonter les clichés : les Britanniques trouvent toujours les Français très arrogants. Mon objectif est d’aider les deux peuples à se comprendre l’un l’autre. Car il y a beaucoup d’incompréhension entre les deux bords de la Manche, et cela s’explique avant tout par une certaine ignorance de l’autre, en France comme en Grande-Bretagne ».

Une voix anglo-saxonne au Sénat

« La question écossaise, anglaise…les Britanniques ont leurs propres problématiques là où nous avons les nôtres, principalement économiques. La différence est dans les a priori : en France on juge par exemple que le système médical britannique est en dessous de tout. Pourtant, le NHS était mis à l’honneur lors de la cérémonie d’ouverture des JO de 2012, preuve qu’il est toujours à juste titre, un système dont les Britanniques sont fiers». Sur le plan politique, Olivier Cadic se présente comme un européen et un libéral en économie. Mais au-delà des clivages politiques, il se veut d’abord un Français de l’étranger, considérant que ces derniers sont trop souvent mal perçus et qu’il faut donc qu’ils soient incarnés au Parlement.

Cette nécessité d’incarnation impose de relever un défi : celui de faire tomber les frontières, tout particulièrement en Europe. Car pour Olivier Cadic, tout le problème est de rappeler que les Français de l’étranger sont toujours français, qu’ils ont un imaginaire en commun et des valeurs communes : « le Français à l’étranger se sent souvent l’autre. Il est étranger dans son pays de résidence mais le devient également pour ses compatriotes en France », note t-il.

« Les Britanniques ont du cœur »

Être représentant des Français de l’étranger conduit donc Olivier Cadic à vivre quotidiennement la Grande-Bretagne avec son regard de Français, et la France avec l’œil critique mais bienveillant de celui qui n’y vit plus. C’est avec cette expérience qu’il considère qu’au-delà des images préconçues, « les Britanniques ont du cœur. Les dons des particuliers sont d’environ 13 milliards d’euros soit à peu près trois fois supérieurs à ceux des Français. Le Royaume-Uni constitue le premier excédent commercial de la France depuis plus de cinq ans. Je souhaite que les peuples se connaissent davantage pour s’apprécier. Il faut donc lutter contre les clichés qui perdurent uniquement du fait de nos différences culturelles. C’est pourquoi j’ai toujours été en faveur d’un rapprochement entre les deux rives de la Manche. Le plus beau symbole serait de réaliser le rêve que nous sommes quelques-uns à faire : créer un métro entre Calais et Ashford en utilisant le tunnel pour créer une nouvelle génération de travailleurs transfrontaliers».